Les livres de ma vie
de Henry Miller

critiqué par DomPerro, le 11 juillet 2006
( - - ans)


La note:  étoiles
Le rayonnement de la lecture sur la vie
Paru en 1952, Les Livres de ma vie d’Henry Miller vient d’être réédité chez Gallimard, collection L’Imaginaire, pour le plus grand bonheur des bibliophiles qui ne pouvaient mettre la main sur la précédente édition épuisée. Généreux et ouvert, comme toujours, Henry Miller invite le lecteur à déambuler à travers les rayons de sa mémoire, vaste bibliothèque imaginaire, qui explose dans tous les directions inimaginables : D. H. Lawrence, Joyce, Proust, Balzac, Elie Faure, Rabelais, Nietzsche, Thomas Mann, Lao-tseu, Withman, mais aussi des longs passages élogieux sur Céline, Giono et Cendrars. Si vous avez déjà lu l'auteur de Tropique du Cancer, vous retrouverez ici la même écriture excitée qui remonte dans le temps ainsi que la même énergie qui semble vouloir embrasser le cosmos en entier. Ceci dit, si vous n’avez jamais lu Henry Miller, mais que vous aimez errer dans la littérature, c’est une charmante invitation pour découvrir l’univers dense et original de cet important romancier américain qui marquera une certaine influence sur quelques écrivains, dont ceux de la Beat Generation. Une fabuleuse réaction à la chaîne qui va de la vie au livre et du livre à la vie !
Un lecteur boulimique et enthousiaste 8 étoiles

Henry Miller est l’écrivain de ma jeunesse, celui dont les livres m’ont accompagnée par monts et par vaux lors de mes tumultueuses pérégrinations. Pas de vie possible sans un livre de Miller dans mes bagages à l’époque. Il était mon refuge, mon consolateur, mon père de substitution, mon chum littéraire toujours fidèle et attentif à ma souffrance et à mes doutes. Ah Miller ! Comme je l’ai aimé, il a fait autant partie de ma vie que mes plus proches intimes. Dans ce livre, il nous entretient des livres et des auteurs qui l’ont marqué, ont changé sa façon de percevoir le monde car la lecture était pour Miller une drogue, une dépendance, une rage dont il n’est jamais parvenu à se libérer. Il était conscient de trop lire, voulait en finir avec cette habitude envahissante mais plus il combattait et plus le goût de la lecture déferlait sur sa vie. Il a donc connu le monde littéraire très jeune. C’est avec tendresse et nostalgie qu’il nous livre ses souvenirs de lecture de jeunesse et d’adolescence. Il fut un jeune lecteur boulimique et enthousiaste. Sa formidable intelligence trouvait matière à se nourrir avec les auteurs de l’époque comme Ridder Haggard et Henty. Ensuite ce sont les auteurs comme Blaise Cendrars et Jean Giono qui furent ses maîtres. Il consacre d’ailleurs à chacun un chapitre rempli d’amour et de vénération. Une longue lettre écrite à Pierre Lesdain un fidèle lecteur est suivie d’un chapitre sur les lectures aux cabinets (chapitre assez faible que je n’ai pas apprécié) et le livre se termine sur une apothéose avec un chapitre consacré au théâtre. Alors là, Miller laisse éclater son amour de la vie, de sa ville natale New York. Il faut lire les énumérations des curiosités et activités new-yorkaises qui constituaient sa vie alors qu’il travaillait dans la boutique de tailleur de son paternel. Levé dès cinq heures du matin, il enfourchait son vélo pour une longue promenade. Ensuite, il travaillait toute la journée pour le soir, aller au théâtre avec ses copains et terminer la soirée dans un des nombreux restaurants de cette ville cosmopolite. Il n’y a rien que j’aime plus de Miller comme lorsqu’il raconte sa vie foisonnante et débridée. Jamais je n’ai lu rien de pareil chez aucun auteur. Jamais un homme ne m’a paru aussi vivant et avide de tout ce qui existe. Sa philosophie m’enchante et son amour pour ses semblables me dépassera toujours.

Un livre à lire pour les inconditionnels de cet écrivain inclassable dont les livres resteront à jamais gravés dans ma mémoire et dans mon cœur. Relire Miller, c’est remonter dans le temps et dans l’espace mais je le cite :

« Je suis plus que jamais persuadé qu’à un certain âge il devient impératif de relire les livres d’enfance et de jeunesse. Sinon, nous pourrions bien arriver au tombeau sans savoir qui nous sommes, ni pourquoi nous avons vécu. »

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 14 mars 2013