Les plus beaux contes zen: Suivis de L'art des haïkus
de Henri Brunel

critiqué par Jules, le 27 juillet 2001
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
De magnifiques textes, une sagesse à découvrir
Que de fois n'entendons-nous pas dire « Sois Zen ! », « C'est une ambiance Zen » ? Mais c'est quoi exactement que le Zen ?…
L’auteur de ce petit livre nous l’explique très bien dans sa préface et nous le démontre par la suite grâce aux petits textes qu'il a choisis. Selon lui, « Le Zen est une attitude mentale, une manière différente d’appréhender la réalité, c’est « voir » sans à priori intellectuel, sans parasitage émotionnel, la chose nue : une fleur, un caillou, un paysage, un oiseau, une grenouille... Toute chose pour le Zen est message d’absolu, est déjà l'absolu. »
Plusieurs petits textes nous le montreront bien. L'auteur insiste cependant sur le fait que ce sont des textes « ouverts » et qu'il appartient au lecteur d’en trouver la signification profonde au travers d’un prolongement à lui donner. Les textes choisis sont japonais.
Je sélectionnerais deux ouvrages qui m’ont frappé.
Dans le premier, un homme souffre de n’avoir pas pu assez aimer son père de son vivant. Un jour il achète à un marchand chinois un objet brillant et lisse dans lequel il peut voir le visage de son père jeune. Il court le cacher au grenier où il se réfugiera souvent pour regarder ce visage. Sa femme, intriguée, montera en cachette et trouvera l'objet. En le regardant, elle voit un visage de femme !… Elle accuse son mari de regarder un portrait de femme et les scènes prennent de plus en plus d’ampleur… Ils choisissent une nonne de passage comme arbitre de leur querelle. Elle monte et revient en disant : « C’est un visage de nonne ! » L'objet était un miroir. L’auteur, en dessous de ce texte, met une phrase d'Héraclite : « Tout le malheur des hommes vient de ce qu'ils ne vivent pas dans le monde mais dans leur monde. »
J’ai également beaucoup aimé le texte sur la belle Oshokun.
Il s'agit d’une jeune femme qui fait partie du harem d'un des derniers empereurs de la lignée des Han. Celui-ci doit recevoir des barbares venus de chez les Huns. Il ne trouve rien à leur offrir, quand un de ses ministres lui suggère d’offrir une de ses femmes, de préférence pas la plus jolie… L'empereur ordonne donc que ses peintres se dépêchent de faire le portrait de ces dames et qu'il fera son choix sur cette base. Et chacune de se faire la plus jolie possible, avec des fards, des coiffures plus belles les unes que les autres, et de faire aussi du charme aux peintres pour qu’ils les embellissent. Oshokun est vraiment la plus belle : elle rayonne, brille de mille feux, par sa simple beauté naturelle. Elle ne fait donc rien pour s'embellir et ne fait pas de charme au peintre qui fait son portrait. Vexé, celui-ci ne rendra pas sa véritable beauté !… L'empereur la choisira donc pour être offerte aux barbares… Pris d’une inquiétude, il demande à la voir. A la seconde où leurs regards se croisent, ils tombent éperdument amoureux l'un de l'autre !
L’empereur ne peut revenir sur son choix et ils seront malheureux pour le restant de leurs jours !.
L'auteur nous donne un peu plus loin la signification de ce texte : il n’était en rien déshonorant pour Oshokun de se parer au mieux possible et d’assumer sa beauté. Le Zen dit que « Beauté, intelligence, talents, il nous faut les manifester pour mieux les offrir et les partager. » Oshokun aurait pu changer son destin.
Il nous est aussi donné de nombreux exemples de l'art des Haïkus qui sont de tout petits poèmes impérativement de trois vers et de cinq, sept et cinq syllabes. Leur inspiration est des plus diverses.
Un livre intéressant avec de très beaux textes.
Un peu de zen? 7 étoiles

Une vingtaine de contes, pour la plupart d'origine japonaise, rassemblés par l’auteur qui nous dit pour commencer que le Zen est « une attitude mentale , une manière différente d’appréhender la réalité ; c'est voir sans a priori intellectuel, sans parasitage émotionnel : une fleur, un caillou, un paysage un oiseau, une grenouille". Ce qui fait la spécificité de l'art zen, précise Henri Brunel, c’est la note incertaine, la ligne brisée, le dessin asymétrique, voire l’élément insolite, inutile car « toute forme parfaite est close ».
Des exemples de contes ? « La lune dans un vieux seau » raconte la vie laborieuse d'une nonne entrée au couvent à dix-sept ans et qui n'avait jamais connu le Satori, l'Eveil,« la paix inimaginable qui inonde brusquement l'âme étonnée », jusqu’à ce moment…
« Un soir, elle revenait du puits et la nuit tombait. Elle observait sans y penser le reflet de la lune dans l'eau du seau. C’était un vieux seau, dont elle avait réparé le fond avec du bambou tressé. Brusquement il céda , l'eau s'échappa et la lune disparut aussitôt avec l'eau du vieux seau. A cet instant précis, elle connut le Satori. Elle fut libre. »

Dans un autre, « Une nonne très singulière », un moine, Hashinon, tombe éperdument amoureux d'une nonne qui consent à l'occasion d’une grande fête en l'honneur du Bouddha, et cependant que l'empereur assiste aux offices, à se montrer complètement nue dans le sanctuaire d’un temple. « Prends-moi, dit-elle, maintenant ! » « Alors Hashinon vécut le Satori, l'Eveil. Comme dans ces dessins où la forme et le fond changent en un éclair de place, il vit la réalité jusque là cachée. Il sut que son amour était artificiel, fantasmatique, ses désirs fous semblables aux reflets changeants de la lune sur l’eau. Le voile de l'illusion s’était déchiré. Il accéda à la racine du moi, à la vérité, à la paix. »

Kinbote - Jumet - 65 ans - 15 juin 2002