Sanguines
de Pierre Louÿs

critiqué par Hiram33, le 6 octobre 2006
(Bicêtre - 55 ans)


La note:  étoiles
Les belles histoire de Monsieur Louÿs
Sanguines

Recueil de contes publiés en 1903, « Sanguines » reflète tout le talent de narrateur de Pierre Louÿs et son goût pour l’Antiquité et les femmes. Hélas, cet ouvrage n’a pas été réédité depuis longtemps hormis dans les oeuvre complètes hors de prix.

L’homme de pourpre

Dans les jardins verts de la blanche Ephese, deux jeunes apprentis discutent avec leur maître le vieillard Bryasis. Le sculpteur réputé a travaillé sur le Mausolée d’Halicarnasse Survient le petit Ophélion qui leur narre une histoire surprenante. La reine Stratonice a fait commander au peintre Clésidès un portrait d’elle vue de dos. Devant le manque de motivation du peintre, elle lui a envoyé une esclave pour modèle. Epris de vengeance, Clésidès peint la reine avec son amant de face et de dos et expose les deux portraits aux yeux de tous. La reine, aussi impudente que spirituelle déclare ne pas savoir lequel est le meilleur mais que les deux tableaux sont excellents. Bryasis n’est pas surpris car il estime que l’artiste doit obéir à ses seules muses et non aux souverains. Le vieillard donne à ses apprentis l’exemple de Parrasios, auteur d’un « Prométhée », portrait exposé à l’Acropole. Au cours d’un marché aux esclaves, Parrasios s’émeut devant une jeune vierge dénommée Artémidora et l’achète pour qu’elle lui serve de modèle afin de peindre quelques petits tableaux obscènes.
Pour son Prométhée, Parrasios achète Outis, un esclave de 50 ans bien bâti au regard intelligent. Outis, est un ancien médecin réputé qui portait le nom de Nicostrate du temps de sa liberté. Pour réaliser son Prométhée, Parrasios torture Nicostrate. Apprenant cet acte de barbarie, le peuple vient crier vengeance sous les fenêtres de l’artiste mais les dernières huées sont étouffées quand l’oeuvre est révélée... Le peuple fait silence devant la Gloire de Prométhée.

Dialogue au soleil couchant

Arcos, berger grec séduit par l’art du verbe la belle Melitta. D’abord effarouchée, la jeune fille succombe car elle croit entendre un dieu dans la voix de son beau-parleur. Louÿs rend hommage à l’amour courtois en le transposant dans la Grèce antique.

Une volupté nouvelle

Une nuit, Pierre Louÿs est visité par un fantôme, Callistô, belle jeune grecque de l’Antiquité ressuscitée par Louis Ménard, savant qui connaissait les rites appropriés alors que la belle gisait dans son tombeau au Louvre. Elle recherche un volupté nouvelle qu’elle n’aurait pas connue dans son époque mais elle reste blasée par tout ce que lui propose l’écrivain. Elle prétend que le XIXè siècle n’a fait que recopier l’Antiquité grecque. Finalement, c’est le simple plaisir d’une cigarette qui la surprend.

Escale en rade de Nemours

L’auteur raconte une anecdote qu’il a vécu sur un navire. Un marocain, caïd de Sidi-Mellouk lui montre un long coutelas. Le Marocain révèle que cette arme a servi à tuer d’un coup un homme et une femme et raconte à l’auteur impressionné l’histoire de son frère qui se vengea de sa femme adultère et de son amant.

La fausse Esther

Esther Gobseck, philosophe néerlandaise apprend qu’elle est bien malgré elle l’héroïne d’un roman de Balzac. Révulsée, elle vient se plaindre auprès de lui mais la force de conviction du grand écrivain la trouble au point qu’elle se demande si sa vraie personnalité n’est pas celle imaginée par Balzac.

La confession de Mme X

L’abbé de Couézy, pressé de relater des anecdotes issues de confession se refuse à trahir le secret dû à sa profession. Toutefois, il satisfait ses comparses de salon en traçant la psychologie des femmes qui viennent le trouver pour soulager leur âme. Il estime qu’elles se vantent. Il cite l’exemple d’une jeune femme ayant avoué deux incestes avec son père et son frère. Mais l’histoire était fausse. Louÿs se moque ainsi du portrait moral des jeunes chrétiennes de son époque.

L’aventure extraordinaire de Mme Esquellier

Sortant de l’opéra, Mme Esquellier et sa soeur Armande sont enlevées en voiture puis dévêtues par une vieille femme et enfermées dans une pièce. Persuadée que le pire va venir, l’une d’elle prie et promet aumône et neuvaine pour que sa vertu ne lui soit pas arrachée. Elle va même jusqu’à se jurer la fidélité pour la première année de son futur mariage. En fait, elles avaient été enlevées par un couturier qui voulait simplement reproduire le motif original de leurs robes. Louÿs se moque ainsi avec un malin plaisir des femmes faussement vertueuses et de leur superstition religieuse.

Une ascension au Venusberg

Au mois d’août 1891, Pierre Louÿs vécut une quinzaine de jours dans le verdoyant Marienthal près de la vieille cité d’Eisenach. Sa chambre d’hôtel faisait face au mont Hoersel appelé Venusberg par les poètes. Séduit par celui-ci, il le vit telle une divinité couchée dans une tunique verte et noire et voulut s’y promener. Arrivé dans une auberge, une jeune fille lui conseilla de visiter la grotte de Venushoehle. Là se trouvait un homme possédé par la folie qui lui parla de la grotte comme de l’Ouverture de la Terre, l’Enfer peuplé par Vénus et ses millions de nymphes. Le gardien du Venushoehle considérait qu’il n’était pire torture que d’aimer et les nymphes ne pouvaient donc être que symbole de souffrance dans sa chair. Troublé, Louÿs fut saisi d’un frisson qui l’enveloppa et crut entendre l Voix de Vénus quand le gardien lui dit qu’elle chantait à l’heure du crépuscule.

La persienne

Une femme de quarante ans raconte à un ami l’événement qui l’a conduite à rester vierge. A dix-sept ans, par une nuit sans sommeil, elle fut témoin d’une scène tragique. Un homme avait conduit une jeune fille juste sous sa fenêtre. Elle vit l’homme tenter de violer sa compagne qui disait accepter ses baisers mais pas pour ça... L’homme rendu fou de colère tira alors un couteau de boucher qu’il planta dans la persienne menaçant de poignarder sa victime si elle se refusait à lui mais celle-ci saisit le couteau et tua son agresseur. Alors, celle qui devait rester vierge toute sa vie à cause de la seul vue de cette scène apprit dès cet instant tous les secrets de la vie, de l’amour et de la mort et ce que les romans appellent le désir.

L’in-plano

Une petite fille de douze ans est laissée seule dans sa maison. Rongée par l’ennui, elle se rend dans la bibliothèque de son père malgré l’interdiction qui lui en a été donnée. Elle sort un in-plano d’un rayonnage duquel apparaît une sainte qui promet de répondre à trois questions. La dernière réponse est effroyable puisque la sainte révèle l’avenir de la fillette, un avenir sombre où le dernier jour de la vie de la fillette ne serait pas le plus noir de ceux qu’il lui reste à vivre. Terrifiée, la petite raconte la scène à son père. Il la console en lui expliquant qu’elle a simplement été punie pour avoir désobéi et qu’elle a appris certaines choses qu’elle n’avait pas besoin de connaître... et qui n’étaient pas vraies.