Flamenco
de Jorge Zentner (Scénario), Santos de Veracruz (Dessin)

critiqué par Shelton, le 25 mai 2006
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Le cante vrai...
Jorge Zentner, le scénariste bédé argentin de naissance, espagnol d’adoption, explore de nombreux champs pour les transformer en cadre potentiel d’histoire, puisque ce qu’il cherche de façon absolue, c’est de nous raconter les histoires les meilleures possibles… Meilleures, mais pas à l’eau de rose, puisque ce Flamenco est plutôt noir et triste à souhait…
Le Flamenco est un chant, une musique et une danse espagnols, mélange gitan et andalou… Ici, dans cet album, un «one shot», c’est le chant de Paco, un homme qui souffre, qui tente d’aimer mais connaît de grandes difficultés dans ce domaine qui n’est pas fait pour lui… Mais pour qui chante Paco ? Pour celle qu’il aime ? Est-ce pour Amparito ? Pour Lola ? Pour sa mère ?
L’histoire se déroule comme une chanson, comme une petite histoire qui ne peut se terminer que dans un drame tant Paco est fragile, indécis, triste et tremblant, tant ces femmes sont exclusives, jalouses, excessives…
Le Flamenco retentit dans la nuit… Il est plein de violence, de haine et d’amour… Les paroles sont en français dans le texte de la bédé mais de nombreuses notes en donnent la traduction en espagnol en bas de page car le Flamenco ne peut pas se contenter de la langue de Molière, c’est celle de Cervantès qui peut lui donner sa crédibilité…
Le dessin et les couleurs de Santos de Veracruz donnent à la narration graphique une profondeur démentielle… C’est si fort que les textes peuvent parfois disparaître… Ils ne sont là que pour accompagner la musique, donner un sens à la voix de Paco… Mais pour le scénario, pour l’amour total le dessin suffit…
Quand, Paco emmène sa chérie Amparito chez la tireuse de cartes, la gitane va donner l’avenir mais les regards, les visages en disent beaucoup plus que les mots qui eux sont assez énigmatiques…
« Il y a beaucoup de brouillard. J’ai du mal à voir… Ah si ! Maintenant… Je vois ! Tu auras ton «cante» vrai ! Seulement à la fin ! »
Mais combien de temps Paco mettra-t-il pour le trouver son Cante de la mort, de l’Amore ?
C’est une bande dessinée pleine de force et de tripes, très rouge et très noire, pleine d’humanité et de musique… Souvent je dis que la bande dessinée est une histoire racontée avec des mots, des dessins et une bande son… En voilà un exemple parfait ! Il est impératif de prendre cet album avec un disque de Flamenco andalou, de prendre un bon thé glacé à côté de soi, de s’installer dans son salon, de couper son téléphone, de demander aux enfants de ne plus entrer dans le salon… Alors vous aller pouvoir entrer dans une tranche de vie très forte qui ne vous laissera pas indifférents…
C’est aussi une façon d’illustrer le talent de ce scénariste Jorge Zentner. Il peut tout raconter, avec tous les dessinateurs possibles… Il est spécialiste de ces ambiances traumatisantes qui peuvent nous submerger en quelques planches… Il permet aussi à de jeunes dessinateurs de se mettre en valeur et je suis sûr que ce Santos de Veracruz reviendra nous en raconter de belles histoires…