La guerre de 1870
de François Roth

critiqué par TELEMAQUE, le 19 février 2007
( - 76 ans)


La note:  étoiles
Tu enfanteras dans la douleur...
A ma droite, Bonaparte, Louis-Napoléon, rêveur et romantique invétéré, saint simonien, généreux, qui a peur du sang et qu'une maladie de la vessie diminue physiquement et intellectuellement de jour en jour.

Eternel comploteur dans sa jeunesse, surnommé (injustement ?) Napoléon le Petit par Victor Hugo, il est fils (adultérin?) du Duc de Morny et d'Hortense de Beauharnais, et de ce fait neveu de Napoléon le Grand.

Son intelligence politique, son activisme sans repos l'ont amené un jour, porté -plébiscité - par le suffrage populaire, au pouvoir. Il sera le deuxième président de l'éphémère IIème République, cette République née des barricades de Février 1848, qui avait fait naître dans le Peuple, le vrai, avec un P majuscule, celui des faubourgs, des ateliers et des fabriques l'espoir d'une égalité de fait au lieu d'une inutile égalité de droits et l'avait fait se dresser avec les bourgeois libéraux contre Louis Philippe. Ce Peuple dont les espoirs seront trahis après les journées de Juin 1848 (l’impudent avait prétendu instaurer un droit au travail) et qui se verra privé du suffrage universel que l'élan révolutionnaire de février lui avait gagné.

Cet homme une fois au pouvoir avait réduit les factions (bourgeoises, royalistes) en agitant sous leur nez la Peur du Peuple, cette grande peur des bien-pensants. S'appuyant sur ce Peuple auquel il avait rendu le suffrage universel, il avait établi une dictature que progressivement il avait adoucie pour enfin remettre le pays sur la voie de la démocratie parlementaire. Par ce moyen, il avait en quelques années lancé la France sur la voie du progrès et de l'industrie et lui avait redonné son lustre diplomatique en faisant entendre à nouveau sa voix dans le concert des nations européennes. Cette voix qui s’était un peu éraillée, et même éteinte après le Congrès de Vienne.

A ma gauche Friedrich comte de Bismarck. Prussien, c'est tout dire, homme d'Etat sans états d'âme, sa politique économique et sociale a fait de la Prusse, déjà dotée d'une solide tradition militaire, le premier et le plus puissant des états allemands, si l'on excepte l'Autriche à laquelle il règlera rapidement son compte dès 1866. Pangermaniste il a un rêve: faire de la kyrielle de micro états allemands, déjà réunis dans une zone de libre-échange qui les a enrichis, UN Etat fédéré, soudé par une culture et une langue communes, une Grande Allemagne, un Reich dont la puissance contrebalancerait celle émergente de la France et celle affirmée, de l'Angleterre.

Les petits princes, ducs et archiducs, le Roi de Bavière, se font tirer l'oreille pour abandonner leurs prérogatives au profit de leur puissant voisin et même la perspective de devenir ensemble cette puissance rêvée par Bismarck ne les emballe pas. Il faudrait pour les tirer de leur indifférence un acte fondateur fort. Une guerre. Et contre qui? Contre cette Nation qui depuis les traités de Westphalie s'est évertuée tant qu’elle le pouvait à maintenir ces états allemands en situation de minorité politique, qui a revendiqué la rive gauche du Rhin comme faisant partie de son territoire... l’ennemie idéale en quelque sorte.

Et voilà toute l'histoire, une histoire qu’encore une fois l'on croyait connue, et que raconte ce livre dans ses détails qui paraissent parfois invraisemblables.
De la dépêche d'Ems, incroyable boulette politique à côté de laquelle la dissolution de Chirac est un enfantillage, de l'impréparation de l'armée française qui vit dans le souvenir de sa gloire passée et de ses récents “exploits” en Algérie, à la capitulation quasiment sans conditions.

Ou du moins à des conditions si sévères - l'indemnité de plusieurs milliards de francs, l'occupation du territoire jusqu'à son payement intégral, l'annexion de l'Alsace et d'une partie de la Lorraine – que seule une guerre menée rondement par l’Allemagne et perdue à force d'imprévoyance, d'erreurs stratégiques et tactiques pouvait rendre imaginables.
Une guerre perdue par un Etat Major inexistant et des généraux incompétents et qui a vu s'opposer deux doctrines, levée en masse brouillonne contre armée plus réduite mais plus technique.

Défaite, mais aussi évènement fondateur de la République qui deviendra définitivement majeure après avoir surmonté ses difficultés et provisoirement vaincu ou apprivoisé les démons familiers de la Nation française: la division et la passion pour le débat vain. Un enfantement dans la douleur.
La chute de l'empereur. 8 étoiles

Bismarck est un homme qui a de très grandes ambitions, parmi celle-ci l'unification de la Prusse et des états Allemands, mais pour cela il lui faut trouver une cause commune susceptible de fédérer ces derniers. Il sait qu'il doit être patient et attendre le moment propice C'est Napoléon III qui, suite à une embrouille diplomatique concernant la succession au trône d'Espagne (machiavéliquement exploitée par Bismarck), déclare la guerre à la Prusse. Pour Bismarck, le premier objectif est atteint, ne surtout pas passer auprès de la communauté internationale comme étant l'agresseur.

Le 19 juillet 1870, les deux armées se ruent l'une contre l'autre. Aussitôt la supériorité de l'armée de coalition emmenée par la Prusse s'affirme, elle pénètre en France sans grande difficulté, côté français c'est la stupeur et l'incompréhension. Le Prusse se prépare depuis plusieurs années à cette confrontation, son armée est parfaitement organisée. Le roi de Prusse, Guillaume I, son chancelier Bismarck et le commandant en chef des armées Moltke se sont parfaitement répartis les rôles, aucun n'empiète sur les prérogatives de l'autre. De son côté la France apparaît comme totalement désorganisée, l'incurie de son armée est criante, l'empereur est malade. Déclarer la guerre dans ces conditions relève du pur suicide collectif.

L'armée française est bousculée, il y a bien des actes de bravoure mais tout part à vau-l'eau à l'image du maréchal Bazaine, un militaire de renom sur qui repose l'espoir de tout d'un peuple, qui tergiverse sur la tactique à adopter pour finalement se laisser enfermer stupidement à Metz, il capitule le 27 octobre 1870 sans jamais avoir vraiment livré de combat significatif alors même qu'il était à la tête d'un des plus importants corps d'armée. Il sera condamné par un conseil de guerre à 20 ans de prison pour traîtrise, son attitude peut être expliquée par des motifs politiques purement personnels. Tandis que Napoléon III (très malade) se dirige vers Sedan dans le but d'aider Bazaine, l'impératrice Eugénie et les ministres tentent de garder le contrôle du pouvoir, en vain. Napoléon III est fait prisonnier, le pouvoir impérial s’effondre et les républicains proclament la 3ème république le 4 septembre 1870. La guerre n'est pas finie.

Le gouvernement provisoire ordonne la résistance à outrance, Léon Gambetta, nommé ministre de l'intérieur, s'enfuit de Paris assiégé pour réorganiser les armées de province encore capables de mener le combat en faisant appel à l'esprit de 1792. Il espère pouvoir lever le peuple contre l'envahisseur, il ne ménagera pas ses efforts pour y parvenir. Les combats vont continuer un peu partout en France, mais la force militaire des Prussiens est bien trop puissante pour une armée française désarçonnée, renforcée par des citoyens mal équipés et sans entraînement. Le 15 février 1871, l'armistice général est proclamée.

Le peuple de Paris, qui a souffert durant 4 mois de siège, refuse cet armistice, il se soulève le 18 mars 1871. La commune de Paris est instaurée. Pendant ce temps Adolphe Thiers, qui est revenu aux affaires, négocie les conditions humiliantes de la réédition avec Bismarck. Pour Thiers il est hors de question de laisser les mains libres aux insurgés Parisiens, Bismarck lui sera d'une grande aide !

Cette guerre va laisser des traces indélébiles dans la conscience collective des français (annexion de l'Alsace et la Lorraine, occupation du nord-est de la France durant près de deux ans et indemnités colossales), de là naîtra l'esprit revanchard patiemment distillé dans les chères "petites têtes blondes", qui formeront la cohorte sacrifiée durant la boucherie de 14/18.

Cet excellent ouvrage relate avec moult détails tous les tenants et les aboutissants de cette tragédie de l'histoire européenne qui annonce la barbarie généralisée du XXème siècle. L'histoire doit être précieusement conservée et transmise, sans jamais en occulter les aspects les plus terrifiants, aux nouvelles générations en veillant à ce qu'elle ne soit jamais instrumentalisée par quiconque dans le but d’assouvir sa soif de domination ou de revanche, mais bien au contraire pour qu'elle soit le support d'une reconquête des valeurs fondamentales qui définissent le véritable sens de l'humanité dans ce qu'elle a de plus noble.

Heyrike - Eure - 57 ans - 2 janvier 2019