L'enfant d'octobre
de Philippe Besson

critiqué par Bidoulet, le 31 mai 2006
( - 56 ans)


La note:  étoiles
Il refait le match !
Dès les premières pages où il peint un paysage d'une province isolée, froide et désolée, Philippe Besson emporte l'adhésion du lecteur frissonnant tant il est saisi par cet univers de givre, de noirs coteaux et d'eaux sombres.
Philippe Besson relate le crime emblématique des années 1980 dans un récit incisif, presque chirurgical, où seuls les faits, rien que les faits, sont rapportés avec une concision et un détachement diaboliques. Cette affaire, que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître mais que les plus de vingt ans n'ont pas pu ignorer tant elle a été médiatisée, nous emmène sur les bords de la Vologne où flotte le corps du petit Gregory un soir d'octobre 1984. Mais l'auteur ne se contente pas d'une énonciation glaciale des événements, du déroulement de l'enquête, du rôle de la presse, des rebondissements dignes des meilleurs thriller, pas plus que des lamentables tergiversations de l'instruction bâclée par le "petit juge", Jean-Michel Lambert. Alternant le récit et la fiction, Philippe Besson, avec la profonde sensibilité qui caractérise cet auteur, imagine les pensées de Christine Villemin, les douleurs d'une mère vilipendée par les médias et mise en examen par un juge d'instruction qui cède à la pression de l'opinion publique.
Ce roman, car tout ici est romancé, est mené tambour battant par un auteur qui prend le parti de dénoncer l'inique instruction du "petit juge", sa faiblesse face aux requins de la presse qui lui dicte son jugement. Pourtant jamais Philippe Besson ne fait état de sa conviction personnelle. Christine Villemin, si longtemps montrée du doigt vengeur de la vindicte publique, est innocentée. Le mystère reste entier.
Un petit bémol dans l'équilibre du récit : Philippe Besson consacre une centaine de pages à la première année de l'affaire alors que les dix années qui suivront vers son dénouement sont "résumées" dans les quelques dizaines de pages suivantes. Cette disproportion - qu'est-ce qui la justifie ? - laisse un arrière goût de précipitation qui gomme la bonne impression donnée à l'entame du roman.
L'affaire Gregory. 10 étoiles

Il suffit de quelques pages pour comprendre que ce livre a pour sujet une histoire qui a fait la une des médias dans les années 1980 : l'affaire Gregory. On ne parlait que de ça partout à l'époque : dans les journaux, à la radio, à la télévision. Chacun avait son idée et son coupable. la phrase culte était "on ne saura jamais"... et on n'a jamais su.
Trente ans plus tard tout est dit ou presque et ce curieux livre remet les pendules à l'heure d'une bien belle façon. L'étude objective des faits tout simplement. La description pesante de l'attitude de la presse, les lacunes d'un juge dépassé et le doute qui mine, qui s'insinue partout.
En parallèle des faits et de façon distincte, l'auteur nous fait part des pensées de Christine Villemin. C'est la mal aimée, c'est elle qui écrira : "alors j'ai fermé les yeux et je suis rentrée dans la nuit de l'enfant".

C'est un pays où le ciel est bas, il y a la forêt, ça ressemble à la Sibérie.
Poignant.

Monocle - tournai - 64 ans - 4 septembre 2015


L'art de raconter l'irracontable 10 étoiles

Ce livre de Philippe Besson qui a pour héroïne Christine Villemin se livre en alternance à une narration et à des réflexions personnelles sous forme de monologues. Suite à ce roman, l’auteur et son éditeur ont été condamnés pour diffamation à l'encontre des époux Villemin. Cette condamnation fait suite à la parution de l'ouvrage où l’auteur met dans la bouche de Christine Villemin des propos inventés, mais parfaitement crédibles et qui ne conduisent pas à conclure que l’auteur la croit coupable.
Dans son style caractéristique recherché et prenant, même si c’est sous le couvert d’un roman, l’auteur donne ici sa pleine mesure et offre aux lecteurs sa version d’une des plus terribles affaires judiciaires du 20ème siècle. Les amateurs de bonne littérature se régaleront à la lecture de ce, encore, excellent ouvrage de cet auteur prolifique qui privilégie l’efficacité et les mots justes à de longs récits interminables.
Par ailleurs, le grand mérite de l’auteur est de pouvoir encore créer une véritable communion avec ses lecteurs en relatant cette terrible histoire que seuls les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître.

Philippe Besson signe peut-être ici un de ses meilleurs romans.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 8 juillet 2014


L'enfant d'octobre qui bouleversa notre société 8 étoiles

Il y a eu la Révolution d’octobre 1917 qui occasionna un bouleversement de société en Russie. Il y a eu octobre 1984 et la mort violente de Grégory Villemin qui bouleversa notre société.
L’auteur nous propose un découpage somme toute classique puisqu’il relate les faits dans un ordre chronologique en partant de la jeunesse des parents de Grégory. Cela nous permet de mieux comprendre leur comportement.
Il cerne avec soin la personnalité du juge et nous fait découvrir les difficultés d’un dossier pourri de maladresses, d’hésitations face à une incapacité de trouver le corbeau malgré les études graphologiques successives. Toutes ces tergiversations amènent des arrestations où les victimes deviennent les accusés.
Philippe Besson dénonce également le rôle équivoque des médias qui outrepassent leur rôle d’information pour se placer comme juges.
Au fil des pages, Philippe Besson insère des textes en caractère italique ; ce sont les commentaires de Christine, la maman de Grégory et cela donne une « image vérité » que l’on rencontre actuellement dans pas mal d’émissions télévisées style « reality show, confessions intimes » ! Ce procédé rend encore plus crédibles et dignes de foi tous les éléments qui se trouvent dans ce livre.
La langue de Philippe Besson est pure, très agréable à lire et son vocabulaire nullement pédant nous touche par sa justesse de ton : pour les « confessions » de Christine placées en italique, l’auteur utilise les mots qu’aurait pu prononcer Christine. Par ailleurs, pour la relation des événements, Philippe Besson recherche la beauté de la phrase mais sans excès pour garder un naturel véridique. Il est aussi un maître de la conjugaison et de la concordance des temps quand il introduit un passé surcomposé que peu d’auteurs risquent à utiliser : « dès qu’ils ont eu remballé leur bonheur et tourné les talons, on s’est demandé où ils avaient trouvé l’argent… »

Ddh - Mouscron - 83 ans - 24 juin 2006