Le beaujolais nouveau est arrivé
de René Fallet

critiqué par Veneziano, le 4 juillet 2006
(Paris - 46 ans)


La note:  étoiles
L'amitié comme seul point de salut
C'est l'histoire de quatre pauvres types, assez peu fringants et plutôt désoeuvrés, qui vivent dans une banlieue très tristounette, dont les deux points de rencontre sont leur vieux zinc "Le Café des pauvres" et la Marne sur-polluée où ils ont l'habitude de pêcher. Sentimentalement, c'est plutôt la misère, même pour le chef de pseudo-entreprise de la bande, plutôt en débandade, vu qu'il est en train de divorcer. Une relation interlope à eux et le fait que l'un d'entre eux ait eu une mère prostituée-fouetteuse et un père policier vient tout de même relever le plat.

Deux seules choses les sauvent : d'une part, le vin, et le plus souvent la vinasse, le beaujolais nouveau représentant pour eux la sainte litanie annuelle, que l'auteur décrit avec ironie, d'autre part l'amitié qui n'a pas de pareil pour souder et aider à vivre les sans-le-sou laissés pour le compte, ce qui est la morale de la chanson les Copains d'abord, de Georges Brassens, grand ami de René Fallet, ce dernier lui ayant même consacré une biographie.

Les quatre compères, parmi lesquels un ancien militaire assez franchement raciste primaire, se disent qu'il faut échapper à la grisaille quotidienne et d'arracher de cette modernité dont ils sont marginalisés : c'est pourquoi ils s'en vont faire un périple dans le Larzac, où ils se consacrent de la manière la plus prosaïque à leurs deux dadas, leur amitié et le beaujolais nouveau.

Le fond est assez militant et se laisse percevoir derrière une forme un peu lourdingue très proche de San Antonio, assez loin d'être fine mais tout autant drôle. C'est l'association des deux qui rend le roman savoureux. Dans les années 70, il y a eu un film dénommé Comment réussir dans la vie quand on est miséreux et pleurnichard, avec notamment Jean Carmet et Jean Rochefort, qui auraient très bien pu interpréter deux des quatre lascars du présent livre. Ce dernier, de la même époque, 1975, aurait justement pu s'intituler Comment être heureux dans la vie quand on est con et fauché, à savoir par des joies simples


C'est en somme un éloge de l'amitié et un appel au retour aux choses simples. Sans être misérabiliste, ceci est présenté de manière fort drôle.
Selon les adeptes de René Fallet, c'est le meilleur livre de l'auteur.
Diogène comme modèle ! 6 étoiles

René Fallet (1927-1983) est un écrivain et scénariste français.
Nombre de ses romans ont été adaptés au cinéma ( "Le Triporteur", "Les Vieux de la vieille", "La Soupe aux choux", ... )
"Le beaujolais nouveau est arrivé" parait en 1975 (Denoël)
Le "Café du Pauvre", bistrot vieillot et charmant de la banlieue parisienne (Villeneuve-St Georges) est la quartier général d'une joyeuse bande de gais- lurons.
Camadule, Poulouc, Debedeux et Captain Beaujol ont en commun de savourer la vie comme elle vient, refusant le monde tel qu'il est devenu.
De doux philosophes, hédonistes et un brin nostalgiques qui cultivent la saveur de l'instant présent et les douceurs de la vie (le bien manger et le beaujolais)
Des hommes qui manient une langue imagée, mélange d'argot et d'expressions créées de toutes pièces.

Un roman dans le droit fil des oeuvres cultes de l'auteur. L'amitié, le partage, la lenteur et la jouissance de l'instant présent sont les marqueurs de l'auteur.
La plume d'Audiard n'est pas très loin et on prend énormément de plaisir à suivre les échanges et considérations de cette joyeuse bande.
Une vision du monde terriblement juste.
Echapper au "métro-boulot-jus de fruit" est la maxime du Quatuor.
Une lecture divertissante !

Frunny - PARIS - 59 ans - 11 novembre 2017


Les copains d'abord 6 étoiles

Drôle de roman que ce Beaujolais nouveau est arrivé. Son auteur, René Fallet est surtout connu pour deux types d’œuvres : les romans sentimentaux, Comment fais-tu l’amour Cerise ? ou L’Angevine et les romans, disons, plutôt truculents, comme la soupe aux choux, un idiot à Paris, Les vieux de la vieille ainsi que le livre ici critiqué.

Bien entendu avec un nom comme celui-là, la lecture est une apologie au plaisir du vin, le beaujolais bien sûr mais pas que. A travers les aventures de cette bande de copains dont le QG se trouve au café des pauvres, le lecteur se retrouve embarqué à bord d’un navire sur pilotage automatique. Un rafiot dans lequel les pilotes seraient ivres et où personne ne saurait où se diriger. Les personnages sont hauts en couleur et laissent leur trace dans notre imaginaire. Captain Beaujol et ses répliques xénophobes (il faut bien entendu replacer le personnage dans son contexte), Poulouc le jeune pommé, Camadule et son caractère bien trempé, sans oublier Debedeux revenu de son statut de con, pardon de cadre, vers de meilleures perspectives de paresse et de laisser aller. A vrai dire, ces quatre « mousquetaires du zinc » auraient fait office de rôles parfaits pour des acteurs de la trempe des Carmet, Gallabru et Jean-Pierre Marielle dont le personnage de Debedeux m’a semblé lui être écrit sur mesure.

D’autre part il ne s’agit pas là de grande littérature mais de lecture dite de « détente ». Le langage y est fleuri et les répliques virevoltantes. Cependant, et ce malgré une lecture agréable, ce Beaujolais nouveau m’a moins enchanté que les fantasques Soupe aux choux et vieux de la vieille. Néanmoins il m’a diverti et c’est tout ce que je lui demandais. Les amateurs de René Fallet seront en territoire connu et en tireront certainement grand plaisir.

Un roman amusant, décalé, un peu misogyne il est vrai, mais un roman distrayant.

Sundernono - Nice - 41 ans - 23 février 2016


Misogynie à part… 7 étoiles

Il Fallet bien que ce « Café des pauvres » soit Fleurie comme il se doit non ?

Elles ont fait de ma pauvre vie un enfer auprès duquel le véritable enfer fait figure de bar du Ritz. Ecoutez-moi Debedeux, foutez-les dehors pendant qu’il en est temps encore ! Et à grands coups de pied dans ces fameuses fesses qui nous coûtent si cher ! Dehors sans pitié ! Si vous ne le faites pas, c’est l’infarctus ! La mort ! Le Père-Lachaise !
-Les salopes !... Les vaches !...
-Suivez mes conseils, mon ami. Dehors ! Madame Debedeux ! Mademoiselle Vacherin
Au fait, entre nous… Mademoiselle Vacherin…
-Oui, monsieur Malbrunot ?
-Et bien… c’est comment ?
-Comment quoi ?
-Enfin, Debedeux ! Soyez un peu plus ouvert ! Au lit voyons !

Vous avez beau dire, y’a pas seulement que de la verve. Y’a aut’chose…Ca serait pas des fois du savoir vivre… Hein ?
-Y’ en a aussi…
Même si, on ne se tient pas les côtes, on n’en sourit pas moins !

Pierrot - Villeurbanne - 72 ans - 3 décembre 2014


En vin, jamais en vain. 8 étoiles

C'est l'histoire de trois loustics qui pêchent sur les bords de Marne, qui sinue aux confins de la banlieue qui était encore ouvrière avant d'être un ghetto.
Leur refuge est ' le bistrot du pauvre " ils s'y abreuvent de pinard et font comme tous les ivrognes, ils dégoisent et refont le monde à longueur de journée.
Ca c'est la façade, le vernis du livre, derrière il y a une critique de la société de consommation, de la destinée des hommes face au travail aliénant les consciences, le petit confort bourgeois, les relations avec les femmes et surtout le vin.
Quand Debedeux se fait débaucher par les pieds nickelés reste un bon moment de lecture, le retour à la nature au travers du voyage en DS en Lozère reste merveilleux et jubilatoire.
Fallet avec cette histoire semble nous dire que les hommes seront toujours ce qu'ils sont, et que pour quitter le troupeau il faut briser le lien de la routine sociale ( métro, boulot, dodo) et ne pas avoir peur d'assumer une vie différente, qui reste cependant tributrice et débitrice de ceux qui bossent, eh oui l'argent ne tombe pas du ciel.
Il y a de belles tirades sur l'amitié autour d'un verre de Beaujolais et d'un saucisson sec.
Le livre écrit en 1975 pourrait rebuter certains lecteurs, la vision de l'an 2000 vaut son litrage de vinasse et ne tombe pas toujours loin de ce qui fait notre quotidien.
Tavernier, une tournée.

Hexagone - - 53 ans - 14 mars 2012


in vinis veritas 8 étoiles

Amis œnologues, ne vous y trompez pas : les compères du Café des Pauvres apprécient également les crus plus renommés que le beaujolais nouveau, et on assiste parfois à des joutes gourmandes autour du mérite de telle ou telle appellation.
L'amour de la vie, l'épicurisme, un anarchisme bon enfant, beaucoup d'humour, un appel à la décroissance avant l'heure (le récit date de 1975) : il y a un peu de tout cela dans ce roman. Il mérite le détour par son style enlevé, à la Audiard, avec des expressions réjouissantes et des dialogues d'anthologies.
Sous la forme d'une farce aux personnages loufoques, René Fallet nous amène mine de rien à nous interroger sur notre société.
Si le style un brin rabelaisien et les histoires franches de copains ne vous rebutent pas, vous prendrez beaucoup de plaisir comme moi à lire "l'épopée" truculente de cette bande d'amis un peu lunaire.

Fanou03 - * - 49 ans - 2 avril 2011


Un univers loufoque et décapant 8 étoiles

Dès les premières phrases on perd toute identité pour entrer dans cet univers loufoque et gouailleur que nous offre généreusement René Fallet. On pense très fort à Boris Vian tant ce côté décalé nous élève au-dessus de toute convention sociale tout en restant incroyablement terre à terre.
Le Café du Pauvre, principal lieu du récit apparaît comme un paradis où l’on se lance dans des discussions endiablées et intemporelles. On y parle d’Amour, de biture et de liberté tout en manifestant un dédain ravageur et corrosif. Les quatre personnages hauts en couleurs ne cessent de s’épingler sur des sujets tabous comme les femmes, la guerre ou l’alcool, sans pour autant tomber dans le cliché.
Au fil des pages, ça sent bon l’Anarchie et le je-m’en-foutisme qui ne sont au final qu’une carapace pour masquer une sensibilité trop grande. Mais ce qui frappe surtout, c’est cette atmosphère unique qui nous transporte dans une époque sans date, en somme un paradis perdu que l’on cherche à reconquérir.
Au final, « Le Beaujolais Nouveau est arrivé » est réellement divertissant et redonnerait la joie de vivre au plus dépressif des êtres humains, ne serait-ce l’espace de ces quelques pages.

Baader bonnot - Montpellier - 41 ans - 9 janvier 2009