L'Europe est-elle vraiment condamnée au déclin économique ?
de Rodolphe Greggio, Benoît Maffei, Bruno Marcel

critiqué par Belial, le 17 mai 2006
(Anvers - 44 ans)


La note:  étoiles
L’Europe au Purgatoire
Cet ouvrage, écrit par trois enseignants d’Economie et Gestion, a pour ambition de dresser un portrait sans complaisance de l’état de l’économie européenne en ce début de XXIème siècle mouvementé. Ecartelée entre le géant américain, l’ogre chinois, le prétendant indien, les dragons asiatiques et un Japon sclérosé mais toujours pourvu d’une avance technologique considérable, l’Europe avance les yeux bandés, incapable de coopérer, de se réformer et encore moins de montrer la voie d’un développement harmonieux et maîtrisé au reste du monde qu’elle se targue souvent d’avoir. La Vieille Europe peut-elle retrouver sa place et jouer le rôle qu’elle ambitionne ? Comment ?
Des problématiques bien complexes auxquelles les auteurs tentent d’apporter des éléments de réponse. En simplifiant, on peut considérer que le livre se compose de deux volets distincts : un comparatif de l’Europe et des Etats-Unis, suivi d’une analyse détaillée de la situation économique de l’Europe des Vingt-cinq.
L’ouvrage démarre très bien avec un excellent premier chapitre qui retrace l’histoire de la compétitivité de l’Europe et des Etats-Unis à travers le XXème siècle. Les remarques sont souvent pertinentes et le tout suffisamment bien écrit pour convaincre le lecteur. Puis une première partie s’attache à analyser en profondeur les causes des multiples échecs européens sur le plan économique depuis vingt ans. Le panorama est complet, ressasse quelques vérités bien connues (l’état sinistré de la recherche), sans doute trop succinct et rapide sur certains points (la flexibilité du travail, qui tombe comme un cheveu sur la soupe), mais au final tout semble y être. La deuxième partie a pour but de tempérer la première en montrant que l’Amérique est bel et bien le « colosse aux pieds d’argile » que l’on imagine parfois, et que l’Europe n’est pas dénuée d’atouts. Quelques points discutables, notamment la prétendue irresponsabilité américaine en matière d’écologie et un angélisme européen en la matière totalement fictif, l’expression de cette différence de mentalité est à n’en point douter caricaturale.
Enfin lors des parties trois et quatre, l’essai étudie plus en détail certains modèles de développement européens ainsi que leurs succès et déficiences. Si l’information est juste et présentée avec honnêteté, l’écriture devient lassante, obéissant à un schéma sans cesse répété : présentation d’un argument en quelques paragraphes suivie d’une ribambelle de statistiques censée l’appuyer. La quatrième partie analyse l’état des institutions européennes et les blocages dont celles-ci souffrent.
Au final on aura apprécié en premier lieu l’impartialité absolue (ou presque) des auteurs, qui ne défendent aucune théorie économique et ne tronque aucun chiffre ni réalité. L’Economie étant sans doute, bien malgré elle, la science humaine la plus politisé, ce refus des jugements de valeur et des idées toutes faites apporte un réel bol d’air frais sur des questions sans cesse abordées dans les médias. Ensuite on pourra féliciter les auteurs pour la transversalité de leur ouvrage : stratégie d’entreprise, développement, mondialisation, macroéconomie, histoire économique, économie financière, on ne nous épargne rien, et le tableau dressé-là est complet en moins de trois cent pages. Condenser autant d’information a cependant un revers : la présentation un peu superficielle et discutable de questions si complexes que quelques pages ne leur rendent pas justice. Enfin, le livre souffre d’un positionnement ambigu : pas tout à fait accessible aux néophytes purs (certains chapitres du moins), insatisfaisant pour les lecteurs dotés d’un bagage de sciences économiques solide, il a sans doute un peu de mal à trouver sa cible. Au chapitre des regrets encore, on aurait souhaité des sources citées plus fréquemment et des références plus nombreuses, les auteurs n’ayant produit aucune information ni savoir, mais les ayant simplement compilés. La synthèse est belle et les trois auteurs ont rempli leur objectif : présenter un tableau clair et complet de la situation économique de l’Europe en ces lendemains de rejet du projet de Constitution européenne.