Congo 40
de Éric Warnauts (Scénario), Raives (Dessin)

critiqué par Shelton, le 6 mai 2006
(Chalon-sur-Saône - 67 ans)


La note:  étoiles
Aller-retour pour le Congo...
Warnauts et Raives ? Un duo d’artistes, un couple, des amis ??? Non, tout simplement un binôme de création de bande dessinée. Mais qui est qui ? Qui écrit l’histoire ? Qui fait les dessins ? Vous ne le saurez jamais de façon exacte parce qu’en fait ils travaillent à quatre mains… Ils savent tout faire et ils le font bien !
Congo 40 a été leur première collaboration avec la revue (A Suivre). C’était en août 1987 et c’était au moment où Sokal dessinait Sanguine dont nous avons déjà parlé. Mais nous sommes ici dans un genre très différent : Eric Warnauts et Guy Raives font plus dans le sensuel, le déchaîné, l’enchaîné, le sentimental et la fureur… de vivre !
Warnauts et Raives étaient des lecteurs du magazine (A Suivre) depuis le premier numéro, enfin presque… Et un jour, ils ont pu, avec difficulté quand même – lire le récit de cet entretien initial avec le directeur de la publication, Jean-Paul Mougin, dans l’excellent livre-document (A Suivre) 1978-1997 –, se faire éditer dans la mythique revue…
Cette histoire, Congo 40, se déroule sur plusieurs années et on peut dire, sans avoir à exagérer, qu’il s’agit d’un drame, le drame de l’amour, de la tendresse, du racisme, de la colonisation, de l’incompréhension, de la violence, de la révolution, de la jalousie, de la prétention… C’est triste, mais c’est beau !
Tout commence en 1935, dans un bel hôtel à la montagne, Vincent, un jeune homme qui semble avoir tout pour lui, à commencer par le charme, tente de satisfaire une femme mariée à un homme d’affaires ayant des idées très proches de celles des nationaux socialistes… Ce séjour calme ouvre d’autres perspectives car quelques années plus tard, Vincent se retrouve au Congo, y retrouve des personnages et se construit une vie, une vie d’homme, d’engagement, de travail, de passion, d’amour… Mais aimer est chose si difficile qu’il n’est jamais sûr d’y arriver…
En arrière plan de ces passions humaines, centre de l’album, il y a aussi le Congo et une intrigue policière, enfin presque…
Tout prendra fin en 1960 au moment de l’indépendance, dans une violence et une tristesse touchante. En aucun cas, vous ne trouverez ici une défense ou une attaque de la colonisation du Congo par les Belges car les victimes en sont des femmes et des hommes qui souffrent de s’être trouvés pris au piège et non des meneurs, des leaders, qui auraient pris la responsabilité de faire changer le monde en prenant des risques. Non, les personnages de Warnauts et Raives ressemblent plus à ceux de Racine qui subissent qu’à ceux de Corneille qui décident de leurs destins… C’est ainsi…
Très bel album plein de fureur, de chaleur, d’odeur, de transpiration, de larmes, de sang… Un style graphique inégalé que j’aime et qui peut en surprendre plus d’un… Nous avons probablement là un travail qui restera un classique. Oui, la bande dessinée engendre aussi des classiques qui devraient rester longtemps dans les mains des lecteurs. D’ailleurs, il a été créé il y a déjà 18 ans !!!