L'Auberge du bout du monde, tome 1 : La fille sur la falaise
de Tiburce Oger (Scénario), Patrick Prugne (Dessin)

critiqué par Shelton, le 27 février 2007
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Quel coin perdu...
Tiburce Oger, un scénariste que je ne connais absolument pas, nous propose dans cette série un plongeon, une immersion dans le monde magique et mystérieux de la Bretagne profonde. En fait, ce raconteur d’histoires a déjà beaucoup travaillé mais je n’avais pas pris le temps de l’écouter de façon sérieuse et attentive. Avec David au dessin il avait réalisé 9 Têtes, avec Filippi au scénario on le retrouvait dans Orull, seul aux manettes de la bédé c’était dans Gorn, sans oublier de nombreuses participations à des collectifs comme Brassens en BD, La Fontaine aux fables, Arthur Rimbaud…
Mais cette fois-ci, il agit en maître en offrant aux lecteurs une grande et belle histoire. Nous allons la connaître à travers le récit fait par un vieil aubergiste à un écrivain en mal d’inspiration. Edgar Saint Preux est venu se réfugier pour écrire : « Aussi cherchais-je un endroit comme celui-ci, prompt au rétablissement de ma plume… ». Mais la Bretagne est fidèle à sa réputation, il pleut sans cesse et la vieille auberge renferme plus d’une zone sombre, sans oublier ces petites créatures sauvages qui semblent diriger l’auberge…
C’est le vieux tenancier des lieux, malade et usé par la vie qui va tout raconter avant de quitter ce monde car on se doute bien qu’il se sait condamner… C’est l’histoire d’une belle jeune fille, Iréna, fille d’un aubergiste et amoureuse d’un petit Yann. Ils profitent de la mer, vont à la pêche, jouent et sont très heureux ensemble : « Il y a des jours que l’on aurait voulus éternels »…
Mais un jour, en rentrant du bord de mer, Iréna et sa mère vont connaître une rencontre horrible. La mère sera lâchement assassinée et Iréna… va disparaître pendant plus de dix ans. Le père, l’aubergiste, en mourra de chagrin. Yann, lui, ne pouvant expliquer la disparition de sa chérie d’amour, s’engagera dans la marine, la Royale dans un premier temps, puis la marchande…
Un jour, Iréna reviendra… mais, il ne faut pas que je vous en dise trop pour vous laisser le plaisir de la surprise…
Nous sommes, à priori, au XIXème siècle. Les pauvres gens semblent exploités. Les autorités officielles n’enquêtent que lorsque bon leur semble. L’entreprise, une conserverie, ressemble au bagne et les pêcheurs mènent une vie très difficile, mais cela était connu depuis longtemps.
La narration graphique est assez classique mais pas du tout en ligne claire. Ici, tout est en suggestion, en poésie, en douceur… ou en violence, en noir, en lourdeur… et c’est l’alternance des deux modes qui fait toute la richesse de cette histoire dont le premier tome est très agréable à lire… Il y a des pages d’une douceur et d’un bonheur étonnant, comme la page 5 et des séquences lourdes comme à la page 41.
Du coup, le récit ressemble à ces contes celtiques qui alternent tous les états d’âmes et laissent le lecteur « mort de trouille » en attendant la suite de l’histoire…
[Heureusement, le second volume est déjà en librairie…]