Tout le monde est occupé
de Christian Bobin

critiqué par Jules, le 26 juillet 2001
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Le monde poétique de Bobin
Ariane est une jeune femme à qui il n'a jamais été possible d'inculquer « les bonnes manières », car, pour elle, elles sont tristes.
« Ariane n’était pas douée pour la tristesse. Elle aimait et elle voulait. Le reste n'importait pas. Vivre est si bref. Donne-moi ce que j’aime. Je n'aime que la vérité. »
Ariane a plus de prétendant qu’il n'en faut et finit par en choisir un. Elle fait un seul heureux et de nombreux malheureux. Ariane est belle, Ariane est gaie. Après la fête, elle est seule avec son mari, enlève sa robe, dégage son sein et prend son coeur dans la main. Elle avance avec ce cœur en regardant son mari droit dans les yeux. A un mètre de lui, elle lit dans ces yeux que cet homme, pas plus pas moins qu'un autre, ne saura quoi faire de ce coeur une vie durant. Elle le laisse tomber à ses pieds et il éclate en trois morceaux. J’aurai donc trois enfants, se dit-elle, en ramassant le coeur, le remettant en place et s’habillant sous le regard figé de son mari.
Ariane part en pleurant et en riant vers la montagne. Elle pense au prénom qu’elle donnera au premier enfant..
Entrez dans cet univers poétique de Bobin, suivez la vie d'Ariane, elle en vaut la peine. C’est une vie de rêves et de beauté. Il y aura parfois du moins gai aussi, mais pas trop car Ariane sait prendre la vie… « Mais parfois l’amour est si fort qu'il n’y a rien à faire : on peut très bien aller, en toute conscience, vers son malheur. »
Ariane travaille chez trois personnes, chacune très différente des autres. Mais tout le monde est occupé. « Tout le monde, partout, tout le temps, est occupé, et par une seule chose à la fois.»
Ariane aura, notamment, une fille qu'elle appellera Manège et pour laquelle "Il n'y a que du naturel dans ce monde. Ou si vous voulez, c'est pareil: il n'y a que des miracles sans ce monde."
Ariane est à nouveau amoureuse : « Ariane est amoureuse d’un plombier. Non. Cette phrase est idiote : personne n'est un plombier, même pas un plombier. Personne n'est ce qu'il fait pour gagner sa vie. » Cette nouvelle d’un bébé donnera lieu à un dialogue entre Rembrandt et Van Gogh, deux amis d’Ariane, parce qu'elle les regarde souvent et s'endort aussi dans le canapé sous leurs regards….
Je laisse le mot de la fin à Christian Bobin : « Il y a des fous tellement fous que rien ne pourra jamais leur enlever des yeux la jolie fièvre d'amour. C’est grâce à eux que la terre est ronde et que l’aube à chaque fois se lève, se lève, se lève. »
Pour aimer les livres de Bobin, il faut entrer dans son univers avec des yeux libres de regarder, un cœur libre de vibrer, des oreilles libres d’écouter…
de l'amour comme ça on en redemande 10 étoiles

Pas de romantisme mièvre ici, du beau, du grand Bobin qui m'a fait penser à Vian.

Yeaker - Blace (69) - 50 ans - 21 juillet 2010


Peut-on parler de "naïfs" en littérature ? 9 étoiles

Assez d'accord avec cette critique de Jules , largement émaillée de citations . On le sent admiratif et je partage son admiration ainsi que sa conclusion . Il faut un coeur pur et des yeux neufs pour entrer dans l'univers de Bobin , à la fois poétique et mystique . Il y a du Saint-Ex , celui du "Petit Prince" uniquement et aussi du Calvino (" Le baron perché') chez lui si l'on veut trouver une parenté littéraire .¨Parenté seulement car Bobin est unique surtout par son style dépouillé et évident et par son regard plein de naïveté et d'amour pour la création . Un excellent livre .

CCRIDER - OTHIS - 76 ans - 28 novembre 2004