La Maison à vapeur
de Jules Verne

critiqué par ALF, le 3 février 2007
(Ondres (40) - 44 ans)


La note:  étoiles
Géant d'acier
S’il demeure encore aujourd’hui bien moins connu du grand public que des succès planétaires tels que «Cinq Semaines En Ballon» ou encore le célèbre «Tour Du Monde En 80 Jours», ce roman paru en 1880 et également connu sous le titre de «Voyage A Travers l’Inde Septentrionale», appartient néanmoins à la désormais légendaire série des Voyages Extraordinaires et mérite à ce titre une place de choix dans la collection, sinon dans le cœur, de tout inconditionnel du maître.

Toujours aussi amarré aux cultures orientales et sans cesse désireux d’ajouter une certaine touche d’exotisme à ses innombrables et non moins passionnantes expéditions, Jules Verne nous relate ici les étonnantes aventures d’une bande de joyeux européens et de leurs fidèles assistants, tous embarqués sur les routes de l’Inde de la fin du 19ème siècle, vaste et riche pays alors en plein bouleversement culturel et en proie à une violence et à une instabilité perpétuelles. Car s’il l’on retrouve ici la grande majorité des ingrédients si emblématiques de l’œuvre de l’écrivain originaire de Nantes, d’aucuns relèveront par exemple une reproduction saisissante du paysage Indien, une savante association d’avancée technologique et de respect des institutions locales (nos dix compères se promènent dans deux spacieux wagons tirés par un éléphant d’acier), ou encore une galerie de personnages plus fascinants les uns que les autres (l’ingénieur Banks, le revanchard colonel Munro, le fougueux chasseur Hod).

A vrai dire, «La Maison A Vapeur» brille avant tout par sa forte implication politique ainsi que par sa vision hélas presque paternaliste du colonialisme à l’Européenne, un engagement certes timide mais toutefois bien présent, et qui dans un sens s’inscrit dans la lignée directe du pessimisme des «500 Millions De La Bégum», paru un an plus tôt. On découvre effectivement une description plutôt sombre des soulèvements populaires et surtout des tueries qui ont longtemps rythmé les premières années de la présence Britannique le long du fleuve Indus, même si cette fois-ci l’auteur semble ne pas partager le désir ô combien légitime des populations autochtones d’exercer enfin leur propre autorité politique. Ce désir de souveraineté refoulé est ici incarné par l’infâme Nana Sahib, nabab de son état mais également ancien chef des redoutés Cipayes, une des nombreuses tribus qui peuplent l’Inde, et hélas l’une des plus meurtrières que cette immense nation ait jamais porté en son sein.

Les lecteurs assidus du grand Jules déploreront malgré tout l’enchevêtrement de descriptions souvent bien trop longues et une fois n’est pas coutume relativement inintéressantes, ainsi qu’un manque certain de rebondissement : deux faiblesses inhabituelles qui nuisent considérablement à l’intérêt ainsi devenu limité d’une épopée qui aurait pourtant pu séduire un public plus large sans un traitement naïf et parfois même biaisé des conditions de vie dans le sud de l’Asie.

Vous l’aurez donc sûrement compris, «La Maison A Vapeur», malgré quelques idée intéressantes et autres cocasseries coutumières, demeure une œuvre véritablement réservée à ceux qui désirent parcourir la collection intégrale des Voyages Extraordinaires, et il apparaît hautement probable que peu parviendront à retrouver ici le souffle épique du «Voyage Au Centre De La Terre» ou encore de «Robur Le Conquérant».