Saison de la migration vers le nord
de al- Ṭayyib Ṣāliḥ

critiqué par Vigno, le 3 août 2001
( - - ans)


La note:  étoiles
Partir, rester
Le Soudan. Autour de la seconde Guerre mondiale. Partir, rester? Sortir du clan, s’instruire, se distancier des siens? Perpétuer les traditions, résister au temps, servir la communauté?
Voilà le dilemme où se trouve le narrateur, lui qui a étudié pendant sept années en Angleterre et qui revient vers son petit village, près du Nil, chez son père et son grand-père, vers ses amis qui ont choisi de rester.
Pourtant, l’histoire principale ne sera pas celle du narrateur, mais plutôt celle de Mustafa Said, un « étranger » venu au village voici cinq ans, qui a épousé une fille de l'endroit et conquis l’estime de tous, sans pour autant révéler son passé et les raisons qui l’ont amené dans ce petit hameau perdu. Le narrateur se liera d’amitié avec lui et découvrira que Mustafa a suivi un peu son parcours : séjour en Europe, retour en Afrique. Le même parcours mais non les mêmes secousses, les mêmes drames, à cause sans doute de leurs différences de nature. Le narrateur va distiller au compte-goutte les informations sur la vie de ce Mustafa Saïd, créant ainsi un mystère autour de lui, ce qui alimentera l'intrigue du roman.
C'est donc un roman sur l'identité. Peut-on concilier le Nord et le Sud, l’Orient et l’Occident sans renoncer à sa nature profonde? À vouloir naviguer sur deux cultures, ne risque-t-on pas d’être exclu des deux? « Je me retournai à droite puis à gauche : me voici parvenu à égale distance entre le nord et le sud. Je ne pouvais ni avancer ni reculer. »
Malgré tout ce qui vient d’être dit, je dirais que c’est la femme qui est au cœur de ce roman. La femme européenne, la femme africaine. Non comme héroïne, mais comme victime. Victime des hommes engoncés dans leurs traditions désuètes. Victime de tous ceux qui ont besoin de dominer. Objet de transaction, d’expiation, trophée, exutoire. Comme si les hommes avaient besoin d'asservir, d'agenouiller, de briser leurs conquêtes.
Traduit de l'arabe par Abdelwahab Meddeb et Fady Noun
Un chef-d'oeuvre... 10 étoiles

J'ai lu ce livre en arabe, non en français, peut-être que ma critique ici n'est pas à sa place...
Mais bon, on va dire que j'ai une confiance aveugle envers les traducteurs ;) et je vous conseille de le lire même si je ne sais pas à quoi ressemble la version française...
L'auteur pose, avec un indéniable talent, la question des identités plurielles qui ne sont pas si faciles à manier...
Les personnages m'ont beaucoup touchée. Le style de l'auteur aussi.
L'un des meilleurs livres que j'ai jamais lu.

Yesmine - - 29 ans - 12 avril 2009