Une simple affaire de famille
de Rohinton Mistry

critiqué par Béatrice, le 27 mai 2006
(Paris - - ans)


La note:  étoiles
Un regard sur la communauté parsi
A Bombay de nos jours. Les immeubles d’habitation s’appellent Pleasant Villa et Château Felicity, mais ses locataires ont du mal à boucler leur fins de mois. Au début il y a une fête de famille, c’est l’anniversaire du grand-père Nariman. A la fin également un réunion familiale, Murad fête ses dix-huit ans. Car la famille est au centre de ce roman, les petits gestes et les grands drames de la vie, des scènes intimistes et parfois sordides.

C’est (entres autres) une réflexion critique sur l’interdit de se marier en dehors de sa communauté parsi. L’auteur raconte la suite désastreuse de cet interdit et montre habilement sa perpétuation à travers les générations.
Une vision du carcan familial et du cocon familial ; Mistry reste fidèle à son ton réaliste, mélangeant les registres, le rire et le drame. En toile de fond l’évocation à la fois affectueuse et désenchantée de Bombay. Pourtant, à mon avis, ce récit manque d’étincelle. J’attendais plus. Plus de relief… ou alors j’attendais peut-être une touche de modernité.
Trois générations sous le même toit 10 étoiles

Nous sommes à Bombay à la fin des années 1990, dans la communauté parsie. Tandis que Nariman le patriarche s'éteint doucement, les souvenirs et les rancoeurs de la famille Vakeel refont surface. Coomy et Jal, les beaux-enfants de Nariman, sont partagés entre leur sentiment du devoir et le dégoût que leur inspire ce vieil impotent. Mais comment se débarrasser de « pappa » alors qu’il leur a légué son immense appartement ? Voilà Nariman « en vacances » chez sa fille biologique, Roxana. Mais même si cette dernière adore son père, la situation est loin d’être simple. La famille Chenoy occupe un modeste deux pièces et Yezad, le mari de Roxana, gagne tout juste de quoi nourrir leurs deux enfants. Pourtant la cohabitation s’annonce enrichissante pour les trois générations. C’est surtout Jehangir, le fils cadet, qui noue une relation très émouvante avec son grand-père. A l’affût des rêves de Nariman, le petit garçon découvre par bribes le passé tragique qui a divisé la famille.

En suivant les différents membres de la famille Vakeel, nous découvrons le quotidien des classes moyennes dans l’Inde d’aujourd’hui: des trains de banlieue au fondamentalisme religieux, en passant par les matches de cricket, l’école, les paris illégaux, la corruption du régime et le rêve d’émigration. Mais si ce roman est grand, c’est parce qu’il possède une dimension universelle ; car les histoires d’amour, les histoires de famille sont de celles que l’on écoute toujours et partout avec un même intérêt. Et comment ne pas être bouleversé par la lente déchéance de Nariman, qui s’évade dans ses souvenirs pour oublier son corps prison ? Je ne comprends pas les critiques mitigées écrites plus haut ; pour moi ce livre est d'une puissance rare, magnétique même. C’est un véritable chef d’œuvre qui se lit d’une traite et s’avère inoubliable. Rohinton Mistry, parsi émigré au Canada, y a probablement mis beaucoup de lui-même.

Pierrequiroule - Paris - 43 ans - 17 décembre 2013


L'Inde, au verso 7 étoiles

Sous les apparences des beaux immeubles de Bombay se cachent parfois des vies difficiles et une misère humaine difficile à enrayer. Rohinton Mistry nous entraînes dans le sillage d'une famille parsi dont nous suivons l'évolution, le quotidien, les peines et les joies.
Le moyen de s'immerger dans cette communauté aux traditions rigides, paraissant décalées à ceux qui n'en sont pas.
En maniant le rire et les larmes comme il le fait, Rohinton Mistry offre une proximité bienvenue au lecteur qui pourrait rester en-dehors de ce mode de vie souvent mal compris, parce qu'il nous est étranger et que certaines de ces traditions nous paressent révoltantes.
Le visage de l'Inde, dans ce recueil, n'est pas des plus séduisants: luttes ethniques, misère, rivalités en tous genre, abandon social, corruption et j'en passe. A travers un roman, Rohinton Mistry dénonce une société qui va bien mal. Une misère qui fait froid dans le dos, on peut se demander par moments si Mistry n'en remet pas une couche, mais non, tout cela semble hélas bien conforme à la réalité et c'est encore plus triste. De quoi permettre un parallèle intéressant entre l'étouffement d'une famille parsie et la stagnation d'un pays qui se dit pourtant en pleine révolution (positive, évidemment...). Je reproche quelques longueurs à ce roman, une profusion de détails de temps en temps mais j'ai apprécié la manière de procéder de Mistry, cette dénonciation d'un pays, immense, à travers l'histoire de destins déchirés.

Sahkti - Genève - 50 ans - 13 août 2007