Histoire contemporaine
de Anatole France

critiqué par Hiram33, le 15 août 2006
(Bicêtre - 54 ans)


La note:  étoiles
De l'art de la remise en question
En 1897, Anatole France commence la rédaction de sa célèbre tetralogie "L'histoire contemporaine". Les stéréotypes antijuifs et antimaçonniques laissent penser que le romancier est réactionnaire. Un des personnages, Worms-Clavelin, Juif et franc-maçon, est l'archétype haï des nationalistes et des antidreyfusards. Le premier volet de la série "L'orme du mail" laisser planer un doute sur les convictions de France. Mais dès le deuxième roman "Le mannequin d'osier", le romancier dissipe le doute grâce à son personnage de Bergeret, philosophe et philologue, républicain et rationaliste, humaniste et amoureux des animaux (les descriptions de son petit chien Riquet sont très touchantes). Bergeret ridiculise les antisémites et les nationalistes, il explique pourquoi l'innocence de Dreyfus ne fait aucun doute. L'enfance de Bergeret, le romancier n'est pas allé la chercher très loin car c'est la sienne. On s'identifie donc à Bergeret autant qu'à Anatole France. Comme Zola et Jaurès, le romancier est passé de l'antisémitisme stéréotypique au philosémitisme éclairé. On peut même trouver deux passages de "Monsieur Bergeret à Paris" dressant un éloge implicite à la franc-maçonnerie. "L'histoire contemporaine" est plus qu'une série de romans, c'est l'oeuvre de la remise en question, de la recherche de la vérité.

L’Histoire contemporaine est une tétralogie, une satire de la société contemporaine à son auteur. Son héros principal, Bergeret, est un humaniste qui passe le plus clair de son temps à philosopher sur la vie. Il est professeur de littérature latine et enseignant à l’université dans une ville de province, Tourcoing, dans les trois premiers volets. Dans le dernier, il obtient une promotion en étant nommé à la Sorbonne. Bergeret aime dialoguer avec son prochain. On le voit converser avec l’archiviste Mazure dans la librairie Paillot. Mazure est un jacobin médisant et amer. Le docteur Fornarol est un autre de ses comparses. Il aime parler des sciences et de médecine. Terrmondre est un riche campagnard, collectionneur et amateur d’art. Madame de Gromance est la belle jeune femme du quartier que courtise Terremondre. Parmi tous ces personnages haut en couleurs, on trouve un vieux général légitimiste, Cartier de Chalmot et sa femme très pieuse qui dirige des sociétés de charité. L’intrigue des trois premiers volets est simple. Plusieurs des personnages jouent de leurs influences pour faire nommer l’abbé Guitrel, aux idées larges et conciliant avec la République, évêque de Tourcoing contre son adversaire Lantaigne plus fermé et austère. Guitrel l’emportera mais contre toute attente il écrira au Président de la République pour défendre l’Eglise contre les pressions fiscales imposées par l’Etat. C’est au cours du troisième volet : L’anneau d’améthyste est l’occasion de décrire les points de vue des nationalistes et des réactionnaires face à l’Affaire Dreyfus. A partir de ce troisième épisode, Bergeret apparaît clairement comme le double d’Anatole France. Le romancier a pris parti pour le capitaine innocent et dénigre donc les bourgeois, les aristocrates et les ennemis de la République. Bergeret affronte l’antisémitisme de ces personnages avec courage (il est insulté et ses vitres sont brisées par des judéophobes qui l’assimile aux Juifs qu’il défend).