Le vol de la mésange
de François Maspero

critiqué par Feint, le 22 août 2006
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Vivre en témoins
C’était la première fois que je lisais un livre de François Maspero, que je connaissais surtout comme éditeur. J’ai d’abord cru que c’était un recueil de nouvelles – d’ailleurs, c’est aussi un recueil de nouvelle. A mes yeux cependant, Le Vol de la mésange s’est plutôt imposé comme un roman lacunaire et kaléidoscopique, une sorte de puzzle aux pièces délibérément manquantes.
Les personnages, désignés par un unique prénom (Luc, Manuel, Lise, Gilles) sont récurrents d’un récit à l’autre. On les retrouve, par deux ou isolés, à des périodes diverses de leur vie, depuis la fin de l’enfance jusqu’à l’approche de la vieillesse, sur une durée d’un demi-siècle. Très vite, on devine qu’ils sont les doubles de l’auteur, ou de personnes qui ont partagé les mêmes idéaux. Une rapide enquête m’apprend qu’on les retrouve aussi dans d’autres livres du même auteur, qui constituent dès lors à mes yeux une manière de long roman par nature inachevé. Je ne suis pas surpris d’apprendre que certaines anecdotes sont d’origine autobiographique, et mises en fiction par un souci d’honnêteté et de prudence à l’égard de l’autobiographie déclarée.
Tout n’est pas dit dans ce livre. Des personnages, on ne saura que peu de choses. Tous, voyageurs perpétuels, à l’image de l’auteur, sont des témoins du monde qu’ils traversent, et face auquel ils s’effacent. Pour autant, Le Vol de la de la mésange n’a rien de journalistique, en dehors de la profession – d’ailleurs toujours innommée, des personnages. Les lieux eux-mêmes sont le plus souvent anonymes, surtout lorsqu’ils sont hors de France ; ou ne sont nommés qu’après coup. On y reconnaît cependant la Bande de Gaza, la Bosnie et – à distance – la Bolivie, où tombe un Che lui aussi innommé. On sent beaucoup de pudeur dans l’écriture de Maspero. On sent aussi un goût pour ce qui relie : les hommes entre eux, l’homme et le monde. L’amitié est un thème sous-jacent mais omniprésent. Mais ce qui m’a sans doute le plus touché, c’est la réflexion sur le sens : les significations de paysages à décoder, le sens qu’on a voulu donner à sa vie en témoignant, réflexion qui un temps arrête Manuel, dans la plus belle peut-être de ces nouvelles, la dernière, qui donne son titre au livre.