Quand les nations refont l'histoire
de Patrick J. Geary

critiqué par Bolcho, le 1 avril 2007
(Bruxelles - 75 ans)


La note:  étoiles
Les identités ethniques sont largement des fictions
Le sous-titre est : "L'invention des origines médiévales de l'Europe"

Ce qu’on appelle l’Histoire, c’est notre regard sur le passé. Cela décrit donc bien deux réalités bien distinctes :
- notre regard, tel qu’il est aujourd’hui, c’est-à-dire notre présent ;
- les événements du passé.

Donc : « Les Européens doivent apprendre à distinguer le passé du présent s’ils veulent construire l’avenir. »

Ici, l’auteur ne se contente pas de répéter ce truisme d’historien.
Il part du constat que les nationalismes refont brutalement surface en Europe, que les revendications identitaires sont à la mode, et que tout ça est joyeusement porté par des références ethniques qui remontent le plus souvent à ce que l’on nomme en français les « Grandes invasions » et qui est décrit plus justement en allemand ou en anglais comme les « Grandes migrations ».
Retournons donc à cette époque et essayons de décrire l’histoire des sentiments identitaires fluctuants des Romains, des Goths, des Lombards, des Francs, etc. Mais attention : on est prié de laisser ses images d’Epinal au fond de sa poche ! Etre Goth ou Franc n’était pas du tout la même chose au Ve siècle et au VIIe : cela recouvrait des réalités totalement différentes sur tous les plans. En plus, les Francs (par exemple) ne sont pas un peuple venu du fond des âges de telle ou telle région du monde et qui auraient transportés avec eux toute leur histoire : ils sont tout simplement nés en bordure de l’empire romain du fait même de l’existence de cet empire.
Une petite citation pour finir.
« Les peuples barbares vivant au-delà du Rhin et du Danube n’ont jamais été des groupes linguistiquement et culturellement homogènes, liés par des ancêtres communs ni même par une tradition partagée. Au contraire, ces groupes étaient d’une complexité égale à celle du peuple romain lui-même. Au moment où les limites entre les Romains et les Barbares s’effacèrent, ce qui est aujourd’hui appelé la politique identitaire devint pour certains chefs un moyen d’organiser et de galvaniser leurs partisans ».

Vous vous le dites vous aussi n’est-ce pas : eh non, ça n’a pas changé fondamentalement.
En cette période où la question identitaire reprend du poil de la bête (immonde…), c’est un livre qu’il faut lire.