Pedro Paramo
de Juan Rulfo

critiqué par Bertrand-môgendre, le 10 avril 2006
(ici et là - 69 ans)


La note:  étoiles
roman soupir
Juan Préciado, le fils de Pedro Paramo, part à Comala rencontrer son père inconnu. Comala (le lieu sur les braises), est un petit village mexicain, situé sur les pentes du volcan de Fuego de Colima (toujours en activité).
Pour le voyageur novice, c’est l’occasion de découvrir ses racines, dussent-elles se nourrir de l’âme des fantômes. L’un après l’autre les personnages s’adressent à Juan Préciado. Mais ce ne sont que des ombres qui parlent de fantômes. Ainsi le vide des rues se comble de vies pleines d’intrigues et d’arrangement chuchotés. Les bruits fourmillent d’images fortes. Contre les pierres des maisons, l’échos des voix troubles, chuchotent les paroles éteintes.
Les murs décrépis s’effritent sous le vent sec de ce désert, déplaçant les vagues silhouettes des habitants absents.
Dogville de Lars von Trier, un film surprenant avec pour seul décor, les traces de l’emplacement des maisons peintes sur le sol, invitant l’imaginatif à se représenter les murs et les cloisons inexistants. Dans son roman, Juan Rulfo nous promènent dans ce village bien réel (voir la photo de l’auteur illustrant l’ouvrage), tout en faisant apparaître les personnages en pointillés, habillés d’ombre et d’incertitudes pesantes. Les personnages sont dessinés à la craie (souvent rouge), au coin d’une rue, au centre d’une maison, sur un lit ou assis à l’abri du soleil cuisant.
Dérange t’il par un sursaut de souvenir, une pensée, qu’une image devient nette pour tracer son anecdote comme un sillon dans le sable et disparaître aussitôt poussée par le vent.
La transparence des corps dissimule les secrets des âmes casanières.

Juan Rulfo, auteur mexicain, écrivit fort peu, écrivit fort. Ce roman « Pedro Paramo », tente de décrire l’indescriptible image que peut nous laisser la mort.
Doit on y voir le désenchantement de l’auteur face à l’histoire révolutionnairement sanguinaire du Mexique ?
Avant de lire, il faut se libérer des conventionnelles habitudes romanesques, (sécurisant notre logique), en découvrant ici, l’essence même du travail sur le souvenir impalpable des êtres vivant en nous.
L’écrivain reste dévoué aux êtres en leur âme et conscience, sans cesse attentif aux conséquences post-mortem de leurs actes, bons ou mauvais, accomplis au cours de leur courte vie terrestre.

De cette tristesse s’en dégage la force et la puissance de ce roman murmuré, comme un cri étouffé par tant de retenue et d’accablement contenu.
J’illustre en conclusion, un moment fort de ce roman par l’une de ses phrases clé
« chaque soupir est un souffle de vie dont on se défait » !
(môgendre)