Le nègre du Narcisse
de Joseph Conrad

critiqué par Sahkti, le 8 mai 2006
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Faire face à la différence
Jimmy Wait est noir. Insolent, marin et noir. Il n'en faut pas plus pour que l'équipage du Narcisse, bateau au bord duquel il monte, le regarde de travers et le prenne en grippe, avant que Jimmy Wait, souvent pris de quintes de toux qui paraissent tantôt réelles tantôt simulées, ne leur dise qu'il est gravement malade et qu'il va mourir. Divers sentiments se manifestent alors à son égard, allant de la suspicion à la pitié, en passant par l'affection et l'indifférence. Pendant ce temps, le Narcisse suit sa route, bravant une tempête effroyable qui bouleverse les marins et leurs certitudes. Peu à peu, le trouble s'installe parmi les hommes, tant à cause de la présence de cet étrange personnage de Jimmy Wait qu'à cause de la longueur de la traversée et de l'ennui qui en découle.

Ecriture dense et riche que celle de Joseph Conrad dans "Le nègre du Narcisse", à tel point qu'il arrive parfois de perdre le fil et d'effectuer quelques retours en arrière pour mieux percevoir l'importance de tel ou tel détail ou comprendre tel ou tel terme technique.
Une histoire forte qui aborde les diverses facettes de nos sentiments face à la différence. Différence de couleur de peau tout d'abord, mais aussi notre comportement face à la maladie et au malheur d'autrui. Jimmy Wait simule-t-il? Joue-t-il avec les marins du Narcisse afin de ne pas faire sa part de travail et de se la couler douce jusque la fin du voyage? Conrad ne fournit pas de réponse, il creuse nos interrogations et à travers chaque membre de l'équipage, c'est un peu de nous que nous retrouvons dans chacun de ces hommes. Qu'aurions-nous fait à leur place? J'ai aimé cette réflexion, ce questionnement, d'autant plus que Conrad ne le formule pas abruptement, il le distille avec habileté au sein d'une histoire de marins et de voyage qui tourne mal. Cela donne à réfléchir tout en savourant le côté épique de l'histoire.