Fleurs d'ébène
de Éric Warnauts (Scénario), Raives (Dessin)

critiqué par Shelton, le 1 février 2007
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Congo ?
Nous retrouvons dans cet album l’univers idéal de Warnauts et Raives, c’est à dire le Congo belge au moment de la fin de période coloniale. On y retrouve des femmes et des hommes, des blancs et des noirs, des gens bien et des sales types…
Mais au-delà des idées toutes faites, les auteurs nous invitent à prendre le pouls d’un pays, à pénétrer une ambiance, à sentir les odeurs qui se mélangent, à la rencontre avec un monde que nous ignorons complètement où le représentant du roi et le boy se côtoient pour le meilleur et, parfois, le pire…
Cette fois-ci, l’histoire d’amour – avec Warnauts et Raives, il y a toujours une histoire d’amour – est doublée d’une histoire policière. Un corps a été retrouvé sur une piste… Il a été écrasé par une auto qui n’est plus là… Elle a du prendre la fuite avec son chauffeur… « C’est une conduite qui manque singulièrement de civisme ; une attitude inadmissible ! » s’exclame le commissaire de district ! Mais, ce sera, peut-être, le seul moment d’énergie dont il fera preuve durant cette enquête criminelle…
Le commissaire, lui, en bon fonctionnaire de police, va tenter de remonter l’affaire jusqu’au moment où la vérité éclatera…
Mais, Jean, puisque tel est son prénom, est aussi aux prises avec une vie familiale délicate. Sa femme est partie – ou il n’a pas su la garder à ses côtés, il ne sait plus… – et il ne sait plus s’il aime encore… Et, même s’il répondait par l’affirmative, il ne sait plus s’il s’agit de Judith, de Claire, de Bernadette ou même d’une autre dont il n’aurait pas retenu le prénom…
Cet album qui est un one shot, une histoire complète en français, se lit d’une seule traite, comme on parcourt un destin, sans prendre le temps de réfléchir, sans aucune hésitation, sans respirer plus qu’il ne le faut…
Un peu plus haut, je parlais du récit des auteurs car, dans ce cas, il n’y a pas de scénariste et d’illustrateur, il y a deux auteurs qui racontent à une voix, qui dessinent à deux mains. La narration graphique est toujours aussi sensuelle mais s’améliore encore… Chaque mot, chaque dessin, chaque couleur, sont autant d’éléments qui viennent nous donner de la chaleur, du sens, de l’odeur, du contact… Il s’agit vraiment d’un récit incarné comme je n’en ai pas beaucoup lus, je n’irais pas jusqu’à affirmer que ces deux Belges sont inimitables, mais on n’en est pas très loin…
Si je devais illustrer la sensualité d’un récit bédé en montrant comment les personnages de papier peuvent se transformer en réalité, je crois que je prendrais ce récit tant les personnages croisés dans Fleurs d’ébène ont laissé chez moi leurs empreintes, leurs odeurs, leurs goûts…
Une excellente bande dessinée pour adultes qui n’ont pas peur de partir en voyage pour le Congo d’avant l’indépendance…