La vie passante
de Christian Bobin

critiqué par Jules, le 15 juillet 2001
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Une merveilleuse écriture, une incroyable légèreté
Christian Bobin nous écrit ici un long poème. Dans son introduction il écrit : « Aucun livre ne devrait être plus pesant qu'une lumière. Aucune écriture ne devrait faire plus de bruit qu'un sourire. »
Il ne vous reste qu’à le lire, il ne se critique pas.
J'aime cette petite partie :
« Quand on est amoureux, on est comme celui qui a mis son trésor dans un champ Il ne dort plus, surveille le ciel Attend l’ondée désespère du soleil Ou le contraire Et ne sait bientôt plus Où il en est où est son cœur Quand on est amoureux On met une seule personne Jolie de préférence Bien au centre du monde Et quand on aime D’un amour de personne On met le monde Au cœur du monde Bien sûr on n’est jamais à l'abri d’une rechute »
Ce poème fait une trentaine de pages.
Bobin a publié toute une série de petits textes chez « Fata Morgana », une maison d’édition qui utilise un très beau papier, et les feuilles sont toujours à couper.
« Lettres d’or », « Souveraineté du vide », « L’homme du désastre », « Un livre inutile ».
Dans ce dernier il écrit :
« Guillaume Guillaume les hommes sont lourds trop lourds de vrais petits soldats de plomb et leurs femmes sont légères si légères un sourire une larme un rien les habille et puis les déshabille »
De très beaux textes, à lire quand on est dans l’état d'esprit pour les apprécier.
Une odeur de chèvrefeuille 10 étoiles

Bobin, ce n'est pas tout le temps. Bobin, c'est une pause dans le temps. Quand c'est le moment. Jules a raison de le dire : « De très beaux textes, à lire quand on est dans l’état d'esprit pour les apprécier. »

Depuis ma première lecture de Bobin, ce si-différent, je le regarde toujours comme un retour à l'essentiel, par ce rapport inestimable à l'instant et à l'éternel, si intimement liés.

Bobin, l'esprit de Bobin, qu'il retranscrit avec évidence dans ses livres, c'est un onguent sur les blessures inévitables de la vie, quand on a oublié d'être un enfant, quand on a oublié de sentir, de vibrer avec le quotidien et l'univers, quand on a oublié d'Etre, Bobin est là pour nous le rappeler.

Un jour de douleur, il y a longtemps, je lui ai écrit. Il m'a répondu et m'a conseillé de lire le livre d'une autre, livre qui ne m'a pas parlé. C'est la seule fois où j'ai lu des mots de lui qui n'étaient pas les bons.

Combien de livres de lui lus, relus, rouverts juste en passant, comme on frôle un chèvrefeuille au parfum si délicat, en se laissant doucement enivrer à peine quelques secondes.

Depuis longtemps Bobin m'accompagne, moi l'athée, lui le croyant. Mais sans doute croyons-nous tous les deux à l'important : l'instant, là, en ce moment, quand j'écris, quand vous lisez.
Ni l'instant d'avant.
Ni celui d'après.
Celui-ci, là.

« La vie passante » c'est un long poème écrit à Nella, où il parle de son rapport au monde, de la solitude, de l'amour, des livres, des instants. Ceux qui lisent Bobin le savent : sa façon d'Etre au monde transpire de tous ses livres.

Lisez Bobin. Laissez-vous prendre par la main, comme quand, enfant, vous suiviez des yeux un papillon sans vous soucier de l'avant ni de l'après.

Garance62 - - 62 ans - 28 juin 2010