Jusque-là tout allait bien en Amérique
de Jean-Paul Dubois

critiqué par Alphabétix, le 7 avril 2006
( - - ans)


La note:  étoiles
Pays de tous les excès
L'auteur des romans "Une vie française" et de "Kennedy et moi" est aussi un chroniqueur au Nouvel Observateur. Ce livre est constitué de ses chroniques, portant sur les Etats-Unis, parues dans ce journal entre 1996 et 2001.

C'est évidemment un portrait d'une société dans laquelle cohabitent tous les excès et toutes les turpitudes. De "Ground Zero" aux fièvres religieuses du "Bible belt", du superfétatoire de Las Vegas au misérabilisme des réserves indiennes, des extraterrestres aux restaurants pour chiens, Dubois relève à la fois l'originalité et l'incohérence de ce colosse aux pieds d'argile pour en brosser un tableau parfois surpris, parfois ému mais toujours aux limites de l'incrédulité.

C'est intéressant, mais moins surprenant pour un lecteur québécois que pour un lecteur européen.
Le cauchemar américain 3 étoiles

L’auteur, américanophile notoire, semble vouloir démonter le rêve américain.

Au travers de différentes courtes histoires, Jean-Paul Dubois décrit les multiples dérives internes de cette nation qui a influencé le monde entier.

L’Amérique est pleine de contradictions, pays où tout est possible, et surtout le pire.

Personnellement, même si le début du bouquin est assez prenant la succession descriptive de ces personnages les plus loufoques les uns que les autres lasse au cours de la lecture.

Le style est très plaisant, mais le contenu est barbant.

Pacmann - Tamise - 59 ans - 4 octobre 2013


Dingos, fous furieux et égoutiers 8 étoiles

Où en est le rêve américain ? Pour tenter de répondre à cette question, on peut aller voir le très bon film Watchmen, tiré de la BD du même nom, écouter Bruce Springsteen, relire Truman Capote, jeter un œil du côté du nouvel occupant de la Maison Blanche ou bien se plonger sans passeport biométrique dans la lecture de ce volume 2 des chroniques américaines de Jean-Paul Dubois, magnifique raconteur des joies et des peines du quotidien américain.
Ce volume 2 reprend les choses là où elles ont été laissées en couvrant la période qui va de 1996 à 2004 et s’ouvre par deux chapitres incroyablement beaux et émouvants sur le 11 septembre. En fait, toute la force de Jean-Paul Dubois est de savoir poser le regard, raconter ce qu’il voit et se taire. Pas de jugement, pas de mauvaise foi, pas d’a priori.
Malgré tout, il est difficile de ne pas avoir l’impression d’être sur une autre planète tant la vision américain de la vie et de la mort sont autres… Il ne faut pas beaucoup de mots à l’auteur pour mettre son lecteur en situation, ce qui est déjà le signe d’une parfaite maitrise de son art de l’écrit ; les chapitres sont courts et incisifs, capables de susciter toute une gamme d’émotions sans en imposer aucune.
Alors, où en est-il ce fameux rêve américain ? On peut avoir envie de dire, après lecture, qu’il a pris un sacré plomb dans l’aile tant la société américaine semble n’être obsédée que par la réussite sous toutes ses formes, mêmes les plus farfelues. Le monde a-t-il vraiment besoin de psychologues ou de restaurateurs pour animaux domestiques, de doux-dingues attendant la venue des extra-terrestres, de propriétaires de parcelles de Lune… ? On peut en douter mais aux USA, la différence est un art de vivre, surtout si elle rapporte.
Ou si elle fait économiser de l’argent, comme ce Sheriff vraiment inquiétant qui dirige une prison de toile de tente installée en plein désert, habitée par des centaines de détenus accoutrés de sous-vêtements roses (impossible à revendre) et moins bien nourris que les chiens du Sheriff !! Oui, ce type fait peur mais ses concitoyens l’acclament et le contribuable lui dit merci tant il réduit les dépenses.
Oui encore si la différence veille sur les cœurs et les corps de nos chères têtes blondes et tant pis si la finesse, l’esprit et l’intelligence ne sont pas au rendez-vous. Ainsi en est-il du révérend Keenan Roberts et de son concept de Hell House Tour. Pour 6,5 dollars, vous découvrez une série de tableaux vivants présentant diverses tentations diaboliques : le sexe, la drogue, l’homosexualité… Ce génialissime VRP de Dieu, en plus d’être un grand communiquant, est doté d’un bon goût à toute épreuve. Je ne résiste pas à l’envie de citer ce savoureux passage alors que Keenan organise une représentation de son tableau sur l’avortement :
« Mettez du sang sur les draps et aussi sur vos gants. Voila, j’aime bien le sang sur les gants en caoutchouc. Quant-à toi le Diable, montre le coton rougi avec un rictus effrayant ». Puis, se tournant vers le photographe : « Je compte sur vous pour ne pas faire de prise de vue des jambes de la jeune femme qui avorte, hein ? Il faut quand même que cela reste décent et ne soit pas de mauvais goût ».
Et puis, à côté de ces caricatures, à côté de ces phénomènes de foire pour nos yeux d’européens, entendez par là que notre histoire plusieurs fois centenaire, notre culture, notre façon d’appréhender les choses peuvent nous rendre prétentieux et donneurs de leçons, il y a des exemples de courage et d’humanité qui sont l’autre face de la réalité américaine au sens large. Je pense plus particulièrement à ces égoutiers de l’impossible chargés de déboucher les conduits des sous-sols de la ville de Mexico. Plus prosaïquement, ces types ont la tâche la plus ingrate et la plus inimaginable que soit : ils plongent littéralement dans la merde et autres horreurs qui prolifèrent dans les égouts dans une eau plus noire que la mort et plus toxique et dangereuse que le pire scénario catastrophe sorti de l’esprit d’un pro de Hollywood !! Autant dire qu’ils risquent leur vie à chaque fois et pour un salaire minable…
Je pense aussi à cet archevêque de l’Eglise anglicane indépendante du Canada qui voudrait juste vivre et partager sa foi au sein d’une Eglise reconnue mais qui en a été empêché par sa hiérarchie qui n’apprécie que très moyennement que Dorian Arthur Baxter se transforme en Elvis Presley pour s’adresser à ses ouailles. On peut penser que l’Eglise anglicane du Canada se refuse à laisser un des représentants adorer aussi bien Dieu qu’Elvis, qui est Dieu pour d’autres.
La quatrième de couverture parle d’une « Amérique malade de ses propres rêves ». Je n’ai pas trouvé meilleure formulation. A force d’être la terre promise pour tout et n’importe quoi, n’importe qui, l’Amérique se transforme en entrepôt mondial de la loufoquerie humaine dans le meilleur des cas, en fast-food de l’horreur souvent.

Numanuma - Tours - 51 ans - 29 mars 2009