Rue du Pacifique
de Thomas Savage

critiqué par Jules, le 17 mai 2006
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Agréable mais trop prévisible
Grayling, dans le Montana, prend le statut de ville en 1890 et s’attribue un comté aussi grand que tout le Massachusetts pour 1500 habitants à peine.

John Metlen fait partie des premiers éleveurs qui viennent y construire un beau ranch sur une surface de plus ou moins dix mille hectares. Il vient de Californie avec sa femme Lizzie, douée d’une grande intelligence mais surtout d’une grande sensibilité. Il figure donc parmi les premiers notables de la ville avec un certain Martin Connor qui, lui, construit une banque.
Notons au passage que quelques deux cent mille hectares de ces prairies appartiennent encore à cinq cents Indiens Shoshones.

On apprend que le chemin de fer va passer par la petite ville, aussi John s’empresse de construire un hôtel des plus modernes pour l’époque. Il y ajoute une grande et haute tour qui n’a pour seule utilité que de porter son nom à son sommet. Pour ce faire, il prend une hypothèque sur son ranch. Il se construit également une maison en ville pour quand ils ne souhaitent pas résider au ranch un peu trop éloigné.

Lizzie défend le peuple Shoshones alors que Martin Connor fait tout pour qu’il soit expulsé vers des réserves. Martin respecte la force de caractère de Lizzie mais sait que le vainqueur ce sera lui. Les affaires de John prospèrent mais il s’avère aussi être un homme plutôt rêveur et dépensier. Il résiste mal aux premières belles voitures et adore offrir des émeraudes à sa femme. Un nouvel hôtel, plus moderne, s’ouvre et une terrible sécheresse s’abat sur la région.

Entre-temps John et Lizzie ont enfin un enfant, Zachary, dit Zack. Celui-ci va s’avérer aussi calme, posé et discret que Harry, le fils de Martin Connor, va être remuant et sûr de lui.

Le vent de la première guerre mondiale atteint l’Amérique et, alors que Harry se fait exempter, Zack estime qu’il a à s’engager. Il part pour l’Europe alors que les affaires de son père sont difficiles.

John ne comprend pas toujours les attitudes de son fils. Celui-ci a l’air de savoir ce qu’il veut, mais ne se comporte vraiment pas comme les autres jeunes de son âge.

Au retour d’Europe de Zack, John commencera à beaucoup mieux le comprendre…

Ce roman est vraiment très agréable à lire mais nous pourrions lui faire le reproche d’arriver à trop facilement deviner une bonne partie de l’histoire. Les personnages sont très bien campés. John et Lizzie sont terriblement attachants. Elle, concrète, douce, sensible et aimante. Lui, un peu le nez dans les nuages, amoureux, pudique et presque désarmé devant les réalités de la vie. Zack est le seul qui nous réservera des surprises, car les Connor sont tout aussi prévisibles dans le rôle des moins bons. Et puis, il y a la masse des habitants qui suivent et regardent.

C’est également une très bonne description des mœurs et problèmes de l’Amérique terrienne de l’époque. Quant à l’auteur, il nous livre ses réflexions personnelles avec la plus grande finesse, par petites touches.

Par contre, rien ne nous permettra de deviner les orientations prises par Zack quant à l’ensemble de sa vie, à part le choix qu’il fera de la femme qu’il va épouser. Car là aussi deviner sera facile.

Je dirais donc, en conclusion, que ce livre se lit très agréablement mais n’est pas le chef-d’œuvre de Savage.

« La peur du chien » et « La reine de l’Idaho » étaient des livres bien plus forts.
Un roman agréable mais trop prévisible 6 étoiles

Ce fut une bonne lecture même si je dois avouer que je m'attendais à mieux. Il faut dire que les deux autres romans de cet auteur traduits en français m'avaient marqué de leurs empreintes. Non pas que rue du Pacifique soit un mauvais roman, loin de moi cette pensée, mais j’en attendais plus. Les personnages sont trop manichéens, d’ailleurs à la différence des autres critiques j’ai eu du mal à m’attacher à eux : allez, un peu à Zack et à sa mère, Lizzie. J’attendais aussi une histoire moins linéaire, moins prévisible, plus de rebondissements. Longtemps j’ai cru à une opposition entre les deux grandes familles aux convictions opposées, un peu comme dans Kane et Abel de J. Archer, mais au final pour reprendre la célèbre onomatopée de notre ancien président, elle a fait pschitt…
Néanmoins il reste toujours ce style, sobre et élégant et une histoire intéressante sans être non plus marquante. Une bonne lecture tout de même mais qui m’a laissé sur ma faim.

Sundernono - Nice - 41 ans - 15 septembre 2022


Montana ! 7 étoiles

Rue du pacifique est dans la lignée de l'oeuvre de Thomas Savage, mais je rejoins la critique qui semble dire que quelque part l'auteur s'essouffle.
Il n'en reste pas moins une fresque agréable à lire sur le Montana, si cher au thème fétiche de ce grand écrivain qui signe ici sa dernière publication.

Tout commence avec les pionniers (dont John Metlen), nous sommes à la fin du dix-neuvième siècle, Grayling cherche à s'étendre pour les troupeaux et les cultures. Les terres ancestrales des "Indiens" sont tentantes et il suffit de parquer les survivants dans des réserves. Plus d'obstacle au bonheur complet des habitants (sauf les pauvres) et ainsi va le progrès !.
John Metlen s'enrichit mais une saison sans pluie pousse son ranch à la faillite. Jack, le fils un peu rêveur sera-t-il celui qui relèvera la situation ?
Un roman qui évoque deux générations de façon un peu désordonnée, on ne sent pas bien le fil conducteur de l'histoire. Mais l'ensemble reste malgré tout de bonne facture.

Monocle - tournai - 64 ans - 25 octobre 2017


Quand Pied d'Aigle devient Joe 8 étoiles

Je partage l’avis de Jules pour qui ce roman, s’il est un très bon livre, est cependant inférieur aux deux précédents et plus particulièrement au « Pouvoir du chien ». Ceci est dû peut-être au fait que Thomas Savage dans « Rue du Pacifique » brosse le portrait de personnages moins forts, moins excessifs. John est un poète, un peu à côté de son époque, Lizzie est pleine de bons sentiments mais finalement velléitaire, Martin Connor trop prévisible. En revanche les enfants sont plus déterminés, plus volontaires ou plus extravagants. A cet égard la scène finale est absolument remarquable, mêlant tout à la fois la folie de l’argent, l’ambition orgueilleuse et le moralisme hypocrite. On est loin des "Pères fondateurs".
La construction de ce roman est un puzzle parfaitement agencé dont les pièces indispensables sont souvent présentées de façon anodine avant de se révéler essentielles; les scènes se renvoient comme dans un jeu de miroirs pour le grand plaisir de la lectrice ou du lecteur.
Comme toujours, Savage introduit dans son récit des remarques qui sont autant de pépites, je devrais dire des émeraudes, souvent pleines d’humour, qui enrichissent le propos, lui donnent ce ton singulier et permettent de comprendre ce qu’était l’Amérique de l’Ouest entre 1890 et 1920 quand l’aristocratie terrienne –« L’aristocratie est une affaire locale. Elle repose sur qui est arrivé le premier et a su en tirer profit… S’il y avait une aristocratie dans l’Ouest, elle reposait sans ambiguïté sur la propriété terrienne »- le cède au capitalisme industriel et financier.
Ce roman est fait de mille et un détails qui, loin de peser sur l’histoire, sont là aussi des pièces de la construction de Thomas Savage pour nous offrir sa vision grand écran de l’épique Amérique d’alors, conquérante et sûre d’elle, au détriment, chaque fois que nécessaire, des perdants et notamment des Indiens qui ont « tendance à se fier aux rêves plutôt qu’à la réalité ». Ces Indiens seront déplacés ou intégrés au détriment de leur identité et c'est ainsi que le copain de Zach, Pied d'Aigle, deviendra Joe.
Le livre est aussi bâti autour de quelques scènes plus intimes comme celles entre John et son fils, par exemple, qui sont superbement rendues en évoquant la différence entre la vie et l’existence.
Quant au devenir de Zach, une fois le livre refermé, je crois, clin d’œil à Jules, qu’il se trouve décrit au tout début.

Jlc - - 81 ans - 5 août 2009