Le vin est tiré...
de Robert Desnos

critiqué par Jules, le 19 juillet 2001
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
La lente et inexorable décadence
Ce livre de Robert Desnos nous raconte la lente dépendance et la chute aux enfers de jeunes garçons et filles qui s'adonnent à l’opium.
Ce livre a été édité en 1943 et, alors que notre société est de plus en plus enfoncée dans le problème des drogues, il semble avoir un côté prémonitoire. Pour rappel, Desnos a été fait prisonnier par la Gestapo en février 44, envoyé à Buchenwald et Auschwitz, mais est mort du typhus au stalag de Terezin, le lendemain de la libération de ce camp.
Il écrit dans sa préface : « Tant que l'ordre social continuera à brimer le libre développement de l’individu, des hommes et des femmes chercheront dans l’opium et l'héroïne d'illusoires compensations et la clef d'un suicide lent. »
Je comprends parfaitement ce qu'il veut dire, mais jusqu Ôoù peut aller « le libre développement de l'individu » au sein d’une société, libre par ailleurs ?… Si pas encore totalement pour certains, tout au moins elle l’est au maximum de ce que nous connaissons. Et la liberté totale, est-elle pensable dans une société qui a un besoin d’un minimum de structures pour survivre ?. Nous sommes à la pointe du « je » et du « moi ! moi ! moi ! », véritables obsessions de notre société depuis mai 68.
Mais l’opium rend l'autre inaccessible, il rend l'homme impuissant, lentement mais sûrement. Et Barbara de dire à son petit ami : « C'est fini. Il est déjà trop tard... Au fond est-ce que nous sommes capables d’aimer ? Et n'est-ce pas cette incapacité qui nous pousse à fumer et à priser ? De quoi avons-nous peur ? de nous ? des autres .. »
C'est terrible de voir ces jeunes hommes et femmes s’enfoncer irrémédiablement dans un monde artificiel avec la mort au bout du chemin. Cocteau a fumé assez longtemps de l'opium, mais il a fini par arriver à s'en sortir. Ceux-là sont malheureusement assez rares. Baudelaire en fumait aussi.
«..nous formons une société secrète et internationale. Nous nous reconnaissons à des signes sûrs et indescriptibles. Dans tous les pays du monde nous savons que nous retrouverons nos pareils, notre pègre et notre monde chic, nos héros et nos criminels ; … nous traînons nos tares, nos mensonges, notre impuissance, notre lâcheté, notre crasse morale et quelquefois physique. »
Un livre à lire pour tenter de mieux comprendre, de mieux aider !