Minuit dans le jardin du bien et du mal
de John Berendt

critiqué par Sorcius, le 15 novembre 2000
(Bruxelles - 54 ans)


La note:  étoiles
Savannah la mystérieuse, l'envoûtante
Certains lieux possèdent un je ne sais quoi de particulier qui en fait des lieux à part. Savannah est la reine des villes à part.
Savannah est la reine des villes à part. Quand la magie, le vaudou, les traditions ancestrales et un esprit rebelle se mélangent, le résultat est quelque chose de surprenant. Pleine de mystère et charme, elle l'est sans conteste. Le temps y est comme suspendu depuis une certaine guerre de Sécession et l'écroulement d'un monde. On y parle des morts comme s’ils étaient encore vivants, on y traite les fantômes comme des animaux familiers et on y joue des jeux étranges dont personne sauf ses habitants n'en connaîtra jamais les règles. Les cimetières sont des lieux de promenade, les maisons sont hantées, l'air y est imprégné d’un parfum de surnaturel et les squares qui envahissent la ville de leur verte présence semblent sortis d'un conte, comme si les dieux - ou les démons - en avaient fait leurs lieux de prédilection. Et de fait, il est bien difficile de savoir si c’est le bien ou le mal qui domine. Là-bas, la vie a un goût d'excentricité, une saveur toute particulière d'originalité. Les gens qui y vivent ont quelque chose de spécial, un brin de folie, une vision de la vie désinvolte et marginale. Minuit dans le Jardin du Bien et du Mal raconte, à l'aide d’anecdotes truculentes, un morceau de Savannah (tous les personnages sont réels). Il soulève quelques instants le voile sur les choses qui s’y passent dans le plus grand secret. Et si le sujet principal du livre semble être un meurtre et la recherche des circonstances qui l’entourent - en somme, une banale affaire policière – le vrai sujet est ailleurs. John Berendt a eu là une excellente idée, tellement bonne d'ailleurs que les touristes affluent désormais à Savannah… Quiconque lira ce livre sera pris d'une envie irrésistible de rendre une petite visite à cette ville magique ; c’est comme un envoûtement. Et si, comme moi, vous " craquez " et vous envolez pour cette ville surnaturelle, vous ne serez pas déçu, croyez-moi.
Grandeur et décadence de la bourgoisie de Savannah 10 étoiles

Ce chef d’œuvre de la littérature américaine a été largement inspiré de faits réels et bien que les personnages n’aient pas tous effectivement existé, il n’en reste pas moins que les plus étonnants et pittoresques, tel Lady Chablis (Brenda Dale Knox, de son vrai nom), la Drag-Queen, sont bien réels (Elle a même joué son propre rôle dans l’adaptation cinématographique de 1997).

Ce livre, publié en 1994 par John Berendt (qui n’a écrit que deux romans avec « la cité des anges déchus » qui se passe à Venise) a figuré au box-office du New-York Times pendant quatre ans et demi, a une histoire pour moi. En fait à la base, j’ai visionné le film réalisé par Clint Eastwood et je n’avais pas aimé du tout l’interprétation qu’il en avait faite. Mais comme je suis têtue et curieuse, je voulais savoir pourquoi je n’avais pas apprécié le film : j’ai donc acheté le bouquin. Et là, révélation : ça m’a beaucoup plu ! Alors quoi ?? Bon, je ne vais pas égrener les différences entre le film et le livre, il suffira juste de dire que la fin est différente et que les coups de projecteurs donnés dans le film sur tel ou tel détails sont différents du bouquin.

Pour ce qui est du livre, l’histoire se passe donc à Savannah, dans un petit état du sud-est des États-Unis, en Géorgie dans les années 80. La vie s’y écoule tranquillement parmi les 22 squares typiques que compte la ville et le long de ses belles avenues bordées de maisons à colonnades cossues du vieux Sud et plus particulièrement à Mercer House, riche villa d’un antiquaire de la ville, Jim Williams où doit se dérouler une somptueuse réception pour la fête de Noel, comme tous les ans et où toute la ville se bat pour figurer sur la liste des invités. Le journaliste John Kelso est envoyé par sa rédaction pour y couvrir l’évènement.

Le livre, à travers le regard de ce jeune journaliste new-yorkais, tient aussi bien du roman que de la chronique et la galerie de portraits que nous décrit Berendt est impressionnante, riche, fournie et haute en couleur. Elle nous plonge dans l’atmosphère et la touffeur de la ville, au cœur de la haute bourgeoisie de Savannah, monde centré sur lui-même, codifié à l’extrême et rigide où la façon de paraitre est plus importante que la vérité et qui va être ébranlée par l’assassinat de Danny Hansford à la suite d’une violente altercation avec Jim Williams. En effet, ce dernier est arrêté et accusé du meurtre de Danny, jeune gigolo frondeur et indiscipliné avec lequel il aurait eu une liaison. Jim qui représente la vieille élite polie, distinguée et sulfureuse plaide la légitime défense et soutient que Danny n’était qu’un employé à mi-temps. Quatre procès s’en suivront et une bataille juridique s’engagera alors entre John, l’avocat de Williams et l’accusation.

Alors, on peut se demander si le sujet central du livre qui est ce fait divers ayant défrayé la chronique de l’époque n’est réellement que cela ? Pas vraiment et je dirais qu’il s’agit plutôt d’un prétexte car c’est l’occasion pour l’auteur à travers les descriptions des différents personnages rencontrés au fils de l’histoire de nous parler du Sud, de l'aristocratie qui y siège empêtrée dans le carcan de ses traditions ancestrales et de toute une galerie de personnages interlopes aussi fascinants qu’énigmatiques ; tel Lady Chablis, donc, vedette de cabaret, Joe Odom, un riche oisif, Minerva, la prêtresse vaudou qui explique que Minuit, l’heure des morts, est l’heure qui sépare la magie blanche (une demi-heure avant minuit et la discussion positive avec les morts) de la magie noire (une demi-heure après minuit où les morts se vengent des vivants), M. Glover qui promène un chien imaginaire, Luther Driggers qui se balade avec une fiole empoisonnée dans la poche en menaçant la ville entière et bien d’autres.

C’est drôle, tendre, touchant, mystérieux, romantique envoûtant, surprenant mais aussi cruel et sans pitié ; ça foisonne de mille et un détails sur la vie dans le Sud et cela transcrit surtout une « atmosphère » imprégnée de mystère traduite par la lumière filtrant à travers les arbres, les squares entourés de vieilles demeures Géorgienne style rococo Second Empire, Colonial ou encore Régence ou Victorienne et l’on y surprend l’accent trainant et lent du Sud ainsi que la musique de jazz présente partout. Une atmosphère où les morts ne semblent pas vraiment morts, où les cimetières inspirent plutôt la flânerie et où l’étrange « fille aux oiseaux » est devenue désormais l’icône de Savannah.

Krysaline - Paris - 58 ans - 7 octobre 2017


atmosphère 7 étoiles

1980, Etats-Unis, Savannah, le vieux Sud, une splendide demeure fitzgeraldienne au mobilier élégant, un hôte raffiné, des réceptions somptueuses, un journaliste curieux, un jeune rebelle à la James Dean anachronique semblant échappé de la Beat Generation, un chien mascotte d'université, une pincée de vaudou : le décor est planté.

Les querelles entre les 2 protagonistes, l'esthète installé amoureux des belles choses et le jeune indomptable à la vie consumée, jusqu'au drame qui vient réveiller la quiétude d'un ensemble qui paraissait si harmonieux; et les 2 questions qui hantent l'histoire : amants ou non, meurtre ou légitime défense?

Les 4 procès, la guerre des prétoires, les revirements des témoins et de l'opinion, le parfum d'irrationnel vaudou qui flotte : atmosphère.

Le problème, c'est d'avoir vu le film avant; le réflexe immédiat est d'en vouloir au(x) scénariste(s) d'avoir bousculé un si bon texte.
Le film, très bon en l'occurrence, a nécessairement simplifié les personnages, en nombre et en caractère, ainsi que les situations; l'avocat et la lady y ont une place prépondérante.
Un film aux images fortes qui restent trop imprégnées et dont on a du mal à se défaire.
Le livre n'arrive plus à impressionner notre vision, parasitée qu'elle est par les images du film.
Un livre descriptif, subtil, qui a alors du mal à rester au premier plan, malgré ses qualités indéniables.

Bardalu - - 34 ans - 8 janvier 2014


Envoûtant 8 étoiles

J’ai vu l’adaptation cinématographique avant de lire le livre. Clint Eastwood a fait un bon film, avec des phrases plus punchées comme « truth, like art, is in the eye of the beholder », mais le livre est meilleur et plus complet. Le titre et la couverture du livre, une sculpture où une fille tient deux soucoupes dans les mains, nous ensorcellent dès le départ, avant même qu’on ait commencé le livre. D’après moi, le personnage principal du livre c’est la ville de Savannah. John Berendt nous la peint mystérieuse et colorée. Je crois que ce livre a fait à cette ville toute une publicité ! Pour ce qui est de l’histoire, on suit le suspense avec ardeur, j’ai complètement embarqué. Ça a été une lecture agréable et ça me donne le goût d’aller dans cette ville, mais il y a quelque chose qui m’a déçu. Le fait que le livre est basé sur des faits et des personnes réels, mais que l’ensemble a été inventé et que John Berendt n’est arrivé qu’après le commencement du procès, comme il l’explique à la fin du livre... Ça enlève un petit quelque chose, mais ça reste un excellent livre.

Nance - - - ans - 12 juillet 2008


Magnifique chronique 9 étoiles

Sachant que tous les personnages sont réels, on abandonne l'idée de se retrouver dans un autre monde. Pourtant, vu la galerie de personnages, on a du mal à se faire à l'idée que le temps n'a pas été suspendu là-bas, dans la douceur du Sud. Et on ne peut que remercier Mr Berendt de nous avoir fait partager sa vie à Savannah, et avec un tel talent.

Nirvana - Bruxelles - 51 ans - 20 juin 2004


Je le ferme à l'instant... 9 étoiles

... et je sens encore flotter dans les airs cette douce chaleur imbriquée de poussière ocre qui m'a entourée tout au long de mon périple à Savannah. Oui, Savannah est belle et hors du temps, oui, ses habitants sont étranges et merveilleux, mais n’oublions quand même pas l’écriture magique de John Berendt qui a pu transposer en mots toute une série de sensations magnifiques sinon magnifiées.
Vivre à Savannah, vivre avec Savannah, vivre les vies de ses habitants, voilà ce que John Berendt nous offre. acceptons son cadeau avec grâce !
Roman à lire, et à relire si vous êtes de passage en Georgie, ce n'en sera que plus beau !

Pendragon - Liernu - 53 ans - 21 janvier 2002


Ensorcelant! 8 étoiles

Une très belle critique de Sorcius ! En effet, « Minuit dans le jardin du bien et du mal » est un roman envoûtant et surprenant. John Berendt a été bien inspiré de dresser le portrait de cette ville hors du commun qu’est Savannah. Difficile de croire que ses habitants sont réels et, pourtant, ils le sont bel et bien ! ! Tout semble anecdotique, hors du temps, et il est impossible de ne pas s’attacher à ces personnages pour le moins excentriques. Un livre à la fois amusant, captivant et, sans aucun doute, très bien écrit.

Bluewitch - Charleroi - 44 ans - 25 mars 2001


J'y suis allé... 0 étoiles

Je suis allé à Savannah plusieurs fois, c'est sur la côte Sud des Etats-Unis, pas très loin d'Atlanta en Géorgie. Et alors là, c'est comme dans le livre, peut-être même plus vrai que nature: la lenteur, les gens, la chaleur bien sûr, les arbres et les maisons, et cet espèce d'esprit du Sud si particulier (même si quelquefois c'est pas toujours positif, l'esprit du Sud, par exemple pour ce qui concerne les rapports entre Blancs et Noirs...). Mais il suffit de se balader dans les rues, ou de trainer un soir dans la vieille ville pour être projeté dans l'univers du livre. Clint Eastwood en a fait un film qui capte assez bien le truc, mais franchement si vous avez aimé le bouquin et que vous passez là-bas (c'est tout près de la Floride), vous ne regretterez pas votre ballade...

Francassa - Paris - 53 ans - 8 janvier 2001