Hannah Arendt, une introduction
de Jean-Claude Poizat

critiqué par Veneziano, le 24 décembre 2006
(Paris - 47 ans)


La note:  étoiles
Rendre Hannah Arendt intelligible : une tâche pas si simple
Cet ouvrage est destiné au grand public, et c'est bien pourquoi je me le suis procuré. Si l'on devait résumer en une phrase le but recherché par Hannah Arendt, on pourrait en dire qu'elle a tenu à expliquer sur le plan théorique l'avènement des autoritarismes, principalement du nazisme, et de la solution finale. C'est notamment le but de son ouvrage majeur, Les origines du totalitarisme, qui se décline en trois parties, Sur l'antisémitisme, l'Impérialisme et le Système totalitaire, ainsi que dans Eichmann à Jérusalem.
Elle s'interroge sur le renoncement aux valeurs universelles du bien et du mal, par leur négation à soi-même, et une certaine hypocrisie à se référer à des valeurs légales et à l'ordre du commandement légitime, derrrière lesquelles les Allemands et ceux qui ont négocié avec se cachent, pour justifier d'avoir mis de côté les notions traditionnelles de bien et de mal.
Elle a été critiquée sur sa position à l'égard des Juifs : elle a soutenu que leur organisation en cercles a permis de mieux les identifier, ce qui a accéléré leur perte.

Elle situe son travail dans la théorie du politique, et non dans la philosophie, ce qui ne va pas totalement de soi, me semble-t-il, vu que la philosophie politique, qu'elle me semble fort exercer, est justement au croisement des deux. De plus, elle se base sur des postulats philosophiques, de Jaspers et Heidegger, ses maîtres, comme de Kant, notamment qu'elle cherche à livrer des réflexions universelles.

Si elle a théorisé la guerre, elle a fait de même pour l'après-guerre, avec le procès d'Eichmann à Jérusalem. Elle s'est interrogé sur la plus grande légitimité d'une justice internationale pour apprécier l'affaire. Elle s'est déclaré contre le sionisme en ce qu'il est une sorte de nationalisme.
Et, partant d'Israël, elle s'est penché sur la forme contemporaine des Etats, fondés ou non sur une nation unique et sur leur nécessaire homogénéîté. Elle part de l'idée d'un Etat israélien binational, judéo-palestinien, disserte sur les libertés fondamentales à la française et l'ingénuïté de leur universalisme, et sur le système américain où les ressortissants des minorités, pourtant reconnus comme citoyens, ont commencé à s'affirmer pour davantage de reconnaissance, dans les années 1960.

Sa pensée est riche et complexe. Cet ouvrage de simplification a globalement réussi son pari, tout en ne vulgarisant pas à l'excès, ce qui aurait probablement transformé sa pensée.
Néanmoins, pour cela, ce livre, qui n'est qu'une introduction, c'est tout dire, n'en est pas pour autant facile d'accès, car la matière de base, la pensée d'Hannah Arendt, est dense et complexe.
C'est intéressant, très enrichissant et dense, à condition de se préparer à sa lecture par un état d'esprit et de concentration appropriés.