Puisse Dieu poser sur nous son regard - Rails ; Le vaste monde blanc ; Un bateau pour les poupées
de Milena Marcović

critiqué par Sahkti, le 7 mars 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Quelque part, dans un pays détruit
Encore une belle découverte chez ce remarquable éditeur qu'est "L'Espace d'un Instant", curieux des littératures de l'Europe de l'Est dans le domaine théâtral.
Milena Markovic est serbe. Dans ce recueil, elle pose un regard acerbe et cynique, à travers un humour décalé, sur la guerre en ex-Yougoslavie, avant, pendant et après, via trois textes qui font froid dans le dos.
Dans chacun d'eux s'esquisse un conte, une allégorie, puissante métaphore de la vie qui fut celle de tous ces êtres habités par la guerre et le désespoir.

Le premier récit met en scène un fou, un type pas net, un héros et une pauvre fille perdue. Via de courts tableaux représentant autant de tranches de vie, Milena Markovic expose la misère humaine et la désillusion d'un peuple qui ne posséde plus rien, ni âme ni fierté, et qui doit se battre ne serait-ce que pour avoir le droit d'exister.
La seconde pièce ressemble à une fable, celle d'un roi qui épousa une pauvre fille parce qu'elleé tait très belle et termina ainsi au royaume des ténèbres, à découvrir ce qu'est la souffrance, la peur et la mort. Acerbe, vif, extrêmement pertinent dans sa justesse de ton, ce texte dénonce l'ivresse du pouvoir et le miroir aux alouettes, les alliances variables et les fausses promesses.
Le troisième est à mes yeux le plus cruel, le plus sordide. Des personnages bien connus des contes pour enfants, tels Alice ou Blanche-Neige, font face aux dérives de l'âme humaine, à ses noirceurs et sa perversité. Les enfants sont devenus adultes sans avoir eu le temps de respirer.

Une belle découverte, je l'ai dit. Parce que Milena Markovic, avec son écriture alerte et son humour grinçant, donne un coup de poing dans la fourmilière des idéologies et des rêves stériles. J'aime comme elle le fait, avec une violence subtile et un langage drôle. Drôle au point d'en être effrayant, parce qu'il est en même temps terriblement réaliste. Et fait froid dans le dos... parce que nous n'avons rien fait.