A la grâce de Marseille
de James Welch

critiqué par Bluewitch, le 13 juillet 2001
(Charleroi - 45 ans)


La note:  étoiles
Absolument superbe !
Dans ce dernier et passionnant roman, James Welch nous conte la vie de Charging Elk, un Indien Lakota arrivé en France en 1889 avec la troupe du Wild West Show de Buffalo Bill.
Il est alors âgé de 23 ans, ne parle pas l'anglais et encore moins le français, et ne songe avec fierté qu'à l'acclamation des foules et l'admiration des « wasichus », les étrangers. C'est son désir d'aventure et de découverte qui lui a fait quitter sa famille et son pays pour l’Ancien Monde, et il est parti pour pouvoir revenir en héros après deux années d’absence.
Suite à une chute de cheval, il est hospitalisé dans une clinique de Marseille. Craignant de se trouver dans un « mouroir », il s’enfuit, malade et égaré, pour découvrir qu'il a été abandonné par la troupe de Buffalo Bill, déjà en route vers l’Italie. Désespéré de ne plus pouvoir rentrer chez lui, de retrouver ses plaines où il vivait sans jamais s'être rendu à l’homme blanc, il erre dans les rues de Marseille pour finalement être emmené par la police et confié à une famille française qui tentera tant bien que mal de l'intégrer dans une civilisation aveugle et xénophobe.
S’ensuivront épreuves, déceptions, amours… Un ensemble d'événements qui le conduiront jusqu’au meurtre. Ce drame bouleversera évidemment le cours de son existence mais modifiera aussi sa route et sa perception de la vie, de ses croyances et de celles des hommes blancs.
Choc des cultures, nostalgie d’une civilisation amenée à disparaître, tout se mêle dans ce roman passionnant qui nous fait découvrir un homme en exil, bousculé entre ses croyances et celles de ce monde inconnu, confronté à une société ignorante et aveugle à laquelle il ne pourra jamais appartenir car elle est incapable de voir en lui autre chose qu’un sauvage, un être dont il faut se méfier. La quête du bonheur et de l’appartenance sera bien longue…
Quel splendide roman, quel souffle ! Bouleversant, captivant, superbement écrit, je n’ai rien à reprocher à ce livre magnifique. Il nous marque au fer rouge et ne se referme que péniblement, on ne peut s’empêcher d'y songer encore longtemps après, d’avoir envie de s'y replonger. Vraiment, il y a là de quoi ravir et bouleverser. Un chef-d’oeuvre, ni plus ni moins !
Un indien dans la ville 9 étoiles

Fin 1889. Buffalo Bill et son «Wild West Show» sont à Marseille.
Charging Elk (Elan qui charge), jeune indien Sioux Lakota, se blesse lors du spectacle et sombre dans le coma.
Il se réveille quelques jours plus tard sur un lit d'hôpital alors que la troupe a quitté la ville.
Perdu dans un univers qu'il ne comprend pas, il s'enfuit et erre dans Marseille comme un clochard. Il est alors arrêté par la police, relâché et mis en pension dans une famille d'accueil. Suite à un invraisemblable imbroglio juridico-diplomatique, le rapatriement de Charging Elk vers son pays d'origine traine en longueur...

Ce roman paru en 2000 est le dernier de James Welch, écrivain amérindien né en 1940 et décédé en 2003. Appartenant à l'école du Montana, figure de proue du courant littéraire de la renaissance indienne, il a œuvré à réhabiliter l'histoire, la mémoire et le statut de son peuple.
L'histoire de Charging Elk, basée sur des faits réels, est surtout celle d'un incroyable choc culturel. L’insertion à la société française de l’époque d'un des derniers indiens à avoir résisté à l'homme blanc est semée d’embuches, semble insurmontable, malgré ses efforts, son honnêteté, sa capacité de travail. On ne peut qu'être touché par le désarroi, la solitude, la nostalgie et le besoin d'amour de ce grand guerrier déraciné.
L'écriture de James Welch est simple, facile à lire, très classique, peut-être trop. Comme le dit Heyrique on a parfois l'impression de lire du Zola.
Mais le contexte social et psychologique de chaque personnage est décrit avec une grande finesse. De plus, la superposition de la culture indienne traditionnelle et de celle de la France de 1890 est vraiment passionnante.
Pour ceux qui ont lu « Désert » de Le Clézio, paru 20 ans auparavant, on ne peut qu’être frappé par la similitude des thèmes et du lieu. Avec du recul, il s'agit de la même histoire racontée de façon différente par deux grands écrivains, avec leur propre style. Marseille peut s’enorgueillir de les avoir inspirés.
A découvrir et à faire lire.

Poignant - Poitiers - 58 ans - 3 août 2012


Décevant 5 étoiles

J'avoue avoir eu quelques difficultés pour aborder ce roman, certainement désorienté par le fait que celui ci se situe en France, loin de l'immensité des paysages Américains d'où les nations Indiennes extraient leurs forces et leurs spiritualités. Mais après tout, le fait d'ancrer le point départ de l'histoire sur le fameux spectacle de Buffalo Bill pouvait s'avérer être une idée intéressante susceptible de renforcé la symbolique d'un peuple voué a joué les fantômes d'une culture en train de disparaître.
Mais ce roman m'a déçu, le récit est dans l'ensemble assez bancal, un individu abandonné pendant si longtemps alors que le consulat Américain a prétendument cherché à l'aider, une intégration dans la société Marseillaise qui paraît, à la finale, si simple comparé aux émigrés Nord Africains, entassés dans des quartiers périphériques, qui eux sont craint et rejetés. Un procès vite raconté, vite rendu, avec un jugement qui peut paraître bizarrement clément en cette période où on n'hésitait pas à couper des têtes pour un oui ou un non, surtout si c'était un étranger. Un emprisonnement, que l'auteur survole allégrement, avec une libération surprise au bout de dix ans, avec grâce présidentielle s'il vous plait, suivie d'une nouvelle réinsertion auprès d'une famille d'accueil. Une histoire d'amour (pourquoi pas) avec demande en mariage à laquelle le père de la jeune fille cède après quelques réticences qui apparaissent bien légères (à cette époque on ne plaisantait avec ce sujet, surtout quand il s'agissait de marier une fille unique à un bon parti).
James Welch est très bon auteur dont j'ai apprécié les précédentes oeuvres (notamment "Comme des ombres sur la terre"), mais là j'ai eu l'impression, tout comme Charging Elk perdu dans un monde inconnu, de m'être complètement égaré dans une histoire qui emprunte à des styles littéraires déjà éprouvés, cette façon de dépeindre la société et les mœurs, par instants on croit lire tout à tour du Dumas, du Zola, du Hugo, ce qui n'est pas un reproche en soit, mais juste le sentiment que ce roman n'est ni original ni personnel, mais procède plutôt d'une espèce de "collage" maladroit.
Reste le portrait de Charging Elk qui est, par petite touche sensible, bien composé, décrivant parfaitement le désarroi d'un individu ayant perdu tous ses repères et obligé de survivre dans un milieu totalement inconnu de lui. Les thèmes de l'incommunicabilité, du racisme latent, du choc des cultures sont dans l'ensemble bien développés, mais le tout ne suffit pas à rendre le récit solide et cohérent.
Et contrairement à la quatrième de couverture où figure l'avis de Jim Harrison ("Pour moi, A la grâce de Marseille est le meilleur de James Welch. Un roman superbe et absolument poignant dont l'écho résonne longtemps."), pour moi ce roman n'est pas le meilleur de Welch.

Heyrike - Eure - 57 ans - 3 novembre 2003


Sans-papiers 10 étoiles

Quel beau roman! Quelle histoire tragique que celle de cet homme, abandonné dans un pays dont il ne comprend pas la langue. On traverse avec lui ses espoirs et désespoirs. Tout est poignant, sa nostalgie de son pays natal comme ses efforts pour s'intégrer et trouver sa place dans une société dite civilisée mais surtout imbue d'elle-même et qui croit détenir la seule et unique vérité. Vraiment magnifique.

Maya - Eghezée - 49 ans - 20 mai 2003


Le regard de l'autre... 8 étoiles

Un bien beau livre en effet que celui de James Welch, emblématique d'un sujet universel, le regard que l'on porte sur celui qui est différent de soi, la volonté de voir l'autre se conformer au système de valeurs qui est le nôtre, en n'offrant que méfiance et mépris en signes de bienvenue. Il y a en effet dans ce livre le souffle d'une épopée, portée par l'art de l'auteur de nous faire percevoir l'évolution de Charging Elk, ses sentiments, les émotions qui l'habitent. Un chef d'oeuvre? Peut-être pas à mes yeux, mais en tout cas un livre qui vous emmène très loin, dans tous les sens du terme. P.S. Sur le même sujet, universel, puis-je vous recommander le spectacle de Pie Tshibanda "un fou noir au pays des blancs"? A voir par tous, dès 11-12 ans!

Isaluna - Bruxelles - 68 ans - 26 décembre 2002


Une précision 9 étoiles

Pour répondre aux appréhensions logiques de Jules, ce roman n'est pas vraiment cantonné aux rues de Marseille, même si le récit s'y déroule. A de nombreuses reprises, Charging Elk évoque sa vie au Bastion, le "camp" des Indiens qui refusèrent de se rendre aux Blancs, ainsi que la beauté des plaines de son pays. Cela dit, James Welch s'est effectivement concentré sur l'homme et sur sa vie dans un monde auquel il n'appartient pas, ce qui, selon moi, ne fait que renforcer la beauté et les richesses de la nature américaine.

Bluewitch - Charleroi - 45 ans - 16 juillet 2001


James Welsh est un très grand auteur 8 étoiles

J'adore cet auteur que j'ai découvert il y a quelques années. James Welsh est Indien lui-même et écrit des livres superbes sur son peuple, sans y glisser la défense d'une cause qui n'est pourtant pas dépassée. Son style est très fluide et poétique. Le livre que j'ai lu de lui s'appelle "Comme une ombre sur la terre" et est une vraie merveille. Toute l'histoire se passe parmi les peuples indiens en lutte entre eux ou contre l'envahissement de leurs territoires par les blancs. La critique de Bluewitch est superbe et nous donne fort envie de lire ce livre, mais je crains un peu d'être déçu de rerouver ce Lakota à Marseille, plutôt que dans son milieu naturel. Pour moi, James Welsh c'est la prairie à perte de vue, des villages de tentes en peaux de bisons, les peuples "Napikwans", "Corbeaux", "Loups", "Mangeurs Solitaires". Les hommes s'appellent Chevauche-à-la-porte, Chien Fou, Presque-un-loup. Les femmes portent des noms comme Peinture Rouge, Femme-frappe-deux-fois, Femme-bouclier-puissant. Cela vaut tous nos noms de saints bien moins poétiques!

Jules - Bruxelles - 80 ans - 16 juillet 2001