Vent d'Est, vent d'Ouest
de Pearl Buck

critiqué par Dirlandaise, le 16 septembre 2006
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Le choc des cultures
L'histoire se passe en 1930, en Chine. La narratrice de ce livre s’adresse à une amie et lui raconte les événements qui bouleversent sa vie. Elle appartient à une vieille famille chinoise noble dont la première épouse, sa mère, est fortement attachée aux vieilles traditions ancestrales. Son père ne pense qu’à son plaisir et prend plusieurs concubines dont il se lasse assez vite après leur avoir fait un ou deux enfants et après que leur beauté se soit fanée. Tout ce petit monde cohabite donc dans la maison familiale. La narratrice à un seul frère qui décide de partir étudier aux Etats-Unis comme c’est la mode dans les familles chinoises aisées de l’époque. Mais, il revient accompagné d’une épouse américaine, rencontrée à l’université malgré le fait qu’il soit censé épouser une jeune fille de la famille Li, le mariage étant arrangé depuis de nombreuses années. Sa famille n’acceptera jamais l’Étrangère et sa mère, la Première Épouse en mourra.

La narratrice épouse elle aussi un homme chinois qui a étudié la médecine en Amérique. Elle devra s’adapter aux nouvelles coutumes de son mari qui lui demande en autre de vivre dans une petite maison à l’américaine, de se débander les pieds et de se considérer l’égal de son mari. Voulant se faire aimer à tout prix par ce mari étrange, la narratrice accède à tous ses désirs mais au fond de son cœur, elle garde les vieilles superstitions chinoises bien ancrées. Mais peu à peu, elle commence à douter d’elle-même et de ses convictions et accepte de plus en plus le point de vue de son mari.

C’est le choc des cultures orientales et occidentales qui est le thème majeur de ce roman. Les vieilles traditions chinoises sont bousculées par l’apport de l’Occident et certains ne peuvent s’y adapter. Deux cultures opposés à l’extrême mais réunies par l’amour de deux jeunes gens passionnés qui ne demandent qu’à s’aimer envers et contre tous. Le frère de la narratrice devra payer très cher son amour pour l’Étrangère, perdant sa place au sein de la famille ainsi que son héritage. Il choisit l’amour avec courage et détermination, désireux d’accéder au bonheur malgré toutes le embûches qui se dressent sur son chemin.

Un roman qui peut sembler à l’eau de rose si ce n’était de la belle écriture de Pearl Buck toute en douceur et subtilité, qui décrit la vie par l’intérieur, se servant des sentiments et des désirs secrets d’êtres humains déchirés par deux cultures comme pinceau pour brosser une fresque magnifique de la Chine en pleine évolution.

« Et qu’avons-nous donc à communiquer à ces barbares ? Les dieux dans leur sagesse ont mis la mer entre nous, pour nous éloigner d’eux. Il est impie de réunir ce que les dieux dans leur sagesse ont séparé. »

« Cette liberté d’allures m’est incompréhensible. Et cependant, c’est curieux, quand j’y réfléchis je n’y découvre aucune mauvaise signification. Elle avoue son amour pour mon frère aussi simplement qu’un enfant recherche son compagnon de jeux. Il n’y a rien en elle de subtil ni de caché. Combien c’est étrange ! Cela ne ressemble pas à nos femmes. Elle est comme la fleur de l’oranger sauvage, pure et piquante, mais sans arôme. »
Vents contraires 7 étoiles

Pearl Buck a passé sa petite enfance en Chine puis y a vécu avec son mari une dizaine d’années. Parlant couramment mandarin, elle est un témoin exceptionnel de la Chine au début du XXème siècle.
Tout son roman tourne autour de la confrontation entre la société traditionnelle chinoise et la civilisation occidentale, le choc des cultures et des générations, le déchirement au sein des familles ou au cœur même des individus entre le système de valeur ancestral et l’attrait pour les techniques et idées nouvelles. L’intrigue tourne autour de deux couples :
- la narratrice Kwei-Lan (élevée à l’ancienne mode pour être une parfaite épouse chinoise) et son mari gagné à la culture occidentale et revenu au pays après avoir fait des études de médecine à Londres
- le frère de la narratrice, qui revient des Etats-Unis en ayant épousé une américaine et qui refuse le mariage arrangé par ses parents.
C’est passionnant, sans doute un peu trop biaisé en faveur de la culture occidentale aux yeux du lecteur moderne pétri de relativisme culturel, et un peu simpliste dans les psychologies et prises de position des uns et des autres (par exemple le changement d’attitude brutal du mari de Kwei-Lan).
A lire néanmoins, l’écriture est fluide, les sentiments écrits avec beaucoup de pudeur et ce roman est un témoignage historique exceptionnel.

Romur - Viroflay - 51 ans - 14 décembre 2014


Un beau livre 9 étoiles

Merci pour cette belle critique principale Dirlandaise.
Je trouve que c'est vraiment un beau livre, avec beaucoup de scènes touchantes.
Le livre est divisé en deux parties. J'ai tellement été bouleversé par la première que ça m'a peut-être empêché d'apprécier totalement la deuxième... C'est la seule chose que je trouve dommage.

Un autre excellent Pearl Buck, mais vraiment trop court pour que je le mette au même niveau que "La Mère".

Martin1 - Chavagnes-en-Paillers (Vendée) - - ans - 20 août 2012


Etonnante économie des moyens 6 étoiles

Page quatre-vingt l’héroïne débande ses pieds, c’est un geste hautement symbolique. Belle chronique de famille sur la fracture de générations et sur l’ouverture à la modernité.

Béatrice - Paris - - ans - 11 février 2010


Les désarrois d’une Chinoise de 17 ans 9 étoiles

On ne peut que s’attacher à Kwei-Lan, jeune fille de 17 ans qu’on marie à un homme qu’elle n’a jamais vu, à qui elle a été fiancée avant même sa naissance. Elevée dans la plus pure tradition chinoise, elle ne comprend pas cet homme qui veut qu’elle soit son égale, qui ne couche pas avec elle puisqu’il n’est pas amoureux d’elle (alors que l’unique but dans la vie des femmes chinoises est de mettre au monde des fils) et qui n’approuve pas les critères de beauté chinois : « Mais je retirais hâtivement mes pieds sous mon fauteuil. J’étais saisie par ses paroles. Pas beau ? Moi qui avait toujours été si fière de mes petits pieds ! Toute mon enfance, ma mère elle-même avait présidé aux bains d’eau chaude et à l’enveloppement des bandes – de plus en plus serrées – chaque soir. Quand je pleurais, dans ma souffrance, elle me priait de songer au jour où mon mari louerait la beauté de mes pieds.
Je baissais la tête pour cacher mes larmes. Je me rappelais toutes ces nuits agitées, ces journées pendant lesquelles je ne voulais ni manger ni jouer, et où je restais assise sur le bord de mon lit en balançant mes pauvres pieds pour alléger la pression du sang. Et maintenant, après avoir tout supporté jusqu’à ce que la douleur cesse – depuis à peine un an – apprendre qu’il les trouvait laids ! »

Un récit tout en pudeur et sous-entendus. J’ai moins aimé la partie avec le frère mais tous les personnages sont décrits avec justesse.

« Vent d’Est, vent d’Ouest » est considéré comme le chef d’œuvre de Pearl Buck. Du même auteur, beaucoup moins connu, l’excellent « Fils de dragon » est aussi à lire.

Mademoiselle - - 37 ans - 28 septembre 2006