Querelle de Brest
de Jean Genet

critiqué par B1p, le 3 mai 2006
( - 51 ans)


La note:  étoiles
par la main, sublime, d'un marin qui l'est tout autant
Georges Querelle accoste dans le port de Brest. Quelques jours sont libres où il pourra laisser libre cours à ses pulsions.
Querelle a pour lui la brusquerie et la pulsion meurtrière, à laquelle se marie la plus insolente des beautés. Et tout Brest sera prêt à y succomber, car tout acte meurtrier est magnifié si l’ange qui donne la mort a les traits de George Querelle.
La beauté remonte des cales des bateaux alourdis de charbon pour enseigner le crime aussi bien que la culpabilité, le plaisir charnel et la rédemption.
A moins que Querelle ne soit prêt à se perdre à son tour au jeu de dés pratiqué au bordel le plus connu des marins de toutes les mers du globe, « la Féria ».

En résumé, qu’y a-t-il de vraiment intéressant et d’original chez Jean Genet ? Sa façon poétique de transformer ce qu’il y a de plus vil en l’Homme pour l’élever au niveau de l’élan mystique. Chez Jean Genet vivent les meurtriers, la brusquerie, la merde et la sodomie. Autant de sujets que Genet donne en offrande aux yeux du lecteur pour le convaincre que c’est dans l’humiliation qui naît la plus grande des beautés. Genet décrit son panthéon de dieux aux désirs pédérastes et de truands plus fourbes et traîtres les uns que les autres. Et c’est parmi ces raclures que se cache le meilleur de l’humanité, car c’est eux qui osent explorer les terrains que les lâches se contentent de lire dans les faits divers des journaux.

En l’occurrence, c’est Genet qui semble avoir beaucoup compulsé les entrefilets pour écrire son roman. De ci, de là, référence au marin Menesclou (NDR. Etrangle et viole une petite fille, le 15 avril 1880. Condamné à mort, il est guillotiné le 7 septembre suivant) et à d’autres encore. Fascination pour les mains robustes et caleuses qui donnent la mort, fascination du marin en habit qui vient décharger son trop plein de virilité dans chaque port, fascination pour les ports eux-mêmes dont les quais embrumés semblent propices aux pires affaires de sang.

Mais dans le cas de « Querelle », la fascination ne suffit pas. Généralement, la force poétique de Genet élève sans difficulté les propos les moins reluisants. Mais ici, peu de la maestria dont peut faire preuve le Maître. Souvent des passages assez pénibles dignes de revues qu’on s’échange sous le manteau, et parfois, heureusement, une envolée qui permet de faire patienter le lecteur et qui le pousse à persévérer, espérant l’élan mystique qui, malheureusement, n’arrive jamais.

« Quant à Querelle, en quittant la chambre de la patronne, il connaissait un étrange sentiment : il la quittait avec peine. Cependant qu’il s’habillait, lentement, avec un peu de tristesse, son regard se posa sur la photo du patron, accrochée au mur. L’un après l’autre, il revit les visages de ses amis : Nono, Robert, Mario, Gil. Il éprouva comme une sorte de mélancolie, une crainte à peine consciente qu’ils ne vieillissent sans lui et, vaguement, […] il désira les entraîner dans le crime afin de les y figer, afin qu’ils ne puissent aimer ailleurs ou autrement qu’à travers lui seul. »