L'Amérique
de Franz Kafka

critiqué par Sahkti, le 12 novembre 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
C'est comment l'Amérique?
Une démarche indispensable à associer à la lecture de "L'Amérique", me semble-t-il, est de replacer sa rédaction à une certaine époque, quand l'Amérique pouvait encore faire rêver et lorsque le constraste avec la réalité était perçu avec violence et déception. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, l'Amérique est un fantasme qui est bien retombé, et en lisant ce texte de Kafka, je ressens un décalage, une vision quelque peu anachronique d'un endroit et d'une société. Ce qui a son charme, je trouve, et n'est pas dénué d'un certain intérêt pour le regard qu'un auteur tel que Kafka pouvait alors porter sur un mode de vie et un pays qu'il ne connaissait pas vraiment.

Pays qu'il explore essentiellement via son personnage de Karl Rossmann qui est le coeur névralgique du récit, c'est autour de lui que tout s'oriente, de l'espoir le plus fou à la déception la plus amère. Un espoir teinté aussi d'une naïveté évidente, comme il apparaît par exemple dans le récit "Le Soutier", la mésaventure d'un allemand sur le navire transportant Rossmann à New-York et qui se dit exploité par ses supérieurs. Le jeune Karl prend sa défense, d'abord vivement et brillamment puis de plus en plus fragilement, comme si c'était là le symbole de certitudes déjà défaillantes. La découverte sur le bateau de son oncle Jakob, puissant sénateur participant de manière détournée à la gestion du navire (et donc à l'exploitation de certains employés?) devrait être un élément rassurant du récit, or il n'en est rien. C'est plutôt la source de nombreuses interrogations et le début d'un ébranlement du paradis américain qu'on rencontrera au fil du récit.

Peut-être pas un des meilleurs romans de Kafka, mais pas si mauvais que ça à mes yeux. Parce que j'ai l'impression que dans ce texte, Kafka se laisse aller et se fait plaisir, tente l'humour et la dérision, manie la gravité et l'émotion sans trop de retenue. Il y a dans ce texte un côté spontané et naturel qui fait défaut dans d'autres compositions kafkaïennes.
Kafka en Amérique 8 étoiles

C'est un bon Kafka et un des plus faciles. Le changement de continent peut déstabiliser quelques pages mais ensuite on retrouve tout le plaisir des grands textes comme "le procès" ou "le château".

Yeaker - Blace (69) - 51 ans - 20 décembre 2010