Mauvaise réputation
de Philippe Manoeuvre, Joey Starr

critiqué par Norah, le 5 juillet 2006
( - 42 ans)

La note: étoiles

Joeystarr en transparence

Chez NTM, j’aimais les textes, les sons, le rythme. Pour moi, ce groupe incarnait l’énergie, le talent et la sincérité. Ils arrivaient à faire passer des messages forts en faisant danser des foules. C’est eux qui m’ont fait aimer le Rap. Je me suis donc tourné tout naturellement vers l’autobiographie de Joeysstar intriguée par ce personnage dit ultra violent porte parole d’une génération incomprise. Après l’avoir lu, j’ai découvert plusieurs facettes du rappeur :

•D’abord, il y a le type extrêmement brillant réussissant tout ce qu’il touche et dépassant tous ses concurrents dans divers domaines : danse, tags, rap, radio etc… C’est un passionné, il se donne à fond dans tout ce qu’il entreprend. Il garde un esprit lucide sur le showbiz et reste fidèle à sa musique. Il a besoin en permanence de prouver qui il est, le challenge le booste, aucun défi ne lui fait peur. Il ne se rabaissera ni devant Nas, ni devant le Wu Tang, mais les combattra avec son micro et sa présence scénique devenue légendaire.

•Et puis, il y a le type violent portant les séquelles d’un enfant battu et humilié par son père. Il a grandi dans un univers exclusivement masculin et agressif. Il a compris très tôt les lois de la jungle et n’a pas tardé à en devenir le lion. Il raconte sa version de ses problèmes judiciaires : avec l’hôtesse, le singe, les pitbulls etc… Il se sent une victime incomprise. Pour lui, les accusations portées à son égard sont élaborées par des personnes sans scrupules qui cherchent à lui soutirer de l’argent. Il y a peut-être une part de vérité mais quand on voit comment il relate certaines de ces histoires, c’est horrible ! Pour lui, voir son singe coincé dans le radiateur le fait marrer, battre sa copine est limite normal. Il ne se rend pas du tout compte de la gravité de ses actes. Il a en tout cas une version très personnelle du respect d’autrui.

•Il y a aussi le type qui veut vendre son bouquin ; et oui il y a quelques scoops (mais pas trop sur Béatrice Dalle) et des règlements de compte, beaucoup de noms sont cités. Ce que je n’ai pas vraiment apprécié est le fait qu’il crache pas mal sur Kool Shen, il lui reproche notamment d’avoir mis fin à NTM… Tout au long du livre, on se rend bien compte qu’ils s’éloignent l’un de l’autre au fur et à mesure des années et que la rupture n’est qu’une conséquence logique… Tous deux sont autant responsables.

•Et enfin, il y a le type d’aujourd’hui, plus mature, plus sage, moins bagarreur qui fait des déplacements dans les cités pour inciter les jeunes à voter ; le père qui veut donner à son fils l’enfance qu’il n’a pas eue. Il essaie d’avoir un regard rétrospectif sur lui-même et tend à évoluer…

Maintenant, c’est sûr, je connais mieux le personnage. Et contrairement à sa musique, Joeystarr m’a transmis pas mal d’ondes négatives à travers son autobiographie. Dorénavant, je sais que c’est l’artiste que j’aime bien plus que la personne.

Moyenne mauvaise

Il n'est pas toujours profitable de feuilleter les journaux et magazines people dans les librairies d'aéroport. D'abord parcequ'on perd du temps pour rien ensuite parcequ'on risque de se prendre en dernier lieu pour toutes ces stars, qui quant à elles ne disposent pas des mêmes codes moraux que nous. Mais on apprend parfois des trucs. Bref si je n'ai jamais été hyper fan de NTM (en effet le rap occupe en France cette sacro-sainte place de rebelle officiel® moi ça me gêne un peu quelque part) et on s'en fout un peu de Starr mais comme le style est parfois plaisant dans le bouquin, on ne peut nier en définitive qu'il y a quelques vérités distillées dedans. J'ai trouvé que le groove global incite dans son ensemble au rêve, c'est solaire, et il faut dire que quelques anecdotes provenues de l'historique du groupe sont valables ainsi que typiques pour tout outsider en tout genre, comme par exemple celle de ce patron de studio arrogant et hautain, jugeant les titres sans les avoir écoutés une seule fois et de plus (*dixit les auteurs) sans jamais mettre pied dans une seule salle de concert ! Enfin le pronom personnel utilisé là-dedans est le Je et non le "On"; en fait moins poli ou correct (enfin c'est ce qu'on m'a appris à l'école quant à moi il y a un certain temps, je crois bien me rappeler encore ma maîtresse du primaire insister lourdement là-dessus mais bon pour ma part je ne suis pas chercheur au CNRS - heureusement d'ailleurs...) Et puis pour l'essentiel je dirais que les négatifs posés sont évocateurs, clairement certaines questions humblement posées dans cette biographie ne méritent que des dignes réponses: Surveiller, isoler de tout ainsi que punir les éléments turbulents, comme ne leur rappeler uniquement que leurs échecs est-il véritablement le meilleur moyen d'améliorer les gens ?

Antihuman - Paris - 41 ans - 9 novembre 2012