La mort en écho
de Barbara Abel

critiqué par Ddh, le 11 juillet 2006
(Mouscron - 83 ans)


La note:  étoiles
Un écho qui se répercute de page en page
Dans ce livre règne une atmosphère de mort. Presque à chaque page pèse une menace latente et cette mort se répercute en écho d’une époque à l’autre. Mort ou Meurtre ? Accident ou Assassinat ? C’est tout le sel de ce livre qui tient le lecteur au fil des pages, au fil des personnages qui se chevauchent de génération en génération, d’écho en écho.
Barbara Abel mène son lecteur de 1930 à nos jours dans une maison, Le Cheminot, et ses murs sont spectateurs de drames. Manon, Madeleine, Marie : 3 prénoms, 3 générations, personnages centraux poussés par leur destin. 3 vies tragiques où les hommes ont leur place, mais en retrait, victimes de leur passion pas toujours partagée. Beaucoup de morts dans ce roman mais qui est coupable ? Circonstances atténuantes ? Accidents ? En fait, chaque intervenant est attachant et a un bon pourcentage de sympathie. Il n’y a ni bons, ni méchants, mais des hommes et des femmes avec leur personnalité qui cherchent à réussir leur vie ou, pour le moins, à ne pas nuire à leur entourage. Il s’agit aussi d’une bonne étude de mœurs que l’on voit évoluer tout au long de ce vingtième siècle.
Comme toujours, Barbara Abel utilise un style direct, sans fioritures, mais qui rend la lecture très agréable. Pour ajouter au mystère, les trois vies, Madeleine, Marie, Manon, s’égrainent en désordre dans une diachronie sans perturber trop le lecteur puisque le titre de chaque chapitre éclaircit la nébuleuse des trois époques. C’est comme un puzzle qui se construit élément par élément et qui fait éclater la vérité à la fin du roman.
Un roman d'une force étonnante... A lire !!! 10 étoiles

Je l’avoue et le concède bien volontiers, je suis en grand lecteur de romans policiers. C’est un fait dont je n’ai pas à voir honte, bien au contraire je le cultive avec soin en continuant de lire, de relire, de découvrir toutes sortes de romans policiers. Souvent, c’est pour le plaisir et le plaisir seul, mais parfois, comme depuis quelques mois, c’est pour le travail, pour préparer mon cours sur le polar et construire une conférence sur le policier d’auteurs français. Pourquoi français ? C’est une idée qui m’est venue après avoir été déçu par une traduction d’un roman américain et aussi avoir mesuré que certains grands auteurs internationaux restent parfois enfermés dans leurs constructions policières sans jamais changer… Soyons clairs et précis, aucune prétention nationale, des bons romans ou des mauvais, il en existe chez tout le monde. Ceux qui me connaissent savent que j’ai une immense passion pour Patricia Wentworth, Agatha Christie et Conan Doyle, qui, jusqu’à maintenant, si je ne me trompe pas, n’ont rien de Français ! Mais quand on travaille avec des étudiants, il faut donner des limites, alors pourquoi pas se pencher sur des auteurs français…

Mais cette contrainte ne me suffisait pas, j’ai donc demandé aux étudiantes de lire des ouvrages écrits par des hommes et aux étudiants de lire ceux de romancières. C’est là que les choses se sont compliquées quelque peu. Je connaissais bien quelques auteures, mais pas tant que cela et je me suis mis à chercher celles qui allaient me surprendre, m’étonner, me procurer un grand plaisir de lecteur… J’ai écumé le site de critiqueslibres, j’ai travaillé avec libraires et bibliothécaires et j’ai enfin trouvé quelques petits bijoux que je ne connaissais pas, dont cette fameuse Barbara Abel…

Barbara Abel, une Française ! Elle est Belge !!! Oui, c’est vrai, du coup j’ai dit à mes étudiants que nous allions intégrer les auteurs francophones, ceux qui ont écrit directement en langue française. Comme il ne s’agissait pas de prétendre que les auteurs français étaient les meilleurs, cela n’avait que fort peu d’importance si ce n’est que d’éviter des traductions… Donc, je pouvais lire un roman de cette fameuse Barbara Abel. J’ai choisi surtout celui que j’ai réussi à trouver du premier coup et ce fut La mort en écho, un petit joyau qu’il ne faut surtout pas laisser passer sans l’attraper et le lire !

Tout d’abord, il est important de préciser que ce roman est avant toute chose un excellent roman que l’on peut classer en policier, mais qui aurait sa place en roman épistolaire, en journaux intimes, en tragédie humaine, en roman psychologique, en drame social, en vie familiale… Oui, je dois avouer qu’il ne faut pas enfermer ce livre dans une boite, il mérite beaucoup plus !

Plusieurs femmes, qui écrivent toutes à la première personne, vont raconter leurs histoires. Au départ, on ne comprend pas exactement ce qui rapproche Madeleine, Marie et Manon. Elles ne vivent pas exactement à la même époque, elles semblent tenter de se construire leur petit bonheur, elles sont confrontées à la vie avec ses bons et ses moins bons aspects… Puis, on entrevoit des similitudes dans les trajectoires, dans les situations, dans des lieux de vie…

Et l’aspect policier ? En fait, au départ, on serait plus dans un thriller, avec une tension qui monte chez le lecteur au fur et à mesure qu’il comprend la vie de chacune de ces femmes… Puis la mort arrive, s’installe et pose ses questions et c’est là que l’on est indiscutablement dans un polar, dans un roman à énigme…

Enfin, il y aura un dénouement, qui n’a rien à voir avec les mises en scène de Poirot ; Arsène Lupin ou Sherlock Holmes. Ici, on est plus dans la tragédie grecque revue et corrigée et c’est probablement pour cela que j’ai adoré ce roman que j’estime être d’une très grande valeur humaine… En plus, un polar écrit par une femme, avec trois héroïnes, bien écrit, profond, touchant, bouleversant… Que demander de plus ???

Shelton - Chalon-sur-Saône - 68 ans - 11 octobre 2013