Voyage à Rodrigues
de J.M.G. Le Clézio

critiqué par FROISSART, le 18 mai 2006
(St Paul - 76 ans)


La note:  étoiles
La lecture de Patryck Froissart
Titre : Voyage à Rodrigues
Auteur : J.M.G. Le Clézio
Edition : Gallimard
Collection : folio
ISBN: 2070402096

Le voyage à Rodrigues est d’abord un pèlerinage de JMG Le Clézio sur les pas de son grand-père, Mauricien, chercheur de trésor, qui lui-même, inlassablement, pendant une grande partie de sa vie, au début du 20e siècle, de 1902 à 1930, a marché sur les traces illusoires de pirates fantomatiques qui auraient débarqué un jour, avait-il besoin de croire, dans l’Anse aux Anglais, à Rodrigues, pour y cacher le fabuleux produit de leurs razzias légendaires.

Illusion nécessaire, obsession salutaire, sans doute, qui animent ce personnage de roman dans sa quête en rond, dans son infatigable recherche de signes sur les roches, les arbres, le ciel.

Car c’est bien de cela qu’il s’agit : chercher du sens, et, rien qu’en ce faisant, donner un sens (une direction, un « objectif », dirait-on aujourd’hui) à l’existence, à une existence de fonctionnaire port-louisien probablement plombée d’ennui et de banalité.

Alors, le lecteur suit JMG le Clézio qui suit son grand-père qui suit Le Privateer qui suit toutes les voiles au trésor…
Le lecteur cherche le sens, son sens, dans la poursuite de ce mirage qu’est l’histoire, qui elle-même tourne et tourne et tourne, et toutes ces quêtes se superposent et s’emmêlent, comme se superposent et s’emmêlent les traces et les lignes posées par chacun sur la carte et sur les paysages de l’Anse aux Anglais.

Des personnages illuminés dans un récit quelque peu hallucinatoire : ce petit livre grise, surtout quand le lecteur (c’est le cas de celui qui rédige cette note) connaît les lieux où vont et viennent et reviennent le grand-père, le pirate, le narrateur. Il y met aussitôt ses propres souvenirs. Comme tous les mélanges, celui-ci soûle vite et bien.
Lorsque le même lecteur connaît par ailleurs à Maurice la maison d’Eurêka (la maison de famille construite à Moka par l’arrière-arrière grand-père Eugène), la Montagne Ory, le Pouce, les Deux Mamelles, Piether Both (la seule énumération des toponymes n’est-elle pas enivrante ?), le voyage devient son voyage, aussi, en plus, et tous les personnages sont ses compagnons, ou ses prédécesseurs, pour cette manière d’initiation.

Patryck Froissart, le 18 mai 2006
Apprendre à n’être que soi-même : les bonnes recettes du docteur Le Clézio 9 étoiles

Vous voulez vous sonder au plus profond de votre être ? Les faces à faces avec vous même ne vous effraient pas ? Alors saisissez-vous de ce livre et suivez les conseils de J.M.G. Le Clézio.

Il vous faut d’abord une terre de désespoir, brûlée, noire, mais cela va de soi, authentique. Si c’est une île, embarcation immobile au milieu de l’océan, c’est encore mieux. Il vous faut être seul car pour se regarder soi-même au fond des yeux, toute présence extérieur pourrait se révéler inopportune. Enfin, priez pour trouver parmi vos ancêtres un aventurier maudit qui, pendant des décennies, aura cherché son graal en vain. Si vous parvenez à réunir tous ces éléments, vous pourrez espérer apprendre qui vous êtes et finalement découvrir le secret de la vie, de votre vie.

Tout cela peut paraître simpliste surtout si l’on a, comme je viens de le faire, forcé le trait. Mais heureusement, il y a le style Le Clézio, cette espèce de prose poétique qui devrait faire taire les plus grincheux. En résumé , même si la recette proposée n’est pas franchement originale, il serait fort regrettable de ne pas goûter au style qui, lui, ne manque pas de singularité..

Montgomery - Auxerre - 52 ans - 21 juillet 2006