Palais lointains
de Abilio Estévez

critiqué par Sahkti, le 26 décembre 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Survivre à La Havane
La Havane est une ville qui se meurt, détruite par la misère et la corruption. Les pauvres y survivent, quand c'est encore possible. La Havane agonise et Abilio Estevez s'y entend pour nous le faire ressentir, grâce à ses descriptions mais aussi à ses personnages qui se souviennent avec tristesse et nostalgie de la beauté perdue de la cité cubaine. C'est le cas de Victoria, un homme seul et vieillissant qui n'a plus que le ciel des sans-abris pour confident. A force d'errer, il fait la connaissance de Selma, une prostituée désoeuvrée avec laquelle il s'installe dans un magnifique théâtre abandonné, jadis cadeau d'un riche russe à un amant. Ils y rencontrent Don Fuco, un clown perdu qui les initie à l'art du déguisement et de l'apparence. Un homme qui sait que quelques instants de rire et d'illumination dans la vie de ces milliers de gens dévorés par une ville pourrissante vaut bien mieux que tous les festins du monde.

L'écriture dense de Estevez colle parfaitement à la lourdeur de l'ambiance qu'il décrit. Une ville qui se meurt et se nourrit des siens, une existence dénuée de tout espoir et l'enfermement dans une misère sociale croissante. Une ville qui étouffe avec en toile de fond le poids de l'appareil politique ici représenté par l'omniprésence de sa police, toujours à l'affut de tous ces pauvres qui donnent une mauvaise image de la vie cubaine et donc des soi-disant bienfaits du régime.
L'activité théâtrale devient le symbole de la liberté et de la renaissance, de ces moments de folie pure et douce qui permettent de supporter tout le reste. Estevez y glisse beaucoup d'humanité et de sensibilité, sans tomber dans le pathos ou la facilité des contes qui se termineraient bien. La vie est moche et reste moche, mais il y a parfois des petites étincelles de bonheur... C'est poétique et puissant, une belle découverte.