Elysée 2007 : Le guide de la présidentielle
de Claude Perrotin

critiqué par Grossel, le 18 avril 2006
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Les 39 candidats déclarés à la présidentielle de 2007
Ce livre vient à point nommé, après le mouvement contre le CPE qui s’est terminé par une pantalonnade gouvernementale et présidentielle, avec la promulgation-abrogation du projet, puis avec le scénario de sortie de crise consistant à faire adopter par le parlement qui avait été court-circuité sur le CPE avec l’article 49-3, un nouveau contrat sans rapport avec le CPE puisqu’il s’agit de contrats aidés par l’État.
Ce mouvement où la jeunesse a occupé le devant de la scène et de la rue, sans que la jonction se fasse vraiment entre la jeunesse des banlieues et la jeunesse estudiantine, marque le retour sur le terrain politique de la jeunesse qui avait opté pour l’abstention ou pour la droite, allant jusqu’à voter Chirac en 2002. La jeunesse redécouvre peut-être qu’elle peut agir sur son destin et cesser d’être fataliste comme trop de sirènes nous y appellent.
Il est clair, après le retrait du CPE, poursuivi par la reculade sur les mesures anti-tabac, que ce président et son premier ministre, quoi qu’ils en disent, ont vu fondre leur marge de manœuvre : ils ne sont plus en mesure de gouverner, d’anticiper, de prendre les mesures qui s’imposent. Comme ils sont plus attachés à leur pouvoir, à l’apparence du pouvoir qu’à l’intérêt du pays, l’échéance de 2007 devient centrale pour les mois à venir.
On vit une fin de règne, une fin de régime. Des hommes et femmes attendent leur tour : quadras et quinquas.
Le guide de la présidentielle 2007 présente 39 candidats déclarés. Beaucoup n’obtiendront pas les 500 signatures : on connaît les pressions anti-démocratiques des grands partis, surtout l’UMP, sur les maires pour qu’ils n’accordent pas leur signature à des petits candidats.
Il est donc intéressant de lire les présentations et les réponses faites par ces candidats aux journalistes de l’Archipel : on n’aura peut-être pas l’occasion de lire leur profession de foi en 2007. Or ceux qui se présentent ne sont pas des plaisantins: ils y croient, ont des idées, des analyses, des propositions.
Évidemment, j'ai lu toutes les présentations comme je le fais à toutes les élections: c'est le travail minimal à faire par un citoyen qui ne doit pas former son opinion sur des préjugés mais sur des jugements. Donc, j'ai lu FN, MPF, MNR, Alliance royale. Je pense que la diabolisation est une mauvaise chose en politique.
Sur 39 candidats, 37 ont été interviewés sauf Jospin qui a déclaré se retirer de la politique en 2002, sauf José Bové, en réserve. 3 n’ont pas répondu à Archipel : Bayrou, Sarkozy et Villepin, celui-ci avançant qu’il n’était pas candidat. On ne sait donc pas ce que pensent l’UMP et l’UDF en dehors de leur propagande.
Mauvais point pour ces deux partis, disqualifiés pour moi par cette attitude.
Tous les mouvements se présentent eux-mêmes sauf le PCF, le PS, l’UDF, présentés par des dates, l’UMP et le FN d’après leur site internet.
Le commentaire concluant la présentation de chaque candidat est dans l’ensemble correct sauf pour Cheminade où le journaliste préfère la rumeur, infondée pour moi, après 10 ans de lecture du journal Nouvelle Solidarité, (« personnage controversé ») à un jugement fondé sur les propositions du candidat, pourtant intéressantes, déjà en 1995 (en lisant toutes les professions de foi des candidats du 1° tour, j'avais trouvé celle de Cheminade très au-dessus de toutes les autres). Je m'en étais inspiré pour ma profession de foi aux législatives de 1997 dans la 3° circonscription du Var où je m'étais présenté sans étiquette, geste don quichotesque que je ne regrette pas mais stérile.
À noter : sur 39 candidats, 8 ont fait l’ENA : Hollande, Royal, Fabius, Jospin, Villepin, Dupont-Aignan, Villiers, Cheminade. 5 autres sortent de Polytechnique ou des HEC ou de l’IEP : Mégret, Strauss-Kahn, Lang, Lepage, Allenbach. Pas de candidature significative issue du monde des travailleurs. Cela révèle bien le corset dans lequel les élites ont empêtré la démocratie.
À noter : 6 candidats au PS, 3 chez les Verts; des primaires dans ces 2 partis départageront les aspirants. Rien de tel à l'UMP ou à l'UDF. À mon avis, cela dit pas mal de choses sur la possible richesse en hommes, en femmes et en idées des uns, la possible pauvreté (sauf en argent, bien sûr) des autres, sur l'usage de la démocratie chez les uns, sur la personnalisation du pouvoir par les autres.
Ce qui frappe, malgré le peu d’intérêt de 4 questions sur 7, c’est le peu d’ampleur des analyses qui ne dépassent pas le cadre français et la quasi-absence de propositions innovantes à la mesure des défis et des enjeux. Font exception, petits partis et mouvements.
Je m’étonne que, sauf Cheminade, personne ne se positionne par rapport à l’administration de Bush et à la politique des faucons américains, va-t-en guerre de la guerre perpétuelle et préventive auxquels on doit quelques-unes des tragédies récentes et qui nous en préparent d’autres avec leur axe du mal, leur guerre au terrorisme. À part la relance du projet européen par les uns, ou sa profonde modification pour les autres, (mais les candidats sont chiches sur les moyens pour relancer ou modifier) presque rien sur la politique étrangère de la France alors que tous veulent redonner confiance aux Français et (ou) grandeur à la France, ce qui suppose, à mon avis, une politique offensive à l’échelle mondiale, pas comme puissance mais comme source de valeurs universelles: Liberté, Égalité, Fraternité, que nous ne respectons plus (que nous avons rarement respecté mais le programme du CNR de 1946 en est une illustration et certains s'en réclament) et qu'il faudrait faire revivre ou revitaliser.
Bien sûr, les candidats parlent des méfaits de la mondialisation mais je n’ai pas trouvé sauf encore une fois chez Cheminade, de propositions me paraissant applicables contre les dérives du système financier et monétaire devenu spéculatif, ce que certains appellent la dictature des actionnaires sur les travailleurs : nouveau Bretton Woods par exemple, mise en liquidation judiciaire des créances douteuses, retour aux banques nationales et suppression de la BCE.
Sont contre l’Europe et réclament explicitement l’abandon de Maastricht, d’Amsterdam, le Parti des Travailleurs, Solidarité et progrès. Le MPF, le FN parlent du pouvoir exorbitant de Bruxelles mais ne proposent rien de concret si ce n’est le rétablissement des frontières pour le FN, un « patriotisme populaire, moderne et ambitieux » pour le MPF.
Sur la V° république, sur l’élection au suffrage universel du président, c’est le PT qui est le plus en rupture, avec sa proposition d’assemblée constituante. Les autres acceptent la V°, ou veulent un rééquilibrage entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, une démocratie plus participative.
Quand je pense que Mitterrand avait caractérisé cette constitution de coup d’état permanent, qu’il a finalement gouverné 14 ans avec cette constitution, que tous l’ont respectée et se sont servis de ses articles d’exception, droite comme gauche, quand je pense à ce que beaucoup dénoncent : primat de l’ENA, oligarchie prédatrice, élites socio-libérales soumises à la mondialisation, prédominance des partis institutionnels, découpage électoral anti-démocratique, absence de proportionnelle aux législatives, non-reconnaissance du vote blanc…, je m’étonne que la VI° république ne soit pas plus à l’ordre du jour car le carcan n’est pas que bruxellois, il est d’abord français et (ou) parisien.
Les discours des écologistes sont tous inquiétants, centrés sur le réchauffement climatique et sur le choc énergétique systémique qui va se produire avec la fin du pétrole à gogo et bon marché. Ils oublient ce que l'on peut appeler la crise systémique du système financier international et qui peut provoquer 10 fois la crise de 1929. Je ne doute pas que les conséquences seront de l’ordre d’un changement de civilisation mais en même temps, je m’étonne que les condamnations des écologistes soient péremptoires alors qu’ils devraient préconiser de grands débats démocratiques nationaux avec référendum sur, par exemple, le nucléaire civil : je ne peux m’empêcher de penser à une forme de terrorisme intellectuel, brandissant la catastrophe pour imposer ses idées.
On voit bien que la menace (réelle ou exagérée) ne change pas l’attitude des États-Unis, refusant d’appliquer le protocole de Kyoto. On voit que sur certaines questions comme l’OMC, ce sont les USA et quelques autres qui ont freiné, mis en cause l’adoption de règles libérales, préférant les accords bi ou multi-latéraux. Comment se fait-il que nos élites soient plus libérales que leurs « amis » américains, que l’interventionnisme américain dans les domaines scientifique, industriel, commercial, énergétique… ne serve pas de conducteur à ceux qui veulent redonner une chance à la France. Dans le contexte de la mondialisation à combattre, il me semble qu’il faut en revenir à l’État-Nation, au volontarisme politique qui peut contraindre partiellement le capital à restituer une part plus importante de la plus-value, à contribuer au développpement mutuel Nord-Sud, Ouest-Est.
Bref, un livre à lire, pour voir les insuffisances criantes des grands partis (UMP, UDF se sont disqualifiées en ne répondant pas), pour repérer les propositions à creuser (je pense aux propositions de l’Union pour la démocratie directe ou du Mouvement de l’utopie concrète sans reparler de ceux que j’ai déjà cités: PT, Solidarité et progrès), pour décider d’intervenir dans le débat soit en interne dans un mouvement ou un parti, soit en externe grâce aux possibilités qu’offre internet ou des deux façons. C'est ce que pour ma part, je vais faire: en interne et en externe.
Je crois que le sursaut fortement politique du mouvement anti-CPE et anti-libéralisme sauvage autorise à espérer que nombre de citoyens, conscients des enjeux, ne vont pas attendre les 22 avril et 6 mai 2007 pour se mettre à réfléchir et à agir.