Tu as raison, Mopp, d'insister sur la difficulté de traduction.
Vladimir Grigorieff, dans ce beau petit livre que tu m'as prêté (La porte applaudit), prend précisément comme exemple ce haïku de Kobayashi Issa :
"Tsuyu no yo wa
tsuyu no yo nagara
sari nagara"
Le poète a composé ce poème à la date anniversaire de la mort de sa fille. Le sens du texte serait donc :
"Monde de rosée
monde de rosée certes
mais pourtant certes"
"Ceci pourrait s'entendre comme suit, écrit Grigorieff : le monde est évanescent, la mort de ma fille me confirme que ce monde dans lequel nous vivons est bien un monde évanescent, mais pourtant, il faut bien continuer à y vivre."
Grigorieff critique ensuite la traduction de Jean Cholley qui "manque la double pointe de ce haïku" :
"Ce monde de rosée
est certes monde de rosée
certes, mais pourtant"
En fait, le problème du traducteur est de vouloir clarifier le sens, donc le fermer, alors que le propre du haïku japonais est "de par son caractère minimaliste, idiomatique, formel, tout en nuances, elliptique, ambigu, polyvalent".
Grigorieff propose donc cette traduction :
"Monde de rosée
monde de rosée hé oui
et pourtant hé oui"
Métaphore bouddhique du "mode de rosée", métaphore chrétienne de la "vallée de larmes". Joie pourtant possible dans le regard bienveillant posé sur ce même monde. C'est Colette Nys-Mazure qui cite ce haïku d'Issa :
"En ce monde
nous marchons sur le toit de l'enfer
et nous regardons les fleurs"
Lucien - - 69 ans - 2 avril 2007 |