Villa Amalia
de Pascal Quignard

critiqué par Lig, le 13 février 2007
(Gouesnac'h - 41 ans)


La note:  étoiles
Un ensemble trop décevant.
Ann Hidden, pianiste de renom, découvre un soir que l'homme avec qui elle vit à Paris depuis plus de 10 ans la trompe. Ce même soir, elle tombe par hasard sur un homme qu'elle n'a connu qu'enfant, à l'école en Bretagne. Cet homme (Georges), vivant à présent dans une solitude extrême, cherche de suite à renouer les liens avec Ann.

Celle-ci décidera très rapidement de quitter Paris, son compagnon, sa maison, son emploi, ses pianos, sans en toucher plus d'un mot à quiconque si ce n'est à Georges. Il la recueillera dans son village, sa maison, heureux d'avoir enfin quelqu'un à qui parler, et avec qui manger. Elle ira se réfugier chez lui pour réfléchir aux démarches énormes qu'elle entreprend afin d'effacer cette vie et de recommencer à zéro. De fuir.
Et elle s'en va à Naples où elle trouvera une paix paradisiaque. Et une nouvelle vie sociale.

Ce dernier roman de Pascal Quignard, le premier à mon compte, me laisse perplexe. J'avais lu un extrait de Vie Secrète que j'avais trouvé d'un style magnifique. Mais ce style, je ne l'ai pas trouvé un moment dans ce roman à l'écriture froide, épurée et sèche. Fade.
Des phrases courtes, simples se succèdent avec de temps en temps, enfermés entre deux astérisques des mini-paragraphes au style plus poétique, à effets de style qui tombent plus à l'eau qu'ils ne permettent d’envolées. Trop mis de côté par rapport au reste, ils ne sont finalement pas mis en valeur. De jolies métaphores qui pourtant ne soulèvent pas le cœur : (p 205) « Le soleil avait dévoré toute l’eau. Cette brume de l’eau sans cesse dans l’air en rendait la transparence douloureuse. »

Puis, je dois dire que le fond m'a tout autant déçu.
Ann est un personnage à mon goût trop égoïste pour être humaine et son motif bien trop léger pour engendrer un changement de vie aussi radical. Ce qui m'étonne finalement, c'est que je n'arrive pas à relativiser ce dégoût du personnage. En général, le personnage peut être aux antipodes de ma personnalité et pourtant j'adhérerai tout à fait au roman. Ici, je pense que Quignard ne nous éclaire pas assez sur la personnalité d'Ann, ce qui m'a amené à la rejeter ? Et il y a ce côté invraisemblable et puis celui qui tient du rêve que tout le monde a, ou a eu, de tout quitter sans jamais avoir la possibilité ou l'audace de le faire.
Bref, ce personnage central de l'histoire m'a horripilée du début jusqu'à la fin.
Heureusement, j'ai senti comme un nouveau souffle quand elle est arrivée à Naples et dans la Villa Amalia et a commencé à côtoyer le médecin et sa petite fille. Dans cette toute autre partie du roman, enfin, les relations humaines sont intéressantes. Celles qu'Ann entretient avec la petite fille qu'elle Aime plus que tout. Avec le père qu'elle aime surtout pour son statut de "père de Magdalena". Et cette relation ambiguë avec Juliette.
J'ai été portée alors par cette vie d'amours partagés et multiples qui fait d'Ann une femme comblée dans une île idyllique. Tout en sentant avec raison qu'un drame allait éclater ce cercle paradisiaque.

La chute alors est dure, sombre et bien sûre, tout s'ensuit. On plonge dans la mort et on sait qu'on ne s'y remettra pas. Est-ce qu'on entre dans le pathos? Limite. J'ai donc décroché à nouveau avant la fin, car c'était trop, je me sentais comme blasée. J'ai un peu en horreur les formats "change de vie - tout est magnifique - tout fout le camp" à la Danielle Steel.

Je m'en vais donc essayer de rattraper toute cette déception avec Vie Secrète et l'Occupation Américaine.
Une lecture qui ne laissera que peu de traces 5 étoiles

Je vais aller droit au but : j’ai été déçu par ce roman. A l’image de la critique principale, cela est dû à une aversion assez forte envers le personnage principal : Ann Hidden. Preuve en est : une semaine après avoir fini cette lecture, j’avais complètement oublié son nom, mais pas celui des autres personnages. Quelle drôle de femme tout de même, assez effacée tout ayant des réactions tellement extrêmes, tellement incompréhensibles. Je l’ai trouvé inhumaine, même dans ses bons moments. Le roman étant construit autour d’elle, difficile de l’apprécier à sa juste valeur.
Une lecture quelconque qui ne laissera que peu de traces.
Dommage.

Sundernono - Nice - 41 ans - 30 mai 2018


heureux qui comme Ulysse... 10 étoiles

Qui n'a jamais rêvé de larguer les amarres, tout comme cestui-la qui conquit la Toison... Fermer sa maison, changer de nom, couper tous les ponts et partir vers une vie nouvelle, de nouveaux amis et amants, loin des souvenirs culpabilisants de l'enfance. Ce vieux rêve (souvent masculin), Pascal Quignard l'a imaginé sous les traits d'une musicienne, rare et adulée, belle et solitaire, dont la vie va brusquement dériver au gré de ses caprices. Beaucoup d'imprévus vont surgir et mettre quelque peu à mal son projet. Ce beau roman de Pascal Quignard, écrit dans une langue épurée à l'extrême (que d'aucuns taxeront de minimaliste), utilise le pouvoir évocateur des mots pour nous faire partager les errements et les troubles calculs d'une intelligentsia dilettante et désabusée (Sagan n'est pas loin, mais quel style!). Laissez-vous entrainer dans ce voyage imaginaire, sans chercher à y voir se refléter votre propre vie. Le charme opère et, une fois commencé, ce livre vous colle à la peau. Mais Villa Amalia, c'est aussi un film. Je ne l'ai pas vu et pourtant à chaque page j'entends la voix d'Isabelle Huppert. Etonnant, n'est-ce pas?

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 21 juin 2009


Des soubresauts de la vie d’artiste 8 étoiles

«Car la vie entre les femmes et les hommes est un orage perpétuel.
L’air entre leurs visages est plus intense – plus hostile, plus fulgurant – qu’entre les arbres ou les pierres.
Parfois, de rares fois, de belles fois, la foudre tombe vraiment, tue vraiment. C’est l’amour.
Tel homme, telle femme.
Ils tombaient en arrière. Ils tombaient sur le dos. »

Un auteur capable d’écrire ceci ne peut écrire un mauvais roman. Et de fait, « Villa Amalia » est un bon roman. Inégal, m’a-t-il semblé, un peu dispersé passée la première moitié mais brillant.
Ann Hidden, jeune femme compositrice au talent reconnu par une fraction d’initiés, prend conscience de la trahison de Thomas, son mari, avec une autre femme. Elle décide, du jour au lendemain, de tout casser dans sa vie, de sa vie, de chasser Thomas, de chasser le quotidien et de recommencer autrement. (Là intervient une faiblesse, courante dans les romans, Ann Hidden étant une artiste a de l’argent, suffisamment pour pouvoir se permettre n’importe quoi et évidemment, ce n’est pas si fréquent dans la vie des vrais gens ! Mais il s’agit d’un roman …)
Vont s’ensuivre plusieurs épisodes parfaitement identifiables qui la feront rebondir de nouvelles connaissances en nouvelles connaissances, de l’Yonne avec des incursions vers la Bretagne d’où elle est issue et où survit encore sa mère comme un remords vivant, vers le golfe de Capri, puis retour à l’Yonne.
Les êtres avec lesquels se créent des liens vivent des choses compliquées, meurent. Des histoires simples et belles deviennent des naufrages sans appel et même pas redoutés (et là on se rapproche davantage de la vraie vie), et ça reste un très beau roman même si la seconde moitié, donc, me parait plus chaotique et brutale que la phase introductive.
Pascal Quignard écrit très bien et l’on rencontre de magnifiques morceaux tel celui cité en en-tête. La complexité et la potentielle cruauté de la vie ne sont pas masquées.

Tistou - - 68 ans - 20 janvier 2009


Le refus des autres 7 étoiles

Tout commence comme un de ces romans contemporains: Ann Hidden, compositrice de talent, la quarantaine bien tassée, surprend Thomas, compagnon de quinze ans, dans les bras d'une autre femme. Les tentatives dégoulinantes d'amour d'un Thomas déboussolé n'y feront rien. La décision est prise, irrémédiable: ce sera la séparation.
Mais la blessure est bien plus profonde qu'il n'y paraît. La rupture est totale.
Aidée par Georges, ami d'enfance rencontré par hasard, Ann veut se couper du monde: elle liquide sa maison, son emploi, part en Italie sans laisser d'adresse. Abritée dans la roche, la villa Amalia domine la mer, fascine par son écrin de végétation luxuriante. Elle sera le théâtre du repli intérieur d'Ann Hidden; âme meurtrie à la recherche d'une autre forme de bonheur, un bonheur dont seraient exclus les autres - tous les autres.
La vie est là pourtant, fleuve tumultueux, avec son cortège de rencontres, ses joies fugaces, ses drames sans cesse renouvelés. Lena, la petite fille fascinée par la musique d'Ann. Leonhardt, docteur "généreux dans ses inquiétudes", "prodigue de ses joies". Et Georges bien sûr. Georges l'ami d'enfance, solitaire au coeur tendre, ravi par la perspective d'un repas en bonne compagnie. Georges, faux personnage secondaire, omniprésent, vigilant, la bouée de secours entre les mains.
Des phrases courtes, simples, dépouillées, au service d'une plongée parfois effrayante dans les méandres de l'esprit. Un personnage principal cruel dans son refus des autres, auteur de chants "de plus en plus bizarres, de plus en plus brefs, pleins de longs silences en saccades rythmiques, qui ajoutaient une espèce de sauvagerie à la tristesse qui caractérisait tout ce qu'elle faisait". Cette description des oeuvres musicales d'Ann a l’avantage de s'appliquer intégralement au roman de Pascal Quignard. Beau mais un peu dur.

Philduch - Aix en Provence - 57 ans - 7 août 2008