Une saison à Venise
de Włodzimierz Odojewski

critiqué par Jlc, le 6 août 2006
( - 81 ans)


La note:  étoiles
De l'autre côté de la pluie
Ecrire sur l’enfance est toujours très difficile tant le sujet est personnel, souvent idéalisé ou, au contraire, dramatisé, traité parfois avec une naïveté qui confine à la mièvrerie.

« Une saison à Venise » est un court roman sur la fin de l’enfance, poétique sans être naïf, subjectif et universel, loufoque et tendre.

Eté 1939. Marek, petit polonais de neuf ans, accompagnera « Maman » à Venise, la « ville qui flotte » où toute la famille va régulièrement. L’enfant prépare son voyage avec un plaisir gourmand qui lui masque toute l’agitation autour de lui, cette « fièvre patriotique » qui a saisi « maman », ce silence soudain quand il surprend une conversation entre adultes. Marek ne pressent rien. eAussi quand « maman » annule le départ pour Venise et le remplace par un séjour chez une tante à la campagne, l’incompréhension le dispute à la déception de la promesse non tenue. L’imminence de le guerre fait qu’il est vite rejoint par ses autres tantes, sa grand-mère, sa cousine. Mais déçu, laissé seul tant les grandes personnes sont préoccupées par des évènements que l’enfant ne peut imaginer, Marek s’enferme dans son monde de chagrins, de bouderies, agacé par ces filles qui font les fières et sont, avec leurs mystères, si différentes des garçons. Très vite Marek va ressentir les peurs et les douleurs de la guerre dans les yeux d’un soldat mort où il croit voir « un lambeau de ciel pur où passait lentement un nuage ». Mais, pour faire oublier ce traumatisme du dehors, pour prolonger encore le monde de l’enfance, une de ses tantes, fine psychologue, décide d’un voyage à Venise. Imaginé et acompli dans la cave de la maison où Marek vient de « découvrir » une source, les baquets deviennent des gondoles, les armoires des palais, une table de ping-pong la place Saint Marc. La force de l’imaginaire écarte, pour un instant encore, la laideur du monde réel et recrée « la ville qui flotte ».

Plus tard, bien plus tard, il n’ira jamais à Venise de peur d’abîmer ce moment un peu fou, quand il découvrit que son enfance s’éloignait à jamais.

Ce roman, joliment traduit par Agnès Wisniewski et Charles Zaremba, est un moment de grâce et d’humour, d’évocations dramatiques et aussi de total « non sense ». Les phrases longues, amples et poétiques ont la légèreté du souvenir et disent parfaitement la nostalgie de l’insouciance. Le récit, qui n’est pas écrit par Marek, sait être à la fois en empathie totale avec ce petit garçon tout en gardant la distance de l’écrivain. Odojewski est-il Marek ? Cela n’a pas grande importance tant les mots, les sentiments, l’atmosphère, les senteurs du jardin nous projettent dans notre propre enfance, nous rappelant la douceur de ces moments dont on sait qu’ils ne reviendront pas, le suranné qui s’efface imperceptiblement avant d’être englouti dans l’angoisse de ce qui vient. Ce moment où l’enfance s’éloigne quand nous passons de « l’autre côté de la pluie ».
Marek et les bombes 6 étoiles

Oui, c’est un joli texte court sur l’enfance en temps de guerre avec une ambiance de douce folie. Mais, le tournant dramatique arrive un peu tard. Quand même, c’est divertissant pour un moment, malgré le manque d’originalité.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 2 août 2007


Venise comme échapatoire... 9 étoiles

Ce roman, très court, se lit très rapidement et d'une seule traite. L'auteur nous plonge dans la vie de Marek, un jeune polonais d'une dizaine d'années dont le plus grand rêve est de faire un voyage à Venise qu'il a découverte au travers les récits de sa nounou, sa mère et ses tantes. A l'aube de l'été 1939, son rêve est sur le point de se réaliser lorsque la guerre éclate. Marek ne comprend pas pourquoi Venise serait devenue d'un seul coup une ville dangeureuse... Il a le coeur brisé. Ses parents l'envoie chez sa tante à la campagne. Seul, il s'ennuie beaucoup et est frustré par ses déceptions. Bientôt toute sa famille vient le rejoindre chez sa tante: sa cousine, son autre tante, ... sauf ses parents déja aux prises avec la guerre.
Marek ne comprend pas ce que peut être la guerre, il ne perçoit que les silences des adultes à son entrée dans la pièce, la radio que sa tante et sa grand mère écoute avec beaucoup plus d'attention que d'habitude. Ce n'est que lorsque son frère revient, hagard, mort de fatigue, qu'il comprend que la guerre a vraiment commencé.
Quelques jours plus tard, Marek et ses cousines et amies découvrent une source dans la cave. Cette dernière finie par inondée tout le sous-sol. La vie devient plus dure. Des flots de réfugiés marchent désespérés sur la route devant la villa, les avions allemands bombardent les villes alentours, ... Une de ses tantes tente alors de changer les idées à toute la maisonnée et surtout aux enfants. La cave inondée va devenir leur terrain de jeu et d'évasion se transformant progressivement en Venise avec ses places, ses canaux et ses gondoles. Mais à l'extérieur, la guerre continue à faire rage...

Loutarwen - NANTES - 40 ans - 26 juillet 2007


Un conte d'espérance 7 étoiles

Un récit tendre, touchant, dont la sensibilité n'occulte pas les difficultés de la guerre, son absurdité aussi et le dilemne du patriotisme. Odojewski fait d'un drame enfantin un pur moment de bonheur, avec beaucoup d'imagination et des trésors de créativité. Ça en devient drôle. Il y a certes la guerre mais il y a surtout toute la magie qui brille dans les yeux de Marek. Et ça donnerait presque envie de prendre un billet pour Venise. Allez, il suffit simplement de fermer le syeux et de dessiner dans sa tête le plan des rues et des canaux...
Odojewski restitue avec un ton très juste les désillusions enfatines, les espoirs et la joie ressentie par Marek. L'auteur implique aussi les adultes qui se prennent au jeu et oublient, quelques instants, ce qui se passe au dehors. Coup de coeur pour le mode narratif, pour le talent de Odojewski à rendre tout cela crédible, presque réel (notamment la perception de Marek envers les filles et la famille). C'est une bouffée d'oxygène, cela ressemble à un conte, c'est léger, ça fait du bien.

Sahkti - Genève - 50 ans - 29 août 2006