De Cape et de Crocs, tome 6 : Luna incognita
de Alain Ayroles (Scénario), Jean-Luc Masbou (Dessin)

critiqué par Belial, le 10 mai 2006
(Anvers - 45 ans)


La note:  étoiles
Ils ont marché sur la Lune
De Cape et de Crocs et une bande dessinée hors normes. Hors normes parce qu’elle défie, en terme de qualité, d’originalité, de références, toute la production franco-belge contemporaine. Nous voilà plongés en pleine histoire de cape et d’épées, avec aux commandes un loup espagnol : Don Lope de Villalobos y Sangrin, et un renard français : Armand Raynal de Maupertuis. A Venise, les deux compères avaient mis la main sur une carte au trésor et s’étaient lancés à sa poursuite, vite rejoints par une troupe d’acolytes bigarre (l’irrésistible lapin Eusébio notamment) et pourchassés par pirates et mercenaires cupides. Après d’incroyables péripéties dans les Caraïbes, nos amis ont mis le cap sur… la Lune !
La découverte des Sélénites exilés lors des tomes précédents s’était soldée par un décollage improbable à bord d’une machine volante. Après un alunissage folklorique, la fine équipe part à la recherche de leurs amis séquestrés par les Sélénites. Au programme de ce tome-ci : exploration de la Lune et premiers contacts avec la société des Sélénites. Entre intrigues lunaires de palais et le capitaine Mendoza toujours à leur poursuite : la prudence reste plus que jamais de mise pour Don Lope et Armand…
La formule de la série est à présent bien rodée. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, on retrouve là encore un scénario à tiroirs et aux rebondissements multiples et inattendus. Les dialogues et les situations regorgent d’humour aux degrés multiples, et Ayroles continue de puiser avec délice dans les trésors de la littérature française, Molière et La Fontaine tout particulièrement, afin de donner un peu plus de profondeur à ces foldingues aventures.
Les auteurs s’en donnent à cœur joie dans leur description de la Lune et de ses habitants. Tout semble à la fois proche de la Terre et complètement décalé : des villes et bâtiments qui se déplacent, des arbres à fromage, des citoyens pacifistes et joviaux, un despotisme éclairé et humble. Tout cela est délicieusement surprenant et loufoque et se fond merveilleusement avec l’idée que l’on se fait des prémices de la science-fiction (Micromégas, Verne), Ayroles glisse d’ailleurs une référence très astucieuse aux Histoire comique des États et Empires de la Lune de Cyrano de Bergerac. On regrettera toutefois un léger fléchissement dans l’inventivité des dialogues, un peu moins épicés et délicats qu’à l’accoutumée. Ce tome montre que les auteurs ont gagné leur pari et sont parvenus à donner un nouveau souffle à leur fantastique série après la séquence Île au Trésor dont on pouvait craindre qu’elle n’accoucherait de rien de follement excitant. Que nenni, la série fonce à toute vapeur vers le succès et vous auriez tort de ne pas prendre le train en marche.