Journal inutile (1973-1976)
de Paul Morand

critiqué par Jlc, le 16 juillet 2006
( - 80 ans)


La note:  étoiles
Florilège
Tout au long de son journal, Paul Morand évoque quelques grands personnages, en livre les propos ou les mots, y ajoutant ses réflexions personnelles avec un sens de la formule et une élégance de style toujours parfaits.
Je ne résiste pas au plaisir d’en choisir quelques-uns tout en me souvenant de son avertissement : « Rien de plus fatigant que de lire, à la file, les pensées détachées ».

- Se méfier des idées ; les idées font vieillir les livres comme les passions font vieillir les corps.
- Il n’est question que de dialogue, ce qui encourage au monologue.
- Ils parlent trop pour se connaître (Vauvenargues sur les personnages de Corneille).
- La devise de Céline : « J’écris. Je crie. »
- Sentir, penser, écrire. Oui ce sont les trois verbes à employer ; le tout est dans l’écart et dans la qualité de l’écart entre les trois opérations.
- La crainte de l’adjectif est le commencement du style (Claudel).
- Les adjectifs tuent le style ; mais bien choisis comme dans Saint-Simon…
- La langue française a été inventée pour faire court.
- Mon roman aura 800 pages. Coupez ! Jusqu’à 500 pages il faut du talent ; au-delà, du génie.
- C’est le ton, non la longueur qui distingue la nouvelle du roman (Tchékhov).
- Paris est le royaume des paroles et non des actes (Gogol)
- On commence par écrire ses désirs et on finit par écrire ses mémoires (Paul Valéry)
- Un vrai écrivain doit rêver sa vie ; j’ai eu grand tort de la vivre, la mienne
- Tous les grands livres sont à relire au bout de 20 ans ; ils n’ont pas changé, mais soi, on n’est plus le même ; ils vous apparaissent différents ou, du moins, très nouveaux.
- Un bon romancier ne décrit pas l’extraordinaire mais l’ordinaire qui, sous sa plume, devient inoubliable.
- La règle du participe passé invariable des verbes qui ne peuvent avoir de complément d’objet direct nous fournit une liste qui, à elle seule, est un joli roman : se ressembler, se sourire, se parler, se convenir, se complaire, se suffire, se mentir, se déplaire, s’entre nuire, se succéder, se survivre.
- Voltaire est un chaos d’idées claires. Cocteau aussi
- Cocteau rêva d’être l’homme des jeune gens ; or, pendant 60 ans, il fut le jeune homme des vieilles gens.
- On ne peut pas tout avoir, disent les gens qui ont tout (Jean d’Ormesson ?)
- Ce qu’il y a de plus fort au monde et de plus durable, ce n’est pas l’amour, c’est le snobisme. On guérit de l’amour mais jamais d’un complexe : le snobisme n’est pas autre chose.
- Si Dieu a inventé l’horreur, je ne le félicite pas. Si l’horreur a inventé Dieu, c’est mieux.
- On néglige les mêmes détails dont dépend toujours la réussite des grandes affaires (Montesquieu).
- J’ai toujours trouvé des gens fort mécontents de leur sort, mais très satisfaits d’eux-mêmes.
- La vie est un malentendu suspendu, par moments, par l’amour.
- Naturellement égoïste, l’homme doit apprendre la bonté ; comme une langue étrangère.
- Les ennuis chassent l’ennui.
- Je suis triste non parce que vous partez mais parce que je vais vous oublier (Marcel Proust).
- Toute leur vie, les gens courent après leur jeunesse, sans jamais la rattraper puisqu’elle est derrière eux.
- On parvient aux affaires par ce qu’on a de médiocre et on y reste par ce qu’on a de supérieur (Chateaubriand).
- Les exceptions sont la poésie de l’existence (Marcel Proust).
- Je t’aime, un seul mot pour tant de choses.
- Les larmes sont pour le cœur ce que l’eau est pour les poissons.
- Il faut toujours traiter son épouse en reine, pour justifier le choix qu’on a fait.
- Le seul agrément d’une liaison, c’est de ne pas se lier, on l’oublie trop.
- Les femmes précipitent le déclin de leur beauté par des artifices qu’elles croient servir à les rendre belles (La Bruyère).
- Les Américains sont des Romains improvisés.
- Quand on pense que la fin de l’homme blanc, ce sera d’abord la fin de l’américain, on est consolé.
- Je suis nécessairement cet homme tandis que je ne suis français que par hasard (Montesquieu).
- Le peuple donne ses faveurs, jamais sa confiance (Rivarol).
- Ne pas s’exposer à l’humiliation d’un pardon (Talleyrand).
- Venise, ville nénuphar
- Aujourd’hui on ne voyage plus, on arrive.
- Il peluche de la neige (Stendhal).
- La vieillesse, cette mort qui bouge.
- Les vieillards ne sont pas sages, ils sont prudents.
- Les vieillards, enfants sans avenir.
- Vieillir, quelle punition ! Tous les plaisirs de la vie vous quittent un à un.
- Quand on est sourd, on croit que les autres disent des choses intelligentes (Chardonne).
- J’ai eu beaucoup de plaisirs et presque jamais de joies. La joie est intérieure, le plaisir nous est donné, il vient du dehors.
- Je me fais de sa peine une image charmante (Racine).
- Cesser de pleurer c’est encore plus triste que de pleurer.
- Je ne me consolerai jamais de ma mort (Fontenelle).
- Mourir, ça continue sans vous, sans un instant de retard.
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