Noa Noa
de Paul Gauguin

critiqué par Sahkti, le 17 août 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Souvenirs de Polynésie
En 1891, Gauguin prend le large, direction la Polynésie. Son séjour dure deux ans, deux années pendant lesquelles le peintre tient une sorte de journal, condensé de ce qu'il voit, de ce qui lui arrive et de ce qu'il ressent. Pas un journal méticuleusement tenu au jour le jour, mais plutôt un observatoire grandeur nature des us et coutumes du territoire. Gauguin nous parle des îles, de la société et aussi, beaucoup, de Tehura, jolie vahiné qui enflamme son coeur et à qui il dédie des lignes très lyriques.

C'est plus qu'un récit de voyage. C'est aussi une étude intéressante de la pensée d'une époque et il est intéressant d'analyser les préjugés ou les idées que Gauguin et d'autres pouvaient alors se faire à propos des maories, de la Polynésie et du grand large. En gardant à l'esprit que Gauguin a effectué ce voyage dans le but de fuir une civilisation européenne qui commençait à lui faire horreur.
Sur ce point, c'est intéressant, mais je déplore cependant que Gauguin noie de tels propos au milieu d'u tas de considérations esthétiques, d'un flot de détails qui, par moments, alourdissent considérablement le récit. Il convient de s'accrocher, histoire de ne pas perdre le fil, et de lire ce texte par petites tranches, sous peine de voir tout se mélanger dans la tête.

Au final, je n'ai pas ressenti de coup de foudre ou d'emballement particulier. Certains chapitres m'ont plu, d'autres non. J'ai aimé le regard posé sur une société mais pas la traitement d'écriture pour en faire part. Avis mitigé, parce que trop de détails, dus à la passion sans limites éprouvée par Gauguin pour une culture, une société, et qui, afin de faire vivre son histoire et ses souvenirs, donne à l'ensemble un aspect confus et dense qui me déplaît quelque peu.
Gauguin à Tahiti 8 étoiles

En 1891, Paul Gauguin a été chargé d’une mission « artistique » en Polynésie, de ce séjour il rapporta de nombreux tableaux, des images, des paysages, des personnages, …, à peindre, des odeurs, Noa Noa signifie odorant, parfumé en langue locale, mais aussi un texte qu’il a confié à son ami le poète Charles Morice pour le mettre en forme et le publier., Ecrit en 1898, ce texte aujourd’hui proposé par Julie Maillard est conforme à l’édition de 1924, il comporte, en fin d’ouvrage, les trois textes et quelques poèmes ajoutés par le poète.

Gauguin arrive à Tahiti au moment de la mort du Roi Pomaré, il commence donc son récit par la description des événements liés à la mort de celui-ci qui scelle définitivement le destin de l’archipel devenu ainsi partie intégrale du territoire français. Il raconte les cérémonies liés aux obsèques et les fêtes qui suivent la disparition du roi. Déçu par l’européanisation de la capitale, Gauguin décide de s’installer à l’écart de la ville où il trouve la chaleur d’un voisinage qu’il faut apprivoiser mais très serviable et généreux quand il est convaincu de la bonne foi de son nouveau voisin.

Installé dans son nouveau logis avec la jeune femme, Teura, très jeune : treize ans estime-t-il, qu’il a rapidement épousée. Il raconte ce mariage avec les rituels locaux mais expédie vite les formalités rituelles, administratives et protocolaires liées à ce mariage et à sa mission pour commencer à prendre des notes, dessiner des croquis et essayer de peindre. « Mais la paysage avec ses couleurs franches, ardentes, m’éblouissaient … Cela était si simple pourtant de peindre comme je voyais de mettre sur ma toile, sans tant de calculs, un rouge, un bleu ! ….».

Sur l’île, Gauguin organise une vie quasi autarcique à la mode des autochtones et part à la découverte des paysages qui le subjuguent et l’émerveillent. Il entreprend des excursions souvent périlleuses, toujours éprouvantes, dans des grottes, vers la cime des montagnes accessible seulement par le lit de ruisseaux dangereux ou en mer. Il découvre ainsi un territoire riches en denrées alimentaires qui nourrit le autochtones qui ne travaillent que quand il faut préparer les filets pour les grandes pêches. Il décrit l’île comme un petit paradis où vivent des gens simples, heureux, accueillants… et des femmes magnifiques qui l’éblouissent.

Sans doute pour étoffer sa mission, il raconte l’histoire de l’île, sa culture, la théogonie très structurée qui remonte à des temps très anciens laissant penser que cet archipel a été habité depuis des millénaires. Il s’étend plus longuement sur l’histoire de la secte des Arioi et sur la façon dont elle a pris le contrôle de l’île pour assujettir les populations à ses rites qui comportent notamment la régulation de la population par le sacrifice des nouveau-nés. Les mœurs étaient très violentes mais le territoire fort exigu et les îles voisines trop éloignées pour espérer y émigrer, il fallait bien trouver une solution pour réguler la population afin de ne pas l’affamer. Le choix fut très cruel, selon la perception européenne du terme, mais la religion locale l’acceptait et même l’imposait.

Gauguin propose un très beau texte, très riche en images et odeurs, très inspiré, très enthousiaste sur le mode de vie des populations, très éclairant sur les mœurs et la culture des Polynésiens, que j’ai d’autant plus apprécié parce qu’il est l’artiste éponyme de ma rue.

Débézed - Besançon - 77 ans - 18 avril 2024