Rue Katalin
de Magda Szabó

critiqué par Sahkti, le 24 janvier 2007
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La rue des fantômes
Budapest. La rue Katalin et trois habitations. Emplie de souvenirs dans lesquels chaque habitant est plongé. Se remémorant Henriette, déportée pendant la guerre. La guerre qui occupe chaque instant, chaque esprit et a modelé les vies de chacun. Un récit qui s'écoule sur une trentaine d'années, l'histoire de la Hongrie, mais aussi celle de ces gens de la rue Katalin et, à travers eux, de l'Humanité, parce que la guerre et ses horreurs, ça concerne tout le monde.
Chacun raconte, tour à tour, ses souvenirs, ses rêves, ses folies et ses désirs. La vie est étouffante, on n'existe qu'à travers l'autre et ses fantômes.

Une histoire dramatique que le mode narratif employé par Magda Szabo rend oppressante. Les personnages sont nombreux, elle virevolte de l'un à l'autre et le lecteur peut s'y perdre. Les périodes et les voix sont mélangées, tout se croise et se confond. Pas simple à suivre, parfois pesant mais en même temps, c'est un reflet de l'atmosphère qui règne dans ces trois maisons dévastées par le passé. On sent que l'auteur parle de quelque chose bien présent en elle, le ton est juste, le récit quelques fois insoutenable.
Une histoire triste, empreinte de mélancolie et de désillusion, belle aussi parce que très sensible. Une sensibilité que j'ai appréciée, ces personnages sont consistants et très présents, on les sent proches de nous et ça rend leur histoire encore plus troublante.
On ne guérit jamais de son enfance 7 étoiles

Budapest , rue Katalin, en bordure du Danube, trois maisons voisines où sont venues s'installer trois familles .
La présence de quatre enfants passant d'un jardin à un autre pour se retrouver , comme s'ils étaient « les animaux d'une même portée » les a rapprochées. On se rencontre, on s'estime, on s'entraide.
On pourrait parler d'une maison commune, d'une petite société un peu disparate où chacun vit dans le respect de l'autre.
Jusqu'au jour où , comme une tempête, arrive la guerre et son cortège de malheurs : mobilisation, persécutions, fuites, disparitions . Toutefois aucun événement historique n'est signalé de façon précise, seules en sont notées les répercussions sur les trois familles .
La maisonnée éclate puis tente plus tard de se reconstituer avec les survivants dans ce qui était autrefois leur « tanière commune » .

Nous suivons ces trois familles pendant plusieurs décennies, des années 30 de l'avant guerre jusqu'en 1968 .
Le récit de leur histoire, même s'il suit globalement un ordre chronologique, mêle différentes temporalités et plusieurs narrateurs . Il se présente sous forme de souvenirs qui entrecroisent dans un même chapitre la relation d'une situation passée et les impressions ou les doutes du narrateur, qu'il est, de plus, parfois difficile d'identifier. Qui est-il exactement ? Est-il encore vivant ? Le lecteur passe alors insensiblement du réel au fantastique, de l'histoire au surnaturel, plongé dans une communauté des morts et des vivants .

Je dois avouer que j'ai été bien déroutée par les cent premières pages , d'autant plus que les personnages sont nombreux et qu'il est nécessaire de se reporter au tableau des membres des 3 familles présenté en tête du roman pour déterminer qui est qui .
J'ai failli arrêter là mais la finesse de l'écriture d'analyse de Magda Szabo et les souvenirs émus de ses autres romans LA PORTE et LA BALLADE D'IZA ont vaincu mes réticences et j'ai continué . Je ne le regrette pas ! Il faut prendre l'ouvrage dans sa globalité, accepter d'être dérangé dans son confort de lecture pour apprécier RUE KATALIN .

C'est la chronique douce-amère de la vie d'un groupe d'individus ballottés par l'histoire, qui redonne vie à un paradis perdu et qui révèle, s'il en est besoin, qu'on ne guérit jamais de son enfance .

Alma - - - ans - 29 novembre 2018