Le moindre des mondes
de Sjón

critiqué par Sahkti, le 16 février 2007
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Magie islandaise
1883, c'est l'hiver, le froid est omniprésent. Le révérend Baldur Skuggason chasse la renarde. Une course mouvementée et la quête d'un trésor: pas seulement l'argent de la fourrure mais aussi le fait que la renarde véhiculerait toutes sortes de croyances et de légendes diverses. Elle devient une obsession au point de faire perdre l'esprit à Skuggason. Et devenir fou au milieu de la neige, où tout est blanc, tout se ressemble, ça n'aide pas.
Pendant ce temps, au village, Fridrik cloue un cercueil destiné à une jeune handicapée mentale, rejetée par tous et qu'il a pris sous son aile. Il prévoit l'avenir parce qu'il sait que personne ne viendra en aide à la jeune Abba le jour où...

Je connaissais Sjón comme parolier de Björk, je le découvre romancier avec ce livre traduit en français, le premier à l'être il me semble.
L'auteur décrit avec habileté les paysages, les atmosphères, il utilise un vocabulaire recherché pour décrire certaines émotions (la différence entre une langue qui connaît des dizaines de mots pour désigner neige et la nôtre, qui en compte un, voire deux pour le faire). Cela donne une langue riche et belle, avec en même temps, un certain sens de l'économie, parce que Sjón trouve exactement le mot juste pour décrire telle ou telle chose, c'est frappant. Pas besoin de faire de longues phrases, il a le sens de l'épuré et de l'efficace.
L'Islande occupe aussi toute la place, c'est magnifique, il y a dans ce roman un côté magique et envoûtant qui saisit d'emblée le lecteur. Un plaisir!
Le moins est parfois le plus 10 étoiles

Sjon nous fait découvrir la beauté et la sauvagerie de son pays, l'Islande, là où les légendes, la nature, les animaux, les êtres humains, essaient de communiquer, sont en opposition, mais aussi essaient de découvrir une harmonie dans la difficulté de vivre ensemble.
La neige joue un rôle prépondérant dans ce pays de légendes. Elle recouvre tout, mais aussi lors de sa fonte, elle découvre tout. Les êtres humains sont assimilables à des animaux qui eux aussi survivent dans cette nature impitoyable, mais belle à la fois.
Du rêve, même du comique, pour la vie humaine, soumise à des conditions de vie extrêmes.
Un plaisir de dépaysement ... qui nous ramène à nos sources naturelles.

Printemps - - 65 ans - 12 décembre 2008


« La nuit fut froide et des plus longues » 8 étoiles

Ce petit livre m’a immédiatement séduite. Poète, il faut certainement l’être pour introduire si habilement une petite musique envoûtante, pour manier les images avec tant de brio, pour décliner les paysages avec un tel amour. De la chasse à la renarde (fabuleuse description, soit dit en passant) qui tourne mal, au botaniste qui est sur le point d’enterrer une jeune femme handicapée qu’il avait recueillie, Sjon nous offre une histoire poignante. Le décor, omniprésent, est magnifique, comme l’image de la couverture en donne l’avant-goût. J’avoue d’ailleurs que c’est cette couverture qui m’a attirée en premier lieu…

La citation que j’ai choisie comme titre pour cette critique est une phrase d’une simplicité rare. Pourtant, dans le contexte, elle est prodigieuse, sans doute grâce à sa nudité, beaucoup plus efficace qu’un long discours. La première partie du livre, celle qui est consacrée à la chasse à la renarde, fonctionne d’une façon qui généralement m’agace mais que j’ai trouvé particulièrement appropriée ici : peu de lignes par page. Voire même une seule phrase, dans le cas : « La nuit fut froide et des plus longues ». L’impression n’aurait pas été la même si elle avait été noyée dans un texte. Ici, on sent véritablement la longueur de cette nuit, sa froideur et son silence. Enfin, si on est sensible à ce style de poésie…

Franchement, une petite perle que ce livre-là…

Saint-Germain-des-Prés - Liernu - 56 ans - 5 novembre 2008