King Kong théorie
de Virginie Despentes

critiqué par Mieke Maaike, le 11 février 2007
(Bruxelles - 51 ans)


La note:  étoiles
Variation punk sur le thème « on ne naît pas femme, on le devient »
Dans cet essai pamphlétaire, Virginie Despentes utilise la métaphore de King Kong pour appuyer sa démonstration de la faiblesse à laquelle sont assignées les femmes. King Kong est un être puissant, dépourvu d’attributs sexuels ce qui le rend neutre, entretenant une relation asexuée avec l’héroïne, et incarnant l’idéal protecteur (sa propre force protectrice). Mais on connaît l’histoire : King Kong sera capturé(e) par les hommes, exhibé(e), puis assassiné(e). L’héroïne, alors dépourvue de sa puissance, rejoindra finalement un homme pour se mettre sous sa protection et donc se priver de liberté.

Ce livre s’inscrit dans la lignée de nombreux écrits anti-sexistes et revisite une fois de plus la fameuse citation de Simone de Beauvoir « on ne naît pas femme, on le devient ». L’auteure l’illustre de moultes exemples, pour la plupart autobiographiques, puisés notamment dans sa jeunesse de punkette puis dans son expérience de la prostitution.

Un aspect important de ce livre est la question du viol. Le viol fondateur de la prise de conscience de l’auteure de son assignation à la catégorie « femme » : « Cette proximité, depuis, parmi les choses indélébiles : corps d’hommes dans un lieu clos où l’on est enfermées, avec eux, mais pas semblables à eux. Jamais semblables, avec nos corps de femmes ». Le viol cristallisant toutes les injonctions faites aux femmes : la peur inculquée depuis le plus jeune âge, la culpabilité de ne pas se débattre à mort, et surtout l’obligation de silence. « Les premières années, après le viol, surprise pénible : les livres ne pourront rien pour moi. Ca ne m’était jamais arrivé. Quand, par exemple, en 1984, je suis internée quelques mois, ma première réaction, en sortant, a été de lire. Le Pavillon des enfants fous, Vol au-dessus d’un nid de coucou, Quand j’avais cinq ans je m’ai tué, et les essais sur la psychiatrie, l’internement, la surveillance, l’adolescence. Les livres étaient là, tenaient compagnie, rendaient la chose possible, dicible, partageable. Prison, maladie, maltraitances, drogues, abandons, déportations, tous les traumas ont leur littérature. Mais ce trauma crucial, fondamental, définition première de la féminité, « celle qu’on peut prendre par effraction et qui doit rester sans défense », ce trauma-là n’entrait pas en littérature. Aucune femme après être passée par le viol n’avait eu recours aux mots pour en faire un roman. Rien, ni qui guide, ni qui accompagne. Ca ne passait pas par le symbolisme. C’est extraordinaire qu’entre femmes on ne dise rien aux jeunes filles, pas le moindre passage de savoir, de consignes de survie, de conseils pratiques simples. Rien. »

Si dans ses romans Despentes ne brille pas par la finesse de son style, cet essai est relativement bien écrit. Alliant le discours et la forme, elle dénonce l’exigence pour les femmes d’être douce, gentille, polie et aimable. Dès lors, elle écrit comme elle donnerait des coups de boule, enchaînant virulence et fermeté, n’hésitant pas à utiliser des mots qu’on accepte mieux lorsqu’ils proviennent de bouches masculines. Cette écriture donne au livre un ton militant et rassembleur, y compris avec les hommes que Despentes invite à faire leur propre révolution.
Heureux d'être né au masculin 8 étoiles

Non par curiosité malsaine, je me suis attelé à découvrir les bouquins de Virginie Despentes, et ce en commençant par le récit qui résume à la fois la pensée et le parcours de cette écrivaine.

Son point de vue sur la place de la femme à travers son expérience de libertine, prostituée et actrice du X n’est a priori pas le parcours de tout le genre féminin, bien qu’elle compare d’autres situations à ces professions ou vocation ; elle dit notamment que toute femme choisit entre le statut de mère ou de pute, ce qui semble selon elle revenir au même.

Je crois que cette vision est pour le moins réductrice et d’aucun pourrait ne pas partager ce point de vue.
Contrairement à ce à quoi on aurait pu s’attendre, les hommes ne sont pas à considérer par elle comme les ennemis, mais c’est davantage notre société patriarcale qui donne à la femme cette place, ce statut, de victime ou d’esclave.

Evidemment, le mouvement « Me too » est entre temps passé par là et a clairement donné un coup d’accélérateur à la lutte contre le sexisme.

Les propos tenus permettent sans doute d’ouvrir les yeux un peu plus grand et pointer le doigt sur les membres du genre masculin qui, malheureusement inconsciemment, se croyaient porteur de privilèges dû à ce qu’ils ont entre les jambes. En tant qu’homme, on ne pourra jamais ressentir, même un peu, ce qu’est d’être harcelé, dénigré ou injuriée parce qu’on est trop femme. Je crois en cette réalité et j’avoue être parfaitement conscient du privilège d’être né et non née.

Le vocabulaire utilisé dans ce livre est conforme à ce quoi je pouvais m’attendre à lire, et les propos, sur le fond, bien qu’on puisse y trouver à redire, notamment lorsqu’ils généralisent et théorisent, ont le mérite de faire réfléchir, en ce compris ceux qui ont toujours eu du respect pour le genre féminin et qui ont essayé de comprendre les femmes, et qui continuent à essayer de le faire.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 24 octobre 2024


Un anti-sexisme musclé 8 étoiles

Ce petit essai anti-sexiste bouscule les idées reçues, et agite la lectrice et le lecteur, avec sa faconde habituelle, en donnant, comme souvent dans le trash, voire le glauque. Virginie Despentes donne ici un nouveau coup de poing, pour démontrer, en effet, la fragilité de la condition féminine, que rien ne justifie véritablement, ce qu'elle montre notamment en inversant les rôles entre femmes et hommes.
Elle livre un assez long passage sur la prostitution, en relatant sa propre expérience. Si elle n'est pas favorable à son développement, elle précise qu'il va être difficile de l'endiguer, car cette pratique constitue un moyen facile de se procurer de l'argent rapidement, ce qui n'enlève pas l'écoeurement de vendre son intimité. Mais, pour celles qui arrivent à passer cet a priori, les besoins financiers prennent le dessus et cela n'est pas condamnable. Elle n'en fait pas l'apologie, mais explique le mécanisme ; c'est intéressant.
Elle relate bien également son combat contre le viol, avec tout ce que cela a de fatigant, à la longue, avec ces témoignages en série qui lui sont fait. Elle ne manque pas de courage.
Je partage moins son avis sur le cinéma pornographique. Elle défend certes sa paroisse, mais assimiler cela à des films ordinaires, car ce segment peut tout aussi bien produire des oeuvres de qualité, relève quelque peu du raccourci. Elle spécifie en quoi les hardeuses inspirent du respect.

Virginie Despentes avance, avec force, des positions arguments, avec lesquelles chacune et chacun s'accorde ou non, mais qui ont le mérite de faire réfléchir, de prendre du recul, sur des idées reçues et des positions arrêtés de manière un peu rapide. Ce petit essai est donc utile.

Veneziano - Paris - 47 ans - 28 septembre 2014


un essai réussi 6 étoiles

Mots crus, affirmations choc, style direct : c’est sûr, la prose de Virginie Despentes ne laissera personne indifférent. Je rejoins cependant la majorité des critiques : bien qu’on ne sera sans doute pas d’accord avec tout ce qu’elle avance, elle parvient dans ce très intéressant essai sur la condition de la femme – et celle de l’homme – à se positionner avec des angles de vue surprenants, qui font vraiment réfléchir sur les mécanismes régissant les rapports homme/femme et sur les préjugés qui peuvent exister, en particulier sur la féminité, le viol, la pornographie et la prostitution. L’écriture énergique et presque brutale sert parfaitement le propos. Construisant son discours avec vigueur, argumentant avec efficacité et trouvant l’exemple juste qui fait douter le sceptique, l’auteure se révèle à cette occasion une essayiste et polémiste de talent.

Fanou03 - * - 49 ans - 30 juillet 2013


Punk-rock 6 étoiles

C’est intéressant, caustique et souvent pertinent. Même si mes convictions de « mâle dominant » ont été quelque peu bousculées par le discours parfois virulent de cet essai, j’ai apprécié la verve et le style direct. Ce livre m’a avant tout fait beaucoup réfléchir. Les expériences difficiles vécues et racontées crûment mais sans pathos excessif, nous font mieux comprendre la personnalité controversée de Virginie Despentes. A lire pour cogiter et pour secouer les idées reçues.

Kabuto - Craponne - 64 ans - 21 janvier 2012


Un essai courageux et percutant 8 étoiles

Despentes traite de la féminité, avec courage et un franc parler qui lui permet définitivement de ne pas appartenir à la catégorie des écrivains gnan gnan ou consensuels. On aime ou on est choqué, et bien j'aime ce style direct, qui ne donne que plus d'efficacité au propos. Certains la trouvent grossière, ça se discute. Sa position est tranchée et à ce titre parfaitement critiquable, mais l'analyse est intéressante et a le mérite de taper dans la fourmilière, et c'est tout ce que l'on demande à un essai de ce type. Sa vision du féminisme est assez originale, bien qu'un peu excessive parfois. Sur la sexualité et certains rapports hommes-femmes, son analyse est juste et brise quelques tabous.

Ce petit essai peut être lu par tous (plus de 15 ans tout de même).

Thorpedo - - 45 ans - 24 octobre 2009


Le franc-parler par excellence 10 étoiles

Une femme qui a décidemment des idées et du caractère à revendre. Brisant les tabous du sexe, des fantasmes, des pulsions, de la pornographie, ce petit essai féministe et subversif témoigne d’une liberté absolue.

Bien que très court (150 pages) « King Kong Théorie » sensibilise, choque mais surtout ouvre des voies pour réfléchir à la place de la femme. Virginie Despentes décrit avec justesse que le féminisme ne peut pas être un combat si l’on ne définit pas la place de l’homme, qu’au lieu de comparer l’homme et la femme il vaudrait mieux les accoler. Le passage où l’auteur nous parle de son viol est assez personnel et laisse le lecteur dans le flou, mais la description de cet acte barbare est très instructive.

Virginie Despentes décrit également avec sincérité la part inconsciente qui réside en nous et qui se manifeste lors des pulsions sexuelles. La masturbation est selon elle une pratique indispensable à la recherche de la jouissance absolue et montre à quel point le tabou posé sur cette pratique est une bêtise. Le monde du sexe est un véritable marché omniprésent de la pornographie jusqu’à la simple publicité. Le sexe est une chose que l’on cache puis que l’on suggère afin d’en tirer profit.

Enfin selon l’auteur, l’homme s’admire et la femme n’est qu’un miroir. Pendant l’acte sexuel, l’homme se verrait déjà en train de raconter ses exploits à ses potes et que finalement, si l’on poussait la logique un peu plus loin, « le réel désir des hommes serait de s’enculer entre eux », ce qu’ils ne peuvent accepter dans leur conscience.

Les références bibliographiques sont nombreuses ce qui montre que le travail réalisé par l’auteur a été colossal. Virginie Despentes propose un féminisme intelligent loin des clichés que l’on connaît depuis 68. Elle décrit par ailleurs l’évolution du marché du sexe qui a explosé depuis l’arrivée des nouvelles technologie constituant une sorte de prostitution légale (l’auteur s’est d’ailleurs prostituée avec l’arrivée du minitel).

Un essai subversif qui montre que l’auteur n’a pas que du talent mais aussi de l’intelligence.

Baader bonnot - Montpellier - 41 ans - 30 avril 2009


Bof 4 étoiles

Il n'y a que le premier chapitre qui m'ait plu, le reste n'est pas très intéressant.
Complètement différent de son autre livre "Teen spirit" qui m'avait davantage amusé.

Sophie_752001 - Vitry sur Seine - 39 ans - 12 février 2008