Le Livre du Graal, tome 1 : Joseph d'Arimathie - Merlin - Les Premiers Faits du roi Arthur
de Collectif

critiqué par Numanuma, le 21 avril 2006
(Tours - 51 ans)


La note:  étoiles
Arturus Rex
Voila un volume qui m’a donné du mal, plus de deux mois de lecture difficile tant le style, même traduit en français moderne, est inhabituel.
Ce premier tome du Livre du Graal en Pléiade regroupe le Jospeh d’Arimathie, le Merlin et les Premiers faits du roi Arthur. Les spécialistes considèrent que le conte a été rédigé entre 1181 et 1191 et qu’il a été la semence du roman du XIII° siècle. Le conte serait, de plus, à l’origine de l’association définitive du roman et de la prose.
Le mythe du Graal se constitue par étapes de 1180 à 1240 et il est la somme de diverses influences et légendes. Il n’y a pas un mais plusieurs Graal.
Le premier roman du Graal est l’œuvre de Chrétien de Troyes. Le Graal n’a alors pas la fonction religieuse qu’on lui attribue désormais. Il est un ustensile mis en valeur d’une manière particulière dans une scène spéciale voulue par l’auteur. L’objet se christianise car il contient une hostie mais ce n’est pas sa fonction première. La recherche a montré que le conte s’est construit sur une origine non biblique et que le mythe du Graal n’est pas un antérieur à l’auteur. Chrétien de Troyes en fait avant tout un mythe littéraire qui va évoluer au fil des réinterprétations du récit.
C’est au fil de ces interprétations successives que le Graal accède à la légende chrétienne quasi canonique alors que son origine liturgique est probablement païenne. En fait, la valeur que l’on prête au Graal vient du travail de l’Eglise qui tend à établir des concordances entre les religions païennes d’Europe et le christianisme.
C’est par l’intermédiaire de Robert de Boron, dès 1200, que le mythe du Graal prend une tournure chrétienne. C’est lui qui fait remonter le texte aux temps bibliques, dans un esprit bien différent de celui de Chrétien. C’est Robert de Boron qui fait du Graal le saint vase contenant le sang du Christ récupéré par Joseph d’Arimathie. Or, le Graal n’a jamais existé sous ce nom à l’époque biblique. Il s’agit d’une invention permettant le transfert du profane au sacré, de la religion celtique à la foi chrétienne.
Le roman, tel qu’il est présenté dans ce premier volume de 1900 pages regroupe les œuvres de Chrétien et de Robert dans un ordre logique alliant ainsi histoire et histoire sainte. Dans untel système, il faut une figure du Prophète. Ce sera Merlin, Antéchrist raté qui sert de lien entre l’époque biblique et l’époque de la chevalerie. C’est lui qui fait mettre le récit par écrit grâce à Blaise. Puis, c’est Arthur, au fur et à mesure de la disparition de Merlin du récit, qui devient la figure centrale du récit en attendant Lancelot et Galaad.
On peut considérer les romans du Graal comme des manuels de chevalerie avec pour objectif final et réel l’initiation religieuse. De même, l’Eglise se sert de ces romans pour conforter sa position dans une époque troublée par l’hérésie cathare et les croisades. Cependant, l’Eglise n’a jamais fait sienne l’histoire du Graal, sentant confusément que son origine et bien trop trouble et mystérieuse.
De plus, s’il faut parler de chevalerie dans le texte, on parle de chevalerie romaine et non moyenâgeuse. En effet, le récit indique clairement qu’à cette époque, c’est la loi romaine qui dirige le monde, Bretagne comprise.
Après ce deux mois de lecture, il me reste deux volumes à lire. Volumes recelant, je l’imagine, d’autres surprises. En effet, le texte est parfois ponctués de tournures redondantes expliquant que c’est grâce à Blaise, qui écrit, et Merlin, qui dicte, que le texte est venu jusqu’à nous. Ce qui sous-entend que Merlin ne savait, ou ne voulait, écrire, ajoutant encore à son mystère. Dans le registre guerrier, on peine à retrouver les preux et valeureux combattant de nos rêves d’enfants et des films. Non qu’ils soient sans courage mais les causes qu’ils défendent ne sont pas celles de la veuves et de l’orphelin. Il s’agit de reprendre la terre aux Saxons, de faire valoir le droit du roi. Et la presse, la bataille, est rude au point que, la tournure revient régulièrement, les chevaliers étaient « couverts de sang et de cervelles ». Gardons-nous donc d’angélisme concernant ces chevaliers arthuriens qui semblent étonnamment proches du légionnaire et éloignés du combattant droit et probe.
Plongée dans le moyen-âge 8 étoiles

Ce volume reste assez difficile à lire, non pas tant à cause du texte, pour lequel le travail de réécriture est remarquable, mais par sa longueur. 1662 pages pour le tome I, ça décoiffe !

Mais bon, c'est un excellent tableau de ce qu'est le moyen âge, de l'esprit féodal, de ses mythes, de ses coutumes. J'en ai tiré une grande satisfaction en plus de six mois de lecture.

Fa - La Louvière - 49 ans - 3 janvier 2008