La sous-développée
de Zoé Valdés

critiqué par Sahkti, le 5 août 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Quitter Cuba
Daniela est cubaine, fille de diplomate. Elle rejoint ses parents pour cing longues années à Paris. Une ville qu'elle connaît mais qu'elle se doit d'apprivoiser à nouveau, retrouvant malgré tout quelques repères, une amie fidèle et aussi le chemin d'un homme mystérieux croisé dans l'avion réservé aux diplomates en partance de La Havane. Errances et pérégrinations diverses dans la cité-lumière, avec pas mal de désespoir et de passion dans le moindre geste. Parce que "Paris est la capitale des divines tentations".

Roman court et dense à l'écriture vive, teintée de poésie et d'un certain érotisme sous-jacent. La puissance des mots et des émotions est intense. A chaque ligne, on croit entendre la respiration de Daniela ou les battements de son coeur; c'est une jeune fille qui vit, qui bouge, et Zoé Valdès a réussi avec talent à traduire ce mouvement permanent.
J'apprécie également le regard décalé porté par Daniela, "exilée" cubaine sur Paris, sur les autres, sur son propre pays, sur la carrière hypocrite de ses parents en perpétuelle représentation mensongère. Beaucoup d'amertume au milieu de tout cet amour, le contraste est frappant.
Dans la foulée de « sang bleu ». 5 étoiles

Grosse nouvelle ou très court roman, comme on voudra, « La sous-développée » est une suite, ou à peu près, de « Sang bleu », le premier roman de Zoé Valdès. Ce qui passait, chez moi, difficilement au niveau d’un roman, convient mieux au format de la grosse nouvelle. Je veux parler de l’onirisme, des digressions, très latino-américaines, à la Gabriel Garcia Marquez. Il y a bien un personnage – et pas des moindres – complètement foldingue, un Arsène Lupin revisité Vian et Valdès, le baron Mauve qui a tendance à nous éjecter du fil d’une histoire possible, mais bon …
Daniela, jeune femme de vingt-trois ans, qui pourrait être le clône d’Attys (du « Sang bleu »), va quitter son pays, Cuba, ses ami(e)s surtout, ce qui fonde son rapport au réel, pour venir rejoindre père et mère ni plus ni moins qu’ambassadeurs à Paris. Pas Texas ! Paris – France. Dans l’avion qui la « kidnappe » hors de Cuba, elle fait connaissance rocambolesque (feu Arsène Lupin oblige) du baron Mauve. S’ensuivent des passages « space » et quand même un début de vie à Paris, coincée entre la retenue qu’exige la fonction de représentation de fille d’ambassadeur et la nature réelle de Daniela, pas cubaine pour rien. Peu de souci de vraisemblance. On n’est pas dans Vian, ni dans un roman réaliste. Entre les deux en situation passablement inconfortable, le cul entre deux chaises.
On peut aimer, on peut s’y sentir floué. Je tirerais plutôt dans la seconde catégorie.

« Plongé dans l’obscurité, l’avion faisait peur. Elle se demandait si les passagers étaient tous morts, s’ils arriveraient un jour à destination ou s’ils resteraient à jamais comme des points dans l’espace. Un jeune homme distingué sortit des toilettes. Elle sentit qu’il s’arrêtait pour la regarder et qu’il lui souriait à contre-jour. Il s’approcha. Elle devina, dans le noir, une peau pâle et lisse. Elle en eut la confirmation quand il prit sa main entre les siennes et la baisa délicatement d’un souffle. Non, ce n’était pas un diplomate. Elle retenait ses doigts. Et si elle était en train de rêver ? S’il était aussi un de ces fantômes qui raffolent des discours ?
- Je suis un voleur. Enchanté, mademoiselle.

Tistou - - 68 ans - 8 décembre 2009