L'instant d'après
de Andrea De Carlo

critiqué par Sahkti, le 11 juillet 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Se remettre en question
Luca a une quarantaine d’années, il travaillait dans la distribution cinématographique avant de se reconvertir dans le milieu équestre. Il dirige un manège avec sa compagne. Est-il heureux ? Il semble que oui, mais ne fait-il pas semblant ? La vie s’écoule paisiblement jusqu’au jour où un cheval trop nerveux se cabre et Luca fait une chute. C’est un bouleversement, le grand déclic. Je voudrais signaler la force de la description de la chute dans le texte d’Andrea de Carlo. Tous les détails y sont, on dirait un film au ralenti et en même temps est présente toute la fougue de ce cheval, on sent la violence du choc, on reste sans voix.
Cette chute, qui symbolise à elle seule l’explosion de sentiments trop longtemps canalisés par Luca, remet en cause toute son existence. La vie semble s’arrêter, ça cogite ferme dans la tête du narrateur, comment a-t-il pu vivre ainsi jusqu’à présent ? (une amie italienne m’a signalé que le titre original "Nel memento" traduisait beaucoup mieux que le titre français cette notion de moment, d’instant, ce fragment pendant lequel tout se passe. Il faut décidément que je me mette sérieusement à la langue de Dante !)
Luca veut revivre sa vie ou plutôt vivre une autre vie, il rencontre des gens, réapprend les gestes et les mots, réalise que passer de femme en femme n’est qu’un leurre pour fuir sa vie. Une vie qu’il doit désormais affronter.
Terrible remise en question de son existence et son mode de fonctionnement, crise de pensée que Luca ressasse et médite. On devine le malaise, celui de Luca mais sans doute aussi de toute une génération ayant passé son temps à fuir et à se réfugier dans l’artificiel histoire de ne pas avoir à affronter la réalité les yeux dans les yeux. Jusqu’au jour où.

Andrea de Carlo pousse le raisonnement intérieur assez loin, il y a presque chez Luca de l’auto flagellation et une pointe de moralisme chez l’auteur.
Le style est fluide et emporté, il y a beaucoup de puissance dans les mots et le récit, comme pour nous secouer et nous signaler qu’il est encore temps de réagir.