La mer de la fertilité
de Yukio Mishima

critiqué par Don_Quichotte, le 17 avril 2006
(Metz - 37 ans)


La note:  étoiles
La Mort comme source de vie.
Voici ce qu'il est convenu d’appeler un testament littéraire, en effet, peu après avoir déposé le manuscrit chez son éditeur, Mishima se donnera la mort selon la coutume des samouraï, en place publique, à la suite d'une opération militaire ratée.

Mais il est inutile d'entrer dans les détails de cette affaire, essayons plutôt de sonder, de tenter de comprendre, ou du moins d'apercevoir subrepticement ce que contient cette oeuvre monstrueuse, cette tétralogie de plus d'un millier de pages que nous a laissé Yukio Mishima.
Inutile de raconter l'histoire, il faut la découvrir, oser, parmi les égarements philosophiques de l'auteur, suivre le fil conducteur, qui est en fin de compte l'essence de la pensée de Mishima, qui résume sa vision de l'univers et les immenses espérances de ses personnages. Car dans la Mer de la Fertilité, c'est avant tout une exaltation de la jeunesse et de la beauté que l'on trouvera, une beauté que l'on rencontre sous la plume de Mishima, mais qui reste pour lui un ersatz de la réalité que l'homme d'esprit tente de s'approprier. Car la beauté n'existe que par le vide de l'esprit, par une pureté dans la vision du monde qui ne se laisse pas contaminer par les travaux de l'intelligence. La recherche d'une félicité totale n'appartient qu'aux êtres dépourvus d'ambiguïté intérieure, les êtres beaux que sont Kiyoaki et ses "doubles", enfants condamnés à la fulgurance de l'existence, à l’éphémère des sens et qui se subliment dans la mort. Amour, suicide, douleur, vieillesse, chair, virilité, sainteté, Mishima réunit son univers et le fait tourbillonner dans une valse morbide pleine de magnificence et qui nous offre une oeuvre intemporelle. La fatuité des mondains côtoie la probité des anges, dont la déchéance affreuse n'empêche pas de conserver une liberté, un état de nature d'une telle indépendance qu'il renverse les hommes.
A côté de ces étoiles filantes, il y a Honda, l'homme moyen, qui voit sa vie continuer à côté des brèves perfections qu'il admire. Ces êtres sont une sorte de perfection car ils ont une démarche vers l'absolu, vers le fondamental, et c'est cette pureté de coeur qui fait leur beauté extérieure. Honda, quand à lui, ne peut que les contempler, mais reste figé, bloqué par sa nature, il survit mais ne vit jamais vraiment, il est comme tout le monde, mais a la chance de côtoyer le divin et de voir son destin mêlé à des êtres uniques.
La passion de la tragédie 9 étoiles

Ma critique ne concernera que le premier livre de la tétralogie, Neige de printemps.

On y retrouve Kiyoaki Matsugae, jeune aristocrate rêveur et son ami Honda beaucoup plus pragmatique.
Le premier est destiné à une vie intense et fulgurante, guidé par la passion que lui inspire Satoko Ayakura, son amie d'enfance appartenant à une ancienne famille de la Cour, proche de la famille impériale. Et se sont ses fiançailles avec un proche de l'empereur qui la rendra d'autant plus inaccessible et attirante pour Kiyoaki. Le tempérament irréfléchi et impétueux du jeune homme mènera nos deux jeunes amants à leur perte dans un pays où déshonneur est synonyme de mort.
Et tout cela se fait sous le regard de Honda, un jeune homme studieux et réfléchi, qui verra son ami se mettre en danger mais aussi vivre pleinement de tout son être sa jeunesse, ce dont lui-même est incapable. La pureté et la spontanéité de Kiyoaki forceront l'admiration de celui qui n'est que le témoin de la vie.

Morganitou - - 35 ans - 27 mai 2007