Pereira prétend
de Antonio Tabucchi

critiqué par Zoom, le 19 juillet 2001
(Bruxelles - 70 ans)


La note:  étoiles
La liberté d'être et de dire dans un magnifique roman existentialiste
Ce roman existentialiste est un livre attachant, profond, et semble si vrai qu’on aimerait croiser Pereira au coin de la rue.
C'est au travers d’un héros qui a tout de " monsieur tout le monde " que Tabucchi parvient à faire passer de grandes idées humanistes et démocratiques, idées qu’il fait vivre dans le Potugal salazariste de 1938 mais qui sont intemporelles : la liberté, celle d’être et de dire.
Pereira est journaliste à la page culturelle du LISBOA, il est gros, veuf, triste, et vit passivement entre son bureau, le portrait de sa femme défunte et ses citronnades . Il engage un jeune stagiaire qui va bousculer sa vie tranquille et son existence va prendre un autre sens.
Le style du livre exprime un grand respect de l'homme et énormément de chaleur humaine. C’est un livre extrêmement émouvant, proche, et simplement beau. Si j’étais prof de français, je le ferais lire à tous mes élèves... Et vous verrez, après la dernière page, vous aurez envie d'une omelette aux herbes...
Original, mais un peu vain 6 étoiles

Un auteur italien, Tabucchi,élabore un roman qui se passe à Lisbonne à la fin des années 30. Celui-ci se présente comme une sorte de procès-verbal où le mot "prétend" revient au présent pour ponctuer un récit établi au passé qui retrace les évolutions d'un journaliste portugais confronté à ses propres émotions comme à celles provoquées par la guerre d'Espagne proche et le montée du salazarisme. C'est plutôt intéressant, en dépit de cet artifice purement littéraire qui conduit à insérer les dialogues dans la forme d'un procès-verbal et au fait de revenir en 1993 sur les affres du fascisme ibérique, ou plutôt de sa forme d'état autoritaire de droite (Franco, Salazar). Le livre se lit donc bien, une fois admis l'artifice littéraire qui, finalement, n'apporte rien au récit. Le fait de revenir en 1993 sur des événements anciens, et sans y apporter de nouveauté, n'est pas un plus.

Falgo - Lentilly - 85 ans - 8 février 2017


Choisir son camp 8 étoiles

Le narrateur rapporte l’aventure que Pereira lui a racontée, celle qu’il prétend avoir connue à Lisbonne, en août 1938, alors qu’il était engagé depuis peu pour diriger la page culturelle d’un tout nouveau journal, Le Lisboa. Pour la dixième édition, celle que j’ai lue, Antonio Tabucchi ajoute une note qui précise que l’idée de ce roman proviendrait de l’histoire d’un journaliste portugais réfugié à Paris où il l’aurait rencontré, qui aurait réussi à faire paraître dans son journal, à l’insu de sa hiérarchie, un article très critique à l’endroit du gouvernement, ce qui lui aurait valu pas mal d’ennuis par la suite.

Pereira prétend donc avoir rencontré, dans le cadre de ses fonctions bien pompeuses, considérant qu’il était seul pour tenir la page culturelle de son journal, un jeune étudiant désargenté auquel il aurait proposé de rédiger des nécrologies anticipées et des éphémérides pour gagner un peu d’argent. Le jeune homme s’exécute mais ne produit que des textes absolument impubliables dans un journal rigoureusement aligné sur les positions politiques du gouvernement de Salazar. Il ne propose que des textes concernant des écrivains révolutionnaires alors que Pereira lui demande de préparer des documents sur les écrivains catholiques français : Bernanos, Claudel, Mauriac, etc… Rapidement le directeur culturel comprend que son pigiste est avant tout un militant engagé dans la lutte contre le pouvoir totalitaire et qu’il utilise les quelques fonds qu’il lui verse et sa bonté naturelle pour financer ses actions militantes sous la férule de la belle Marta, la jeune femme qu’il courtise et qui semble lui dicter sa conduite.
Le vieux journaliste cardiaque, Pereira, ne veut plus entendre parler de politique, il veut se tenir dans une stricte neutralité confortable en ne s’intéressant qu’à des auteurs du XIX° siècle, français de préférence. Mais progressivement, sous l’influence et le charme de la jeune femme, ses idées évoluent, il éprouve une certaine sympathie pour ces deux jeunes qui luttent contre le salazarisme dans leur pays mais aussi contre le franquisme qui essaie de conquérir le pouvoir par les armes en Espagne. Et, plus la situation son pigiste devenant dangereuse, plus il s’implique auprès des deux jeunes militants jusqu’au jour fatal où tout semble s’écrouler mais où le vieux journaliste choisira définitivement son camp en montant une combine diabolique.

C’est du Tabucchi pur jus, du Tabucchi comme je l’aime, une intrigue savamment construite, diabolique, imparable, une écriture claire, juste, précise ; un style qui coule comme le Tage en période pas trop pluvieuse, qui rend la lecture facile et agréable ; une histoire où les méchants sont très méchants, à la tête du pays, mais où les âmes vaillantes parviennent à les faire vaciller. Dans ce roman comme dans plusieurs autres, il étale sa double culture italienne et portugaise, son héros, Monteiro Rossi, étant lui-même italo-portugais, il porte d’ailleurs pour prénom le nom d’un autre de ses héros, celui de « La tête perdue de Damasceno Monteiro » qui se déroule aussi au Portugal.

« Pereira prétend » est devenu un symbole de la lutte contre le pouvoir totalitaire et, en Italie, les opposants à Berlusconi l’ont choisi comme icône.

Débézed - Besançon - 77 ans - 31 août 2014


Un roman humaniste 9 étoiles

Ce roman n'a rien de la petite histoire anodine, à laquelle la lectrice ou le lecteur peut croire avoir à faire, au commencement. Il s'agit bien de la condamnation d'un régime politique, de ses méthodes et des liens extérieurs qu'il peut entretenir. Et, paradoxalement, l'anti-héros qui le sert renforce la profondeur du message : la résistance peut être opérée par n'importe qui.
Ce livre est donc éminemment porteur d'espérance, sur la faculté de l'humanité à lutter contre ses pires démons. C'est l'un des meilleurs que j'ai lus de l'auteur.

Veneziano - Paris - 46 ans - 30 juin 2012


Quand il faut dire stop 8 étoiles

Pereira n'a pas le physique du héros, obèse et de santé fragile, il vit seul à Lisbonne sous le régime de Salazar. Il mène sa petite vie tranquille en s'occupant de la page culturelle hebdomadaire d'un journal. Son directeur le laissant travailler à sa guise.
Pereira n'est pas indifférent à ce qui se passe dans son pays, il veut simplement ne pas s'impliquer dans la politique de celui-ci.
Sa position va néanmoins évoluer quand il rencontrera un jeune homme du nom de Rossi engagé maladroitement dans la résistance. En s'informant il affirmera son jugement jusqu'à ce qu'un drame le conduise à faire son choix et à abandonner sa petite vie tranquille.

Un livre très humain sur le réveil des consciences. Comment contester quand l'opposition est supprimée et qu'aucune information critique ne passe. Comment évaluer ce qui est acceptable de ce qui ne l'est plus.
C'est parce qu'il va rencontrer des dissidents, apprendre que le clergé n'est pas unanimement derrière le fascisme et obtenir des informations sur le conflit civil voisin, qu'il va mûrir son opinion.
Il faut signaler que le livre répète en permanence "Pereira prétend". Il n'y a pas de réponse à cet usage mais il sonne comme un doute sur les actes de Pereira. Comme si le courage de résister au péril de sa vie était toujours suspect.

Bonne lecture

Yeaker - Blace (69) - 51 ans - 19 décembre 2010


Chouette, un lisboète 8 étoiles

Ce veuf solitaire au souffle court, qui noue sagement sa serviette autour du cou lorsqu’il prend son déjeuner, a tout d’un antihéros. Eh bien, au fil des pages il devient un héros ! L’itinéraire d’une prise de conscience.

Béatrice - Paris - - ans - 9 novembre 2010


Procès verbal d'un homme sans qualité 10 étoiles

Le succès de circonstances de ce livre n’en fait pas un roman circonstanciel. Publié en 1994 en Italie, à la veille de la victoire de la droite berlusconienne, il connut un immense succès de librairie dû à l’identification des opposants italiens au personnage du portugais Pereira, car si le contexte historique était différent, la gauche italienne y vit quelques similitudes politiques.
Ce livre est une merveille d’intelligence, de chaleur humaine, de solidarité inexprimée avant d’être courageusement affirmée. La construction du récit, qui se dit être un témoignage, est d’une grande subtilité et plus encore c’est un livre de grâce comme auraient pu l’écrire ces écrivains catholiques français, Mauriac, Bernanos ou Maritain que Pereira prétend tant aimer.
C’est un livre de résistant qui donne le courage de se battre quand tout est perdu, qui révèle le bien en chacun de nous, nous ces hommes sans qualité - pour reprendre le titre du livre de Robert Musil- qui demain pourront être confrontés à une situation semblable. Comment réagirions nous ? Il y a des héros qui s’ignorent comme ce Pereira qui devient au fil du talent de Tabucchi un « refuznik » avant l’heure.
C’est aussi le livre d’un très grand écrivain : la solitude, la détresse de Pereira, sa tendresse aussi, magnifiée par le portrait de cette femme morte et pourtant si présente, tout cela est admirablement décrit ou suggéré car Tabucchi n’a pas besoin de beaucoup de pages pour se faire bien comprendre et nous emmener là où il veut, au plus près de l’humain.
C’est le livre d’un humaniste qui décrit par touches minuscules cette dictature soi disant molle, si on la compare à celle de quelques autres et pourtant si cruelle et odieuse. Salazar n’était pas ce bourgeois bien mis qui allait à la messe tous les matins, comme il fut souvent décrit par une presse complaisante. C’était d’abord un dictateur qui s’appuyait sur une redoutable police politique, la PIDE. Mais cet impitoyable ramassis de brutes et de nervis ne peut arrêter la vie, l’amour, détruire la beauté de ce pays, de cette ville, Lisbonne, sous le soleil éclatant de l’été, même si, page après page, on est pris par cet étouffement de la ville qui n’est que la traduction climatique de l’étouffement démocratique. « Cette ville pue la mort, toute l’Europe pue la mort », pense un moment Pereira mais c’est de cette puanteur et de cette mort que surgira la vie.
« Je préfère la littérature qui pose des questions à celle qui fournit des réponses » a dit un jour Antonio Tabucchi. « Pereira prétend » n’apporte aucune réponse si ce n’est, une fois encore, sur le pouvoir de la littérature. Tabucchi a le génie de nous laisser imaginer la suite de son histoire, rendant ainsi au lecteur sa responsabilité première : devenir l’acteur de son destin au lieu d’en demeurer le témoin ou, pire encore, le passif spectateur.
Je n’ai pu m’empêcher de penser en relisant ce que l’auteur appelle un témoignage à ce tableau de Picasso « Le marin ». Il a été lui aussi peint à la fin de l’été 38, époque où précisément se situe l’action du livre. Cet autoportrait est grave avec un regard presque accusateur. Un gros trait noir cerne les couleurs. L’homme est figé, comme attendant une catastrophe et pourtant il porte un maillot rayé pour la plage. Cet homme, c’est Pereira qui, sous un aspect ordinaire, va accomplir l’inattendu, l’extraordinaire : retrouver sa dignité.
A lire et à relire.

Jlc - - 81 ans - 20 décembre 2006


Magnifique 10 étoiles

Un plaisir de lecture énorme, un livre bouleversant d'humanité, qui parle à chacun.
Je ne suis pas loin de penser qu'il s'agit de la plus grande réussite de son auteur.

BackwardsMan - - 64 ans - 22 août 2006


Un très beau livre ! 8 étoiles

En effet, ce livre est superbe et d'une écriture splendide. J'ai aussi beaucoup aimé "Les Trois Derniers Jours de Fernando Pessoa Un Délire" du même auteur.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 26 juillet 2001